Leçon n°1 : ne jamais – jamais – ouvrir aux inconnus

Funny Games / Funny Games U.S

Le remake de la semaine | Par Marie Piot | Le 29 octobre 2010 à 18h34

Intéressons nous aujourd'hui à un remake on ne peut plus particulier. Funny Games (1997) et Funny Game U.S (2007).

La pièce à deux faces
En 2007, l'autrichien Michael Haneke (Palme d'or en 2009 pour Le Ruban blanc) réalise l'adaptation américaine d'un de ses films phares, Funny Games. Acteurs, contexte et décors changent. A part cela, le cinéaste respecte totalement le déroulement original, et pousse sa démarche jusqu'à calquer, plan après plan, sa mise en scène.

Au final, il semble ardu de dissocier le long métrage Funny Games de son jumeau Funny Games U.S. L'ensemble constitue une oeuvre complète, les deux faces d'une même pièce de monnaie truquée.

Plus qu'un remake, Funny Games U.S (premier film tourné en anglais par Haneke) s'assimile à une expérience sociologique. Prenez un réalisateur, faites lui tourner deux films similaires, changez juste le décor et la situation géographique de l'action. Puis analysez la réception du public sur 10 ans.
En ce qui concerne les films qui nous occupent ici, les échos furent les mêmes : choquant, trash, sauvage.

L' utilisation de messages brefs et percutants écrits en gras sur fond d' Hard Rock constitue un formidable préambule :


En voiture extrait de Funny Games

L'intrigue semble assez invraisemblable : Une famille bourgeoise stéréotypée, que l'on pourrait qualifier de normale, part se reposer dans sa résidence secondaire au bord d'un lac. Le coin est paisible, une vraie carte postale.
Puis, deux jeunes hommes viennent demander des oeufs pour les voisins. Extrêmement polis et courtois, le tandem, tout de blanc vêtu, agace pourtant par son comportement intrusif.


What game ? extrait de Funny Games U.S.

Rapidement, la situation dégénère, plongeant le couple et leur jeune garçon dans un cauchemar sans nom.


Eggs extrait de Funny Games U.S.

Dès sa sortie en 1997, le premier film suscite la controverse. Beaucoup soupçonnent le trait de génie, d'autres décèlent une ultraviolence gratuite et traumatisante. L'absence presque totale de sang rend le tourment psychologique plus saisissant encore :


Hardcore extrait de Funny Games U.S.

Difficile de supporter le chaos dans un monde dit civilisé. Il n'y a ni guerre ni conflit. La violence pour la violence, tel un banal divertissement, n'a rien de légitime. Prenons comme exemple cette scène, durant laquelle la mère cherche le chien (mort) suivant les "conseils avisés" d'un de ses ravisseurs :


Chaud ... Froid ... Brûlant extrait de Funny Games

Philosophie d'un massacre
Selon Michael Haneke, Funny Games U.S prend tout son sens au sein de la culture cinématographique outre-atlantique. Il constitue une réaction à la marchandisation de la violence par Hollywood : "Dans beaucoup de films américains, la violence est devenue un produit de consommation". Son objectif ? choquer les témoins par la vérité et "montrer la violence telle qu'elle est vraiment : une chose difficile à avaler".


Can I get anyone anything ? extrait de Funny Games

Le spectateur est dérangé par une question sans réponse qui le taraude : pourquoi font-ils cela, pourquoi la souffrance est-elle inéluctable ? Car finalement, les instants d'espoirs sont totalement annihilés par le pouvoir du metteur en scène. Il se joue totalement des règles afin de ne jamais s'éloigner de son but : obtenir une foule en souffrance. Et comme si cela ne suffisait pas, l'auditoire sort de sa passivité. Il est apostrophé par les sadiques, et de fait pénètre, contraint, dans le jeu.

Voyez cette scène qui nous ferait presque croire à un salut possible. Ou presque... (Attention Spoiler !)


Le pouvoir de la télécommande extrait de Funny Games U.S.

De même qu'un certain Kubrick avec son Orange Mécanique, Michael Haneke est incompris par la rudesse et le caractère choquant de ses images. Le spectateur doit affronter la vérité : en dépit de tous les dangers qu'il court, du simple fait d'être vivant, l'être humain est capable du pire. survivre à Alien, à l'Hydre de Lerne ou aux catastrophes naturelles relève sans nul doute de l'impossible. Pourtant seul l'homme est capable d'amener le sadisme à son paroxysme, et de fait, devenir le pire prédateur qui soit pour son voisin.

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