Venise 2012 - Jour 6, Mort aux vaches
Nous voilà à mi-parcours et cette sixième journée s'est avérée bien terne. C'est l'occasion de faire un peu le point sur ce que nous a offert jusqu'à maintenant cette 69ème Mostra.
Petite journée que ce Jour 6, marqué par la pluie et des conférences de presse assez ternes (si vous faites un film avec des ados évitez de leur demander de répondre à des questions).
Le film du jour de la veille
Le second film français de la compétition a reçu un accueil dythirambique de la presse internationale. Au tableau des étoiles, il talonne ainsi The Master de Paul Thomas Anderson dont nous parlions en détails il y a deux jours.
Après mai d'Olivier Assayas
Après mai d'Olivier Assayas suit un petit groupe de lycéens activistes dans l'après 68. Avec un tel sujet on pouvait craindre le pensum politique, mais les considérations révolutionnaires ne sont ici que d'abstraites péripéties qui séparent le personnage principal de son véritable destin : devenir cinéaste. Dès lors, Après mai se contente d'être un parc d'attraction pour bobos nostalgiques (ça marche aussi pour les plus jeunes qui regrettent secrètement de n'être pas nés plus tôt) et déroule intégralement son programme fétichiste. Les disques pop défilent, et la Free Press s'empile. Les garçons peignent, filment ou écrivent tandis que les filles aux seins déjà lourds rêvent de s'essayer à la danse sacrée. Prenant bien soin de ne jamais véritablement confronter ses personnages au danger (la mort et les blessures sont reléguées hors champ), Assayas filme ses gamins jouant à la révolution comme s'ils jouaient à la dinette.
Après Mai © MK2 Diffusion
Tout ça, pour autant, ne manque pas de justesse. Certes la diction de tous ces jeunes acteurs est souvent calamiteuse, mais leur foi en l'avenir les rend assez attachants. Mieux, malgré leur forte mélancolie - naturelle à cet âge d'indécisions - leur désir de changer le monde, ou au moins d'en faire quelque chose, s'avère captivant. Pur film d'ambiance, Après mai compte malheureusement trop de personnages pour les honorer vraiment. On reste ainsi en surface, déçu de ne voir exploité totalement aucun des arcs narratifs proposés.
Reste alors la question de l'esthétique. Malin, Assayas l'introduit au coeur même de son film en mettant en scène un débat sur le paradoxe potentiel entre la narration classique (et donc bourgeoise ?) et les sujets révolutionnaires des films d'activistes. L'un des personnages répond que c'est au contraire l'esthétique avant-gardiste qui est bourgeoise, car elle exclut les prolétaires. En signant sur l'après-68 une fresque "de qualité française", le cinéaste donne à son film un curieux positionnement. Lors de la conférence de presse, il avouera avoir hésité à clore son long-métrage sur un carton : "RIP la culture underground des 70s". La personne qui l'en a dissuadé a été bien inspirée car, avec ce film, c'est lui qui l'enterre.
That's a bingo!
Souvent prévisible, parfois étonnant, le film peine à éviter la collection de cliché. Sur le vaporetto qui nous amenait au Lido avant la projection, nous avions imaginé un certain nombre de ces passages obligés que nous avons presque tous retrouvé à l'écran. Certaines choses étaient toutefois plus inattendues. En attendant la sortie du film, saurez-vous cocher les bonnes cases de ce bullshit bingo ?
Pic of ze day
À la fin de la conférence de presse d'Après mai, l'actrice Lola Créton signe un autographe.
La scène du jour : Pendu
C'est la scène d'ouverture du nouveau Kim Ki Duk. Un personnage sur un fauteuil roulant se passe une grosse chaine autour du cou, qu'il fixe avec un crochet. En reculant, il déclenche un treuil qui tire sur la chaîne et met, par cette pendaison, fin à ses jours. Pieta n'échappe pas à la tradition de ce cinéma coréen dont l'enjeu créatif se limite bien souvent à trouver la manière la plus originale de "poétiser" le gore, mais Kim Ki Duk a ici plutôt tendance à s'en sortir par le haut en signant un film audacieux qui parvient à être tantôt burlesque, tantôt émouvant.
Le point à mi-parcours
Nous avons déjà pu voir pas mal de films en 6 jours et il est temps de faire les comptes. Voici, pour donner une idée des tendances de cette 69ème Mostra, un certain nombre de "motifs" apparus plusieurs fois dans les longs-métrages de la compétition et des sélections parallèles :
Cette liste sera mise à jour au cours des prochains jours
- Une femme trompée par son mari : All you need is love, Betrayal, Queen of montreuil, At any price, Superstar, Héritage
- Une femme qui trompe son mari : Blondie, betrayal, To the wonder, Paradise : Faith (mais avec Jésus), Keep Smiling
- La plage : The Master, Mon père va me tuer, To the wonder, Acciaio, Bait 3D, All you need is love, Spring Breakers
- Un mariage : To the wonder, Fill the void, All you need is love, Les lignes de Wellington, Héritage, Thy Womb
- Un mariage interrompu par des coups de feu : Les lignes de Wellington, Héritage, Thy Womb
- La mort d'un personnage pour faire avancer l'histoire : Mon père va me tuer, At any price, Betrayal, Acciaio, Fill the void
- Un couple avec une grande différence d'âge : The Master, All you need is love, Acciaio, At any price, Thy Womb
- Une femme qui masturbe un homme : The Master, Pieta
- Quelqu'un se pisse dessus : Outrage beyond, Pieta, Kiss of the damned
- Quelqu'un hurle à la mort : Superstar, Paradise : Faith, Keep Smiling, Passion
- Des dialogues en italien dans un film étranger : To the wonder, All you need is love, Après mai
Photos : © David Honnorat
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Cypri3n4 septembre 2012 Voir la discussion...