Elysium et autres dystopies "réalistes"
Plus que tout autre genre, la science-fiction semble permettre à son public de réfléchir à son présent. Car il n'est pas rare que le monde parallèle ou le futur inventé ramène de manière percutante à des phénomènes observés ou des peurs ressenties dans la société contemporaine. La science-fiction devient alors, en quelque sorte, un genre "social". Plusieurs films récents se sont écartés de déclinaisons futuristes classiques - à la George Orwell - des grands totalitarismes du XXe siècle ou encore d'histoires d'extra-terrestres et de guerre entre planètes pour aller vers plus de réalisme ou du moins une plus grande proximité à certains problèmes de société déjà observables à l'heure actuelle. Si Elysium de Neill Blomkamp, en salles depuis le 14 août, s'inscrit dans cette veine, ce n'est qu'en partie le cas, le réalisateur consacrant principalement une première partie à la peinture sociale avant de laisser plus de place à la pure déferlante d'action. Petit florilège de dystopies si lointaines et pourtant si proches...
Bienvenue à Gattaca (Andrew Niccol, 1997)
Epoque : "Futur proche"
Phénomènes aggravés : manipulations génétiques, compétition, inégalités sociales
Tandis que l'on en est déjà à pouvoir fabriquer un steak entièrement artificiel rien qu'à partir de cellules souches, la biologie et le génie génétique semblent sans conteste être les disciplines les plus à mêmes de servir de bases à l'élaboration d'un futur de cinéma. Dans sa première réalisation, le scénariste de The Truman Show (1998) imagine une société où l'on pourrait choisir in vitro le génotype de ses enfants. Dans une société pratiquant l'eugénisme à grande échelle, les "défauts" ne sont plus de mise... ou presque. Celles et ceux qui sont nés trop tôt se trouvent relégués à des tâches subalternes, marginalisés par une sorte de "dictature de la performance". Pour autant, les contrôles du patrimoine génétique des individus dans un cadre professionnel voire amoureux (sera-t-il/elle à la hauteur ce soir?) demeurent interdits et le régime montré dans le film conserve une apparence de démocratie. On fait difficilement plus glaçant que cette dystopie qui se passe de tout élément trop irréaliste pour mieux donner l'impression d'une tyrannie de la compétition qui nous guetterait dès à présent...
Les Fils de l'Homme (Alfonso Cuarón, 2006)
Epoque : 2027
Phénomènes aggravés : baisse du taux de natalité, maladie, guerre, terrorisme, suicide
Si le scénario, adapté d'un roman de P.D. James, semble avoir été quelque peu ambitieux (il repose sur l'idée d'une dernière naissance d'enfant sur Terre survenue le 21 juin 2009), il n'en exagère pas moins un réel problème de natalité que rencontrent certains états à l'heure actuelle. La montée du niveau de vie s'accompagnant en général d'une baisse du nombre de naissances, le renouvellement des générations est actuellement insuffisant en Europe, et ceux qu'on appelait dans les années 1980 les nouveaux pays industrialisés d'Asie (Corée du Sud, Taïwan, Singapour) ont connu le phénomène en version accélérée : ils ont aujourd'hui des taux de fécondité parmi les plus faibles de la planète. Le film de Cuarón va jusqu'à imaginer un taux de fertilité mondial à zéro. Quel espoir sans enfants pour un monde ravagé par les pandémies, les guerres et le terrorisme ? A moins que...
WALL-E (Andrew Stanton, 2008)
Epoque : Début du XXIIe siècle
Phénomènes aggravés : concentration économique, pollution, surconsommation, obésité
Rarement aura-t-on vu film tout public mettre ses spectateurs face à autant de problèmes de société. Sûrement les plus jeunes n'ont-ils pas saisi au vol les éléments de contexte dévoilés dans la seconde partie du métrage : une compagnie est parvenue à monopoliser l'économie planétaire et à porter la surconsommation à un point où la Terre est devenue un immense dépotoir qu'il faut fuir. Ainsi les hommes, tous obèses, incapables de se déplacer à pied, patientent-ils à bord de vaisseaux spatiaux le temps - quelques siècles - que la planète soit nettoyée par une armée de robots... Concentration économique, pollution, surconsommation et obésité sont autant de phénomènes observables à grande échelle dès à présent. Le miroir tendu à la société actuelle semble même si tranchant que la presse étasunienne la plus conservatrice est allée jusqu'à taxer Pixar de "gauchisme" (oh!).
Time out (Andrew Niccol, 2011)
Epoque : 2169
Phénomènes aggravés : stress quotidien, inégalités sociales
Décidément inspiré pour exagérer quelques traits sociaux de son présent dans des créations futuristes, Andrew Niccol nous met face à notre tendance à l'accélération, que le sociologue allemand Hartmut Rosa analyse avec brio dans sa "critique sociale du temps". Toujours faire plus en moins de temps : et si cette concentration à vitesse "grand V" expliquait plus d'évolutions qu'on ne croit dans nos sociétés ? Chez Niccol, elle deviendrait en tout cas l'origine d'une nouvelle structuration bipolaire de l'ordre social : d'un côté ceux qui peuvent s'offrir d'être jeunes et beaux pour l'éternité en accumulant le temps et de l'autre ceux qui mendient, volent ou empruntent quelques heures, échappant in extremis à la mort plusieurs fois par jour. Si le cinéaste ne sait visiblement plus porter aussi loin que dans Gattaca son idée de départ, reste que celle-ci est l'une des plus percutantes de la production de SF récente.
Elysium (Neill Blomkamp, 2013)
Epoque : 2154
Phénomènes aggravés : inégalités sociales, pollution, criminalité, pauvreté
Comme dans Time out, la population mondiale de ce milieu de XXIIe siècle peut être divisée en deux catégories (peut-être ce type de structures scénaristiques "tranchantes" pose-t-il d'ailleurs trop de limites à la richesse de la dystopie qui y est liée). La Terre, surpeuplée et ruinée, rongée par la maladie, le crime et la corruption, est une vaste prison à ciel ouvert... ouvert sur Elysium, station spatiale à laquelle tout le monde rêve et où ne résident que les très riches, sans maladie, ni pollution, etc. Prolongeant par certains aspects son District 9, le réalisateur sud-africain livre quelques images particulièrement frappantes : entretien absurde avec un robot comme version catastrophique des automates de plus en plus nombreux à l'heure actuelle, bidonvilles survolés par des vaisseaux spatiaux, etc. Et si, à l'heure où des billets pour la Lune se vendent déjà pour la modique somme de 155 millions de dollars, tout devenait envisageable ?
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Lyncher19 août 2013 Voir la discussion...
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Kikuchiyo20 août 2013 Voir la discussion...
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Lyncher20 août 2013 Voir la discussion...
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Kikuchiyo20 août 2013 Voir la discussion...
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misterpinkboo27 août 2013 Voir la discussion...
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misterpinkboo27 août 2013 Voir la discussion...
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RokuYon27 août 2013 Voir la discussion...
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misterpinkboo27 août 2013 Voir la discussion...