Game of Thrones, la série télé qui a eu la chance de ne pas être un film
Hier soir sur HBO, quelques millions de fans découvraient fébrilement le premier épisode de la deuxième saison de Game of Thrones. La série évènement (dont la Saison 1 est sortie en vidéo il y a quelques semaines) a tout d'une grande saga ciné, mais c'est bien à la télévision que ça se passe. Alors, ça y'est la télé est devenue plus excitante que le cinéma ? C'est en fait un peu plus compliqué que ça...
Oyez, oyez ! La série Game of Thrones est de retour depuis hier, 1er avril. Après un peu moins d'un an d'attente, de gifs animés sur Tumblr et de lectures enfiévrées des bouquins de George R.R. Martin pour les plus accros. Diffusés aux États-Unis sur la chaîne payante HBO (et en France sur Orange Cinéma Séries), les dix prochains épisodes formeront la deuxième saison de la série.
Il y a à peu près un an, il ne serait venu à l'idée de personne de parier sur une histoire d'heroic fantasy télévisée pour le titre de prochain grand succès populaire et critique. Mais voilà : en 10 épisodes de 60 minutes, la série de David Benioff et D.B. Weiss a retourné tout le monde, les fans du livre comme les plus allergiques à l'esthétique médiévale. Et volé la couronne de série de l'année aux autres poids lourds du moment. Car sous les oripeaux médiévaux, on trouve, étincelant, un échiquier politique sur lequel s'affrontent des personnages tiraillés entre leurs énormes désirs égotiques.
L'adaptation des livres a su sortir de la niche "nerd" à laquelle elle aurait pu être prédestinée, et est ainsi devenue partie intégrante de la pop culture.
Du livre au fil... à la série !
Pourtant, le choix d'adapter les livres de George R.R. Martin en format télévisé peut paraître suprenant, à l'heure des sagas cinématographiques gonflées aux dollars, comme Harry Potter, Twilight ou Hunger Games. Je me suis donc posé la question : pourquoi Game of Thrones a-t-elle été adaptée en série sur une chaîne à péage du câble américain, plutôt qu'en quelques gros blockbusters massivement exportables à l'étranger ?
La série Game of Thrones avait réussi, dans ses 10 premiers épisodes, l'exploit de relater les intrigues et affrontements de sept familles différentes (les Stark, Lannister, Baratheon, etc) sans perdre (trop) le spectateur novice. Alors certes, il y a beaucoup de dialogues d'exposition, agrémentés à la sauce HBO (autrement dit avec des fesses et de la violence), mais globalement, ça passe comme une lettre à la poste. Les intrigues de la série s'entrelacent donc sur les dix épisodes, d'un peu moins d'une heure chacun, aboutissant à un final qui correspond à celui du premier livre de Martin, Le Trône de Fer.
Dans une adaptation cinématographique, on peut supposer que le premier livre aurait été bouchérisé pour rentrer au chausse-pied dans les 2 à 3h de film, à l'exemple de la saga Hunger Games, qui a perdu en caractérisation des personnages (ils sont tous devenus un peu génériques) ce qu'elle gagne en spectaculaire et en effets spéciaux. On notera d'ailleurs qu'Hunger Games reste relativement sobre de ce point de vue.
Un choix typiquement télévisuel, et qui relève de la science-fiction à Hollywood, est de lancer un projet de cette ampleur sans grosses stars en tête d'affiche. Alors oui, d'accord, il y avait bien Sean Bean, le Boromir du Seigneur des Anneaux, adoré des fans de Tolkien. Mais il est, pour autant, difficile de l'imaginer en premier rôle au cinéma ; dans Game of Thrones, par sa droiture et son incompréhension face aux manipulations auxquelles s'adonnent les personnages, il incarne le noble auquel le spectateur peut s'identifier. Et pourtant, [SPOILER] il est sacrifié lors du dixième épisode, lors d'une exécution solennelle inéluctable. Quel blockbuster hollywoodien accepterait de trancher la tête de son héros à l'issue du film ?
Tu aimes les films de chevaliers ?
Par ailleurs, une adaptation ciné de Game of Thrones aurait nécessité un travail titanesque de marketing. La série a réuni les fans de la première heure et les amateurs de série TV de haute qualité. Le film aurait probablement concentré ses efforts sur la cible adolescente, celle des fans d'heroic fantasy, dans une fourchette de 15 à 35 ans environ. Mais quid des enfants ? La saga Harry Potter restera un énorme coup, dans le sens où elle représente l'exemple d'une littérature enfantine qui a progressivement muté en saga « young adult », pour quasiment se terminer en roman d'initiation, ouvrant la possibilité de films s'adressant à une tranche extrêmement large de la population. L'oeuvre de Martin, elle, se pose dès le début comme inaccessible aux enfants : il y a du sexe, du sang, de la violence, de la guerre, voire de l'inceste. Les personnages y sont tantôt courageux, tantôt particulièrement lâches. En se pliant à la règle du PG-13, les films Game of Thrones auraient certainement été moins bons, en assumant le sexe et la violence qui font, en partie, le sel de la série, ils auraient touché une cible forcément moins large que celle des Harry Potter, ou autre adaptation de livres young adult.
Initialement pitché à HBO comme « Les Soprano avec des épées », Game of Thrones a aussi la particularité de focaliser son intrigue sur ses jeunes personnages. Ce n'est évidemment pas très visible dans la première saison, puisqu'ils sont encore très jeunes, mais ce que les livres racontent c'est bien l'histoire des enfants. Et, pour développer une grande saga familiale (coucou Zola !), il est préférable de prendre son temps. Comme dans Les Soprano donc, nous devrions voir les enfants grandir au fil des épisodes et des saisons. Un luxe que le cinéma ne peut se permettre qu'en quelques occasions exceptionnelles (seul le succès littéraire extraordinaire d'Harry Potter a permis à la Warner de se lancer dans une telle épopée).
Finalement, il semblerait qu'être adaptée à la télévision plutôt qu'au cinéma est une bénédiction pour la saga Game of Thrones. On peut ainsi s'amuser à faire la liste des films qui auraient mieux fait d'être des séries télé et inversement. Mais s'il avait été réduit au format d'un long-métrage, le sujet choral de The Wire aurait-il donné un meilleur résultat que le pas très enthousiasmant L'Elite de Brooklyn ? Le phénomène Mad Men aurait-il pu exister si les scénaristes avaient dû se contenter du carcan d'un film de deux heures ? Buffy contre les vampires et Friday Night Lights seraient-ils devenus cultes à ce point si les films originaux n'avaient pas été déclinés en séries ? Probablement pas.
Il n'y a pas de sous genre, et je trouve ça réellement dommage de hiérarchiser les supports et les genres.
Bon, bref, j'ai mon pilote des Sopranos, je me lance !
Même moi qui suis pas un grand fan du tout des "comédies romantiques", je reconnais pleinement que certaines sont parfaitement sublimes voire fondamentales, je ne dirais jamais que ça n'est pas aussi abouti que le cinéma fantastique par exemple (même si j'y suis bien plus sensible).
Chaque genre, chaque support est fondamental et abouti, faut juste s'y intéresser pour découvrir les bonnes choses dedans.
Après on peut pas tout aimer, là c'est autre chose.
Et sinon j'ai cru lire "manichéen" dans la même phrase que Game of Thrones.. Really ? Je pense que t'es un peu passé à côté du truc, mais ça doit être dû à ta haine incommensurable pour l'héroic fantasy et, comme tu me l'as déjà dit, pour tous les univers "entièrement créés".
- les gentils : le seigneur du Nord (qui derrière sa carapace bourrue cache un coeur gros comme ça), sa femme, bonne comme du bon pain, leur jeune fils acrobate puis estropié, la pauvre reine albinos mariée avec un barbare super bourru (mais qui va bientôt montrer lui aussi un coeur gros comme ça, j'en suis persuadé), le bâtard un peu dégouté mais dévoué, la petite soeur qui apprend à manier l'épée en bois, les chiens-loups un peu chelous, le vieil oncle peu loquace
- les méchants (qui portent tous leur méchanceté sur la figure) : la reine, le frère incestueux de la reine, le prince héritier (il est très vilain lui), le frère albinos et j'en oublie
Jusque là, les gentils sont TRES TRES gentils et les méchants TRES TRES méchants. Seuls 2/3 personnages (le nain, le roi qui a l'air plus teubé qu'autre chose, la jeune rousse promise au prince) échappent à cette catégorisation binaire
Alors, vous allez me dire, ils vont changer par la suite, des gentils vont devenir méchants ou bien on va apprendre que tel méchant était avant un gentil mais bon quoi, 4 épisodes c'est quand même 4 heures : c'est largement suffisant pour développer des personnages un peu plus subtils. Beaucoup de films y arrivent très bien en 90 min