Happy New Year : un gros cast fait-il un bon film ?
Aujourd'hui sort sur les écrans Happy New Year, un film dont toute la campagne promo n'est basée que sur un seul aspect : il a un gros cast. Mais est-ce vraiment un gage de qualité ?
Chacun à son goût
Avec un sens de l'a-propos temporel tout à fait sidérant, vous pouvez contempler sur vos écrans le film Happy New Year dès aujourd'hui. Et vous irez le voir, oh oui vous irez le voir, parce que vous et moi savons très bien que vous êtes fan d'au moins une des stars du film, qui en compte bien une quinzaine parmi lesquelles Sarah Jessica Parker (pour les fans de séries télé), Zac Efron (pour les adolescentes), Jon Bon Jovi (pour les amateurs de rock FM), Ashton Kutcher (va savoir pour qui), Jessica Biel (pour les hommes) ou encore Robert de Niro (pour les... wait, what?). Ce gredin opportuniste de Gary Marshall nous avait déjà fait le coup il y a un peu moins de 2 ans avec Valentine's Day, et ça avait marché à merveille. Même pot, même soupe, mêmes oies à gaver, le succès du film est presque déjà garanti. Mais, au-delà de ce cynisme hautement déplacé au moment des fêtes de fin d'année et des considérations économiques, posons-nous cette fameuse question de cinéphile que personne ne prend jamais la peine de traiter tant elle est un lieu commun de nos discussions : un gros cast fait-il un bon film ?
Cette bande-annonce a quand même quelque chose d'assez outrancier dans son déballage impudique de noms de stars :
C'est le Pérou
Comment il serait ridicule de tourner autour d'un pot qui attend juste qu'on lui rentre dedans, allons-y franco, et que ce soit dit en lettres capitales une bonne fois pour toutes : NON, un gros cast ne fait pas un bon film. Il fait souvent vendre, bien entendu, mais, sur le fond, un film, de par sa mise en scène et son écriture, peut survivre malgré ses acteurs. A quoi bon avoir un casting 5 étoiles si c'est pour les filmer avec les pieds et leur faire jouer des dialogues écrits par des stagiaires (qui, comme chacun le sait, sont ineptes) ? En fait, on peut même aller plus loin en arguant qu'idéologiquement, le simple fait de se poser la question est en soi un blasphème : dans le meilleur des mondes, la notoriété des acteurs n'influe pas sur la qualité du film dans son ensemble. Enfin merde quoi, peut-être que ça emmerdera des gens de le reconnaître, mais quelque part au fond du Pérou, il y a un type de 45 ans qui joue dans des films n'ayant même pas de page Wikipédia, et il est aussi bon que Robert de Niro, Michael Fassbender ET Marlon Brando réunis. Et du coup si vous remplacez n'importe qui, dans n'importe quel film, par ce mec-là, le résultat n'en sera que meilleur, qualitativement parlant.
La caste des meta-acteurs
Sauf que nous vivons pas dans le meilleur des mondes, et que, parce que nous sommes humains, toutes ces considérations théoriques sont intrinsèquement foireuses, parce que ce que notre péruvien n'a pas, et que les autres ont, c'est un background : ils évoquent quelque chose dans l'imaginaire collectif, que lui n'évoque pas. Et qu'un acteur soit bon ou mauvais, plus il aura joué de rôles marquants, et plus sa présence dans un film sera connotée : si Heat est si cool, c'est parce que le cinéphile qui le regarde a en mémoire tous les rôles précédents de De Niro et de Pacino, et c'est bien cette considération, toute metafilmique qu'elle soit, qui donne en fait son intensité réelle au tête-à-tête entre les deux hommes. Il en va de même pour Mr & Mrs Smith, qu'on ne regarde pas du même oeil quand on sait que ses deux interprètes principaux batifolaient ensemble pendant le tournage, non seulement devant la caméra, mais aussi derrière. Dans la pratique, on peut dire qu'un gros casting change la perception qu'aura le public d'un film, indépendamment de sa qualité et de la qualité des acteurs eux-mêmes.
Le chat et la souris (I) extrait de Heat
Une question de verres (progressifs)
Partant de là, l'univers des films à gros casting se résume en fait à un jugement qu'on peut porter sur l'appréciation de la pertinence du regard que les réalisateurs portent sur l'équipe qu'ils ont à portée de main - pour ainsi dire, leurs ingrédients. Ont-ils conscience de la nature exacte du background que chacun de ces acteurs possède dans l'imaginaire collectif ? Et surtout, savent-ils le manier d'une manière cohérente ? C'est cela qui permettra de déterminer si le cast embellit un film qui était déjà bon, ou si au final il se trouve salit par un film qui était déjà mauvais. Et s'il est mauvais, ce qu'on pensera du film dépendra de notre sens de l'optimisme, de notre choix de décider de le voir comme un verre à moitié vide ou à moitié plein. Les positivistes diront quelque chose du genre de « ohlalala, dis donc ce film était à chier, heureusement qu'il est miraculeusement sauvé par son casting fantastique », tandis que les autres (principalement des critiques cinéma) râleront à base de « quand on a un tel casting sous la main, c'est une honte de le gâcher d'une manière aussi infâme, [réalisateur] devrait brûler en enfer ». Question de point de vue donc, mais un bon film est un bon film, et un mauvais est un mauvais film, le reste est une question de nuance et d'approfondissement metafilmique?
Tout le monde aime la rom com quand elle est vraiment bien écrite et intéressante (cf Sans sarah rien ne va par exemple), pas quand ça devient un produit industriel pour remplir les cases de fin d'année au cinéma.
C'est certes moins facile à vivre au jour le jour sur Vodkaster ou dans les diners mondains mais ça me permet d'apprécier certains films pour ce qu'ils sont et pas pour ce qu'ils devraient être sur la grande échelle cosmique du Dieu Cinémaaaaaa.
Ensuite, non je n'ai pas vu Happy New Year, mais je ne l'ai jamais prétendu, et pour cause, si tu as lu mon article, tu noteras que je ne parle pas du film... Ce que j'ai vu, c'est son affiche menu-best-of et sa bande-annonce, qui m'ont remis à l'esprit ce vieux lieu commun de discussions sur le cinéma dont on n'avait pas encore eu l'occasion de discuter sur Vodkaster. Donc voilà, cet article n'a absolument pas pour thème les comédies romantiques en tant que genre, mais les films dont la stratégie marketing est basée sur la mise en avant du casting, je croyais que c'était assez évident en choisissant le titre "un gros cast fait-il un bon film" ? Happy New Year n'a fait que me fournir une occasion.
Valentine's day est une grosse croûte (je l'ai vu), et même sans le voir on peut supposer très fortement que Happy new year est un pur produit marketing calibré du même type. Les acteurs sont tous là pour cachetonner un max, ça va pas plus loin et c'est parfois normal. On doit tous manger.