Venise 2012 - Jour 4, les 1000 visages de Joaquin Phoenix
Nous avons enfin pu découvrir The Master de Paul Thomas Anderson, premier évènement majeur de cette Mostra 2012 comme en témoigne la foule venue assister à la conférence de presse...
The Master n'est que le sixième film de Paul Thomas Anderson, mais l'homme s'est construit une solide réputation à Hollywood en signant des fresques de grande ampleur. Ses films, qu'ils embrassent une partie de l'histoire américaine (Boogie Nights, There Will Be Blood), ou qu'ils explorent les maux de l'Amérique contemporaine (Magnolia, Punch Drunk Love) ont en commun leur aspect monumental. The Master, dont la sélection en compétition a été annoncée avec un peu de retard, sans doute à cause de tests de la projection en 70 mm (ou de négociations des frères Weinstein) s'inscrit pleinement dans cette démarche.
Il est donc assez naturel que ce film très attendu (sortie en France prévue pour janvier 2013) écrase le compte-rendu du jour. Ceci tombe d'ailleurs plutôt bien car dans les autres films découverts dans la journée, on compte un nanar Italien nauséabond et un simili-soap-opéra Israélien.
Le film du jour de la veille
Vous l'avez compris, le film du jour de la veille n'est autre que... {roulement de tambour} The Master de Paul Thomas Anderson.
The Master de Paul Thomas Anderson
De grandes images lumineuses ouvrent le film sur la fin de la guerre. Sur la plage, les soldats - comme des enfants - jouent aux innocents, et on se dit vite (à raison) que tout ça est trop clair pour être honnête. La guerre est gagnée, mais pas pour ceux qui ont dû la faire. À l'aube des années 50, quelle sera la vie de ces jeunes américains abandonnés ? The Master s'intéresse à celle de l'un d'entre eux, incarné par un Joaquin Phoenix éblouissant. Le niveau de détails permis par le 70 mm rendra avant tout hommage à son visage, complexe et torturé.
Pourtant, le destin de Freddie (le personnage joué par Phoenix) n'est pas le sujet du film. L'élément déclencheur du récit de The Master est la rencontre de Lancaster Dodd (alias Philip Seymour Hoffman), un gourou débutant inspiré de L. Ron Hubbard, fondateur de la Scientologie. En mettant en scène la relation tumultueuse entre les deux hommes, Paul Thomas Anderson confronte indirectement le spectateur aux mécanismes de recrutement de la secte. Freddie sert à la fois de médiateur et de fusible. Ainsi quand Lancaster se lance au milieu de ses disciples dans un langoureux numéro de séduction chanté, nous découvrons la scène par les yeux de Freddie - obsédé sexuel et ivre mort - qui, loin d'être fasciné par le gourou, imagine toutes les femmes de la pièce entièrement nues. On retrouve peut-être là l'un des motifs du cinéma de PTA, qui fait ici des vices (principalement le sexe et l'alcool) les derniers remparts contre l'endoctrinement.
Par sa mise en scène hypnotique, The Master parvient à nous faire éprouver la force de persuasion du système élaboré par Lancaster tout en nous maintenant suffisamment à distance pour ne pas y adhérer totalement. Nous soumettant à ses routines expérimentales, le film nous maintient ainsi dans un état de doute permanent facilitant la manipulation. On sort alors exténué de The Master en se demandant ce à quoi nous avons vraiment assisté.
Mais la prouesse du film est aussi sa limite. Car pour maintenir ce doute, il doit systématiquement refuser d'afficher ses enjeux. On navigue ainsi à vue, comme Freddie. Pour peu, en tous cas, que nous fassions confiance au cinéaste ; comme lui fait confiance à son mentor. Selon la résistance ou au contraire la fragilité émotionnelle de chacun, le film rejette ou avale ceux qui s'y soumettent.
La scène du jour : Caméra au poing
Ce n'est pas vraiment du cinéma, mais ça restera l'un des plus beaux moments de ce festival. À la présentation de la version restaurée de son film Avoir 20 ans dans les Aurès, René Vautier (84 ans) est venu, avec un calme et une clarté impeccable, raconter l'histoire de son entrée en cinéma. Il avait 16 ans et pour venger un ami tué par un soldat Nazi, il s'est servi d'une grenade pour tuer. En voyant mourir le jeune allemand, Vautier s'est juré qu'il ne cesserait de se battre pour ce qu'il croyait juste, mais que plus jamais il ne tuerait. C'est ainsi qu'il a choisi son arme : la caméra.
Pic of ze day
En dépit de l'intérêt qu'elle a suscité, la conférence de presse de The Master s'est avérée tristement insipide. Paul Thomas Anderson prenant un malin plaisir à esquiver chaque question, seul Philipp Seymour Hoffman – casquette des New York Rangers vissée sur le crâne – s'est donné la peine de parler un peu du film. Joaquin Phoenix quant à lui avait visiblement mieux à faire.
Actor's Studio
À y regarder de plus près, la performance de Phoenix lors de cette conférence avait peut-être une raison. Probablement pas encore totalement remis de son "rôle" dans I'm still here (il a fait croire pendant 2 ans qu'il voulait arrêter le cinéma et devenir rappeur pour les besoins d'un documentaire de Casey Affleck), l'acteur joue le rebelle devant les journalistes. Il fume, il regarde ailleurs, il se lève et quitte la salle pour finalement revenir après de longues minutes... C'est tout juste s'il a daigné marmonner quelques mots ; de toute façon trop loin de son micro pour qu'on puisse l'entendre.
Pour autant son interprétation dans The Master le place déjà en favori pour succéder à Michael Fassbender. S'est-il livré devant nous à une démonstration de son talent d'acteur ? Pas impossible ! Nous avons répertorié pour vous quelques unes de ses meilleures expressions :
Pas mal n'est-ce pas ? En fin de conférence le brave Joaquin a même été plus loin en nous proposant un véritable chef-d'oeuvre, preuve incontestable que le mec peut tout jouer, même un « bitch please » façon Yao Ming.
Pour nous ça ne fait aucun doute, on le retrouvera samedi prochain au palmarès !
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Photos : © David Honnorat
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Brazilover3 septembre 2012 Voir la discussion...