5 portraits robots de tueurs à gages

La récente sortie de The Iceman nous donne l'occasion de s'intéresser à cette bonne vieille figure du tueur à gages. Réputé sans pitié ni remords, le personnage de Michael Shannon est le descendant d'une longue lignée de "hitmen" où s'invitent également quelques femmes. Ces assassin(e)s sur commande effectuent des contrats pour des commanditaires en tous genres avec des méthodes parfois surprenantes. Un personnage de tueur à gages semble être la porte ouverte à tous les décalages et tous les excès. Petit florilège en 5 signalements.

Léon (Jean Reno dans le film de Luc Besson)

Sexe : Masculin
Âge : certain
Zone d'action : New York City
Principes : «Pas de femme, pas de gosses, c'est la règle.»
Tempérament : froid et méthodique
Antécédents : A abattu à 19 ans en Italie le père de la fille qu'il aimait, après que le dit paternel a abattu la donzelle en question. Vit depuis seul dans une pension miteuse à Little Italy.
Armes : «Le fusil à lunette, c'est la première arme qu'on doit apprendre à maîtriser. Parce que c'est la seule qui te permet de rester suffisamment loin du client. Plus tu auras l'expérience du boulot, plus tu te rapprocheras du client. Le couteau par exemple, c'est ce qu'on apprend toujours en dernier.»
Signes distinctifs : Boit beaucoup de lait, aime les cochons, prendre soin de sa plante d'intérieur qu'il décrit comme "sa meilleure amie" et regarder des comédies musicales de Gene Kelly.

Dans l'un des films les plus célèbres de Luc Besson, le tueur à gages joué par Jean Reno se coltine sa voisine, une fillette de douze ans devenue orpheline suite à l'assassinat des membres de sa famille pour une histoire de drogue. De décalage assez jubilatoire où les rituels froids et méthodiques du "hitman" sont dérangés par l'exubérance de l'enfance, le film glisse vers une histoire d'amour des plus atypiques. Mathilda, impressionnante Natalie Portman, propose à son mentor de lui apprendre le métier de nettoyeur de bas-fond en échange d'une assistance au quotidien. Et si, en faisant d'un personnage à priori impassible une figure tutélaire et prise d'affection, Besson injectait du romantisme dans le profil du tueur à gages ?

Sniper Lessons, extrait de Léon

Ghost Dog (Forest Whitaker dans le film de Jim Jarmusch)

Sexe : Masculin
Âge : quarantaine bedonnante
Zone d'action : New Jersey
Principes : préceptes du Hagakure, le code d'honneur des samouraïs du Japon médiéval
Tempérament : solitaire mais à l'écoute (des tirades inutiles de son ami vendeur de glaces)
Antécédents : Prétendument sauvé par un mafieux italien à la suite d'un incident, depuis au service de la pègre locale.
Armes : Sabre pour l'entraînement folklo, mais pour les contrats, des gants blancs pour manier un silencieux avec viseur laser (en clair, si vous avez un petit point rouge sur vous, vous êtes mal barré!)
Signes distinctifs : Communique avec ses commanditaires grâce aux pigeons voyageurs qu'il nourrit des pigeons sur du rap de RZA. Est capable de bouger à la fois comme un samouraï et un rapeur US (la preuve dans l'extrait ci-dessous)

Dans un film qui ne ressemble à pas grand-chose de connu, Jim Jarmusch mélange les influences et les courants culturels pour se ré-approprier la figure du tueur à gages. Face à une mafia italienne ringardisée, le personnage-titre mêle des préceptes nippons ancestraux à un look de "gangsta" contemporain. S'entraîner au maniement du sabre sur fond de rap devient possible. S'il multiplie les clins d'oeil au Samouraï de Jean-Pierre Melville, Jarmusch dégage un style propre de ces nombreuses influences réunies : une approche flottante et étrangement poétique d'une affaire de règlements de comptes typiquement lié aux personnages de "hitmen".

L'entrainement d'un samouraï, extrait de Ghost Dog, La Voie Du Samourai

Elle Driver (Daryl Hannah dans Kill Bill de Quentin Tarantino)

Sexe : Féminin
Âge : proportionnel à la quantité de botox qu'elle contient
Zone d'action : Planète Terre
Principes : néant
Tempérament : reptilien
Antécédents : Formée à la dure par le maître de kung-fu Pai Mei, elle fait l'erreur de l'insulter un jour et en perd son oeil droit. Pour se venger, elle l'empoisonne. Déteste Black Mamba (Uma Thurman) depuis un temps antérieur aux événements relatés par le film.
Armes : Prédilection récente pour la sournoiserie des poisons, mais habilité de longue date à manier le sabre
Signes distinctifs : Reconnaissable à son bandeau à l'oeil droit. Goût certain pour les tirades sadiques à rallonge.

Le choix de Daryl Hannah pour incarner l'une des figures les plus sadiques du Détachement Internatioanl des Vipères Assassines, le groupe de tueurs mené par Bill (David Carradine), est sûrement l'une des meilleures idées de casting qu'aie eue Tarantino dans sa carrière. Le cinéaste a l'art de ressusciter des figures mythiques de l'histoire plus ou moins récente du cinéma pour leur offrir des rôles marquants et à contre-emploi. La belle sirène de Splash devient ici une tortionnaire sans pitié. Avec la Mariée, Elle Driver se livre à une lutte sanglante dans l'un des sommets du diptyque. Autant que de la mise en scène grisante de ce combat de blondes déjà mythique, l'impact du personnage d'Elle Driver vient de l'ironie très noire avec laquelle elle débite ses tirades assassines :

Black Mamba, extrait de Kill Bill : Volume 2

Anton Chigurh (Javier Bardem dans No Country for Old Men de Joel et Ethan Coen)

Sexe : Masculin
Âge : la trentaine (d'après le roman de Cormac McCarthy)
Zone d'action : Texas
Principes : Hasard
Tempérament : joueur et généreux dans son travail, n'hésitant pas à faire des "extras"
Antécédents : Doit certainement être responsable de trois bons quarts des assassinats non élucidés de la région
Armes : Pour abattre ses cibles et défoncer n'importe quelle serrure, un pistolet à air comprimé, habituellement utilisé pour assommer le bétail avant égorgement, et sonorisé chez les Coen avec le bruit d'un pistolet à clous. Recours occasionnel à un fusil de chasse Remington 11-87 silencieux.
Signes distinctifs : Passe, à plus de 10m, pour Mireille Mathieu qui aurait mangé de la soupe. Si un petit "cling cling" accompagne le bruit de ses bas, mieux vaut détaler.

Anecdote croustillante, quand les frères Coen ont montré à Javier Bardem un modèle de la coupe de cheveux qui l'attendait pour le rôle, l'acteur se serait exclamé : «Oh non, je ne vais pas réussir à baiser pendant les deux prochains mois !» Les frères ont alors compris que le personnage de Chigurh aurait l'air aussi fou qu'ils l'avaient espéré. Engagé pour retrouver la mallette pleine d'argent que le protagoniste joué par Josh Brolin a trouvée sur les lieux d'un règlement de compte entre mafieux, le tueur à la coupe au bol traîne son allure improbable à travers le Texas. Véritable psychopathe, il ne lésine pas sur les "extras" : quiconque croise sa route est une victime potentielle. Son truc à lui, c'est de laisser aux victimes collatérales une dernière chance en les forçant à jouer à pile ou face avec lui. Et si la pièce de monnaie, matérialisation du Hasard, devenait l'unique commanditaire de cette figure du Mal ?

Mais pourquoi est-il si méchant ?, extrait de No Country for Old Men - Non, ce pays n'est pas pour le vieil homme

Killer Joe (Matthew McConaughey dans le film de William Friedkin)

Sexe : Masculin
Âge : incertain, en tout cas nettement plus que l'adolescente vers laquelle il lorgne
Zone d'action : La Nouvelle Orléans
Principes : «25.000 dollars cash, en avance, pas d'exception.» Entorse toutefois possible en cas de marchandage humain affriolant.
Tempérament : propre, méticuleux, beau parleur et séducteur
Antécédents : mystérieux
Armes : Contrat à l'arme à feu, tortures psychologiques à base de KFC
Signes distinctifs : Vêtu entièrement de noir, avec stetson et gants en cuir assortis

Officiellement au service de son pays, officieusement au service de lui-même, cet inspecteur de police ripou trouve un interprète idéal en la personne de Matthew McConaughey. A la fois charmeur et capable de jouer le dérèglement le plus violent, l'acteur en impose tout le long du film par son charisme terrifiant. On pense à Léon dans cette approche du tueur à gages comme un être propre, méticuleux et fascinant qu'un élément inhabituel peut venir désarçonner. Ici, l'entorse que fait Joe à ses règles pour les beaux yeux d'une petite blonde signe le début de la fin. Dans des scènes au décalage à la fois drôle et dérangeant, Killer Joe tente d'appliquer sa méticulosité de tueur au cadre familial. Il faut le voir proposer de prononcer le bénédicité avant un repas. On pense alors presque au pasteur fou joué par Robert Mitchum dans La Nuit du Chasseur !

Négociation, extrait de Killer Joe

Pour en savoir plus : Les films de tueurs à gage