Titanic : retour sur la légende de la fin alternative
Cet été, Vodkaster vous propose de découvrir Air Cinema : une série de programmes courts et décalés donnant une folle seconde vie aux films cultes et à leurs inoubliables VF. Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui aiment les films et les moustaches. Cette semaine : Titanic.
Air Cinema parle tant à notre nostalgie cinéphile que nous ne pouvions pas en rester là ! Nous avons donc décidé de demander à notre cher Alexandre Hervaud (en vacances de Trailer) de dépoussiérer ses VHS pour accompagner cette série d'été de textes rendant hommage aux films détournés. À lui de jouer avec le cinéma : à la manière d'un « mockumentary », le totalement vrai y côtoie l'archi faux, l'anecdote authentique y fricote avec le canular grossier. Lisez tout, triez ensuite...
Du très lourd
Peinant à trouver l'inspiration pour ouvrir ce papier, et par la même occasion ce nouveau rendez-vous estival de Vodkaster, votre serviteur s'est résolu à abandonner toute dignité rédactionnelle en faisant l'impensable : googler « blague Titanic ». Dès les premiers résultats, on savait que notre bassesse intellectuelle associée au plus grand moteur de recherche allait faire des étincelles. Preuve en est cette plaisanterie trouvée sur un site visiblement bloqué en 1997, date de production du film de James Cameron :
C'est un mec qui est sur le Titanic, durant le naufrage. Alors il voit une chaloupe, la jette à l'eau, et s'apprête à sauter dedans. Alors apparaît le capitaine, qui lui crie :
- Eh ! qu'est-ce que vous faites ! Il y a encore des femmes à bord !
Et l'autre de répondre :
- Ah ! ben, si vous croyez que c'est le moment de penser à ça...
Si vous trouvez cette vanne navrante, révisez donc votre jugement en écoutant sa variante audio déclamée par Laurent Ruquier, pur concentré de malaise sonique. Mais revenons à nos affaires du jour. Septième long-métrage de James Cameron (si on compte son fameux baptême filmique Piranha 2 - les tueurs volants, repris en main par son producteur), Titanic sort début 1998 en France, pour devenir le carton que l'on sait : plus de 20,7 millions d'entrées - oui, parlons d'entrées plutôt que de spectateurs car on sait bien que vous étiez allé le voir plusieurs fois - auxquelles on peut ajouter le million d'entrées supplémentaires réalisées il y a quelques semaines lors de sa ressortie en 3D. Malgré les assauts répétés du cinéma français à base de tarte au maroilles ou de fétichisme paraplégico-auriculaire, Titanic reste à ce jour le roi du moooooonde du box office français. Niveau mondial, il doit en revanche se contenter de la deuxième place, Avatar étant passé par là.
Le mal-aimé
Le paragraphe précédent est symptomatique du traitement réservé à Titanic, plus souvent traité sous l'angle « carton économique » qu'à l'aune de ses qualités intrinsèques. Et elles sont pourtant nombreuses, n'en déplaise aux grincheux : le souffle épique de la mise en scène, l'excellente photographie de Russel Carpenter (True Lies), les décors impressionnants de Michael Ford (L'Empire contre-attaque), les effets visuels révolutionnaires pour l'époque ayant plutôt bien vieilli, le casting au petits oignons (dont Eric Braeden, alias Victor Newman dans les Feux de l'Amour, remplaçant in extremis Richard Dean Anderson, alias MacGyver, qui avait décliné l'offre de Cameron trouvant le rôle « vraiment trop gay »), la BO culte de James Horner et surtout le scénario ambitieux de Cameron qui, 194 minutes durant, se permet de naviguer dans le temps (une habitude depuis Terminator) et de mixer petite et grande histoire(s). Parfois vilipendé par la frange virile des fans de Cameron, toujours pas remis de Terminator 2 et Aliens, Titanic mérite mieux que sa réputation guimauve celinedionisée, et l'on conseillera aux irréductibles de jeter un oeil à l'excellent hors série sur Cameron publié par Mad Movies fin 2009, lors de la sortie d'Avatar.
Si Cameron est connu pour sa manie des versions longues (15 minutes supplémentaires pour Aliens, 25 minutes pour Abyss, etc.), Titanic a également vu son lot de scènes restées sur le banc de montage. Trois quart d'heure de métrage en rab, pour être précis, qui contrairement aux autres films de Cameron, n'ont jamais été directement intégrées dans un remontage. Le 14 septembre prochain sortira d'ailleurs l'édition collector en Blu-ray qui proposera parmi ses 6 heures de bonus les 29 scènes coupées et sa fameuse fin alternative, véritable Graal des cinéphiles.
Old Jack Version
Flashback, été 1997 : alors que la sortie américaine du film est prévue pour décembre, les exécutifs de la Fox découvrent, après un tournage long mais bon enfant, un premier montage de James Cameron avec des SFX non finalisés. Fonds verts ou pas, l'émotion est palpable et les avis plutôt positifs. S'en suivent plusieurs projections tests majoritairement élogieuses en dépit de la longueur du film, à un point (crucial) près : les spectateurs américains ne digèrent pas la mort de Jack, le personnage incarné par DiCaprio. Avec le recul, on a tendance à lier la « starisation » de l'acteur à Titanic, ce qui n'est pas faux connaissant le succès du film mais assez réducteur : DiCaprio avait en effet obtenu ses premiers rôles quelques mois plus tôt, déjà dans des films tirés d'histoires vraies (The Basketball Diaries, Rimbaud Verlaine) avant de cartonner dans la relecture pop de Shakespeare, Romeo + Juliette. On comprend dès lors un peu mieux le rejet (néanmoins stupide, certes) des projections tests face au funeste destin de Jack Dawson. A contrario, les fiches d'appréciation sont unanimes : personne ne verrait d'inconvénient à ce que Rose coule comme un parpaing à sa place. D'origine anglaise et forte d'une filmographie réduite n'ayant pas vraiment traversé l'Atlantique (comme le bateau, dis donc), Kate Winslet ne suscite pas autant d'intérêt que Léo pour le spectateur ricain lambda. Commence alors un périlleux bras de fer entre la production et James Cameron qui aboutira à l'invraisemblable « Old Jack Version » (OJV).
Vendue sous le manteau suite à une fuite involontaire sur le laserdisc japonais, et trouvable depuis dans les recoins d'Internet, la OJV heureusement non retenue au final par le studio est quasi identique à celle que l'on connaît, à un détail fondamental près : ce n'est pas une vieille Rose flétrie qui gatouille en se rappelant des petits coups tirés avec un prolo dans la cale du paquebot, mais un nonagénaire Jack fripé qui s'émeut en repensant aux courbures sensuelles de son aimée, disparue dans les eaux froides de l'Atlantique. Bien décidé à ruiner toute possibilité d'utiliser cette version plutôt que celle initialement prévue, Cameron s'auto-sabote en choisissant non pas d'embaucher un vieil acteur pour jouer le rôle du vieux Jack, mais de maquiller à la truelle le pauvre DiCaprio, âgé de 23 ans à l'époque. L'une des rares photos de l'époque laisse entrevoir le massacre :
Pour ne rien arranger et rendre le projet aussi absurde que possible, Cameron ose faire de Jack Dawson un magnat de l'industrie agro-alimentaire ayant fait sa fortune grâce à un système breveté de congélation rapide, hanté par le souvenir de son premier amour immortalisée par une sculpture de glace conservée dans une chambre froide - une idée tellement mauvaise qu'elle sera peu ou prou reprise la même année dans le Batman et Robin de Joel Schumacher. Face à la mauvaise volonté de Cameron et à l'immondice des premières images du tournage supplémentaire, la Fox rend les armes et laisse carte blanche à Cameron. Presque 15 ans après la sortie du film, les exécutifs incompétents de la Fox ont changé de travail et leurs successeurs mangent dans la main du maître en attendant fébrilement la mise en branle d'Avatar 2 et 3. Signalons toutefois que la ressortie en 3D du film a redonné du poil de la bête à la polémique sur le réalisme de la fin de Titanic, illustrée par ce montage :
On navigue ici clairement dans les eaux sombres du révisionnisme narratif, un peu à la manière de l'opportuniste Titanic II sorti en 2010 sans faire trop de vagues. L'héritage du film de Cameron continue d'ailleurs de pointer ça et là dans la création culturelle contemporaine, à la manière de la vidéo savoureuse qui suit et qui conclura cet article en toute simplicité.
À la semaine prochaine pour un nouveau film culte...
Très beau moment de bromance entre l'homme et la machine sur fond de préparation d'un Petit Grégory sans sucre.