Les polémiques qui ont marqué les Oscars
« Danger, terrain miné ». Voilà qui pourrait faire une parfaite tagline pour le parcours du nouveau film de Kathryn Bigelow sur la route des Oscars. Ce « reportage-fiction » Zero Dark Thirty, en salles depuis une semaine et nommé aux Oscars, fait l'objet d'une virulente polémique outre-Atlantique pour son propos sur le rôle de la torture dans la capture du terroriste Ben Laden. Des attaques de tous les bords politiques qui pourraient bien priver la réalisatrice de Démineurs d'une nouveau triomphe (d'ailleurs, contrairement à son film, elle n'est pas nommée dans la catégorie Meilleur réalisateur).
Une grande première à Hollywood ? Pas vraiment. Comme un bon vieux rituel (du type « tiens, et si on nommait Meryl Streep ? »), les Oscars apportent à peu près chaque année leur lot de controverses, entre invités indésirables, performances contestées, diatribes politiques et récompenses refusées.
« Mais puisque je vous dis que je suis patriote... »
L'équation est simple : puisque Hollywood est la capitale mondiale du cinéma, les Oscars constituent par extension la soirée la plus hype et chic de la planète 7ème art. Et à la roulette russe des prétendants à la statuette suprême, tous les moyens sont bons pour laisser un concurrent sur le carreau, quitte à se salir les mains et planter des couteaux dans le dos. N'était-ce pas Jennifer Lawrence qui, en remportant le Golden Globe 2013 de la meilleure actrice dans une comédie le 13 janvier dernier, disait à l'adresse d'Harvey 'scissorhands' Weinstein « merci d'avoir tué tout ceux que tu avais à tuer pour me permettre d'être là » ?
Une simple boutade destinée à décoincer l'académisme des remises de prix, mais finalement assez révélatrice du climat électrique dans lequel se déroule la saison des cérémonies, où la quantité de champagne et le poids des billets verts comptent davantage que la science cinématographique.
Car l'enjeu alimente les échauffourées et cristallise les rancunes. Alors à moins d'un mois de la prochaine cérémonie, nous vous proposons une petite rétrospective des 5 polémiques les plus vives qui ont émaillé l'Histoire des Oscars. Et parfois, ça fleure bon le sang, la poudre et la vengeance !
Le Marlon Brandogate
27 mars 1973, Dorothy Chandler Pavilion. Liv Ullmann et Roger Moore entrent sur scène pour remettre l'Oscar du meilleur acteur. Marlon Brando, ahurissant dans la peau de Don Corleone dans Le Parrain, rafle la statuette dix-huit ans après avoir été sacré pour Sur les quais.
A la grande surprise de l'assistance, c'est une jeune Apache en habit traditionnel, Sacheen Littlefeather, qui se présente et d'un geste, refuse le trophée au nom de Brando. Stupeur et sifflements dans la salle. Pour se justifier, Brando se fend d'un discours d'une quinzaine de pages, dénonçant la manière dont les Indiens d'Amérique sont traités par l'industrie cinématographique et les événements récents de Wounded Knee, relançant le spectre du massacre des tribus amérindiennes.
Mais, la demoiselle, menacée par la production, ne peut lire le discours en entier sur scène...
La vidéo en question :
L'incident, probablement le plus célèbre de l'histoire des Oscars, incita les hautes sphères de l'AMPAS (Academy of Motion Pictures Arts & Sciences) à interdire la récupération des trophées par procuration.
Ce n'était pas la première fois qu'une statuette se voyait refuser par un acteur. En 1970, George C. Scott avait déjà provoqué un esclandre en refusant de se présenter à la cérémonie, où il remporta l'Oscar du meilleur acteur pour Patton, la qualifiant de "défilé de viande de deux heures".
Au lieu de quoi, le fieffé gredin était tranquillement resté à la maison... pour regarder un match de hockey !
La lutte de Vanessa Redgrave
En 1978, le 50ème anniversaire de la cérémonie fut marqué par la diatribe politique « marloniesque » de Vanessa Redgrave. Récompensée par l'Oscar du Meilleur second rôle féminin pour sa prestation dans Julia, l'actrice fait dans son discours le lien entre la lutte contre le nazisme, sujet du film de Fred Zinnemann, et l'opposition entre Juifs et Palestiniens.
Connue pour son soutien à la cause de l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP), elle dénonce « l'intimidation et les menaces d'un petit groupe de truands sionistes, dont le comportement est une insulte aux Juifs du monde entier et à leur grands et héroïques combats contre le fascisme et l'oppression », laissant la salle entre consternations et applaudissements. Des paroles aux consonances beaucoup plus personnelles qu'elles n'y paraissent puisqu'au moment où elle reçoit son trophée, des membres extrémistes de la Ligue de Défense Juive (LDJ) sont en train de brûler des photos d'elle devant le Dorothy Chandler Pavilion où se déroule la cérémonie.
Le discours de Vanessa Redgrave :
Elia Kazan, homme de la discorde
Le choix d'honorer le cinéaste Elia Zakan d'un Oscar saluant la richesse et l'importance de sa contribution au 7ème art fut probablement le plus controversé d'Hollywood.
Personne n'oublia qu'au début 1952, Elia Kazan collaborait avec la Commission des activités anti-américaines présidée par le sénateur McCarthy et dénonçait ses collègues présumés communistes - la fameuse Hollywood blacklist qui força des artistes comme Charlie Chaplin ou Orson Welles à quitter les Etats-Unis. S'il ne fut pas le seul à participer à ces délations - Robert Rossen et Edward Dmytryk en firent également partie -, Kazan fut le plus conspué, malgré une carrière grandiose et des oeuvres intemporelles comme Un tramway nommé désir, A l'est d'Eden ou Sur les quais.
C'est pourquoi ce 21 mars 1999, une partie de l'industrie cinématographique est révoltée par la remise de cet Oscar d'honneur. Introduit par deux de ses plus fervents admirateurs, Martin Scorsese et Robert De Niro (qu'il dirigea dans Le Dernier nanab), Kazan est ovationné par une partie de l'assistance et totalement ignoré par l'autre (dont Nick Nolte et Ed Harris). Cinquante ans après, les blessures infligées par la « chasse aux sorcières » étaient encore ouvertes...
La remise du trophée :
En 2010, un autre Oscar d'honneur échauffe les esprits : celui de Jean-Luc Godard. Le cinéaste français, figure emblématique de la Nouvelle Vague, s'attire les foudres de la presse américaine quand l'Académie annonce lui rendre hommage, reprochant au réalisateur d'A bout de souffle ses dérives antisémites.
Godard aurait notamment qualifié Hollywood de « business inventé par des gangsters juifs », pas vraiment de quoi réjouir la profession. L'Académie balaie d'un revers ces considérations, déclarant « avoir toujours séparé l'art des artistes récompensés de leur vie personnelle ». Le refus de Godard de venir chercher la récompense donnera du grain à moudre à ses détracteurs...
La claque des cygnes
En mars 2011, soit quelques semaines après le sacre de Natalie Portman dans Black Swan, une voix s'élève pour s'insurger contre cette récompense « volée ». Sarah Lane, la danseuse étoile qui double l'actrice, tire du plomb dans l'aile et dénonce la machination orchestrée autour de la performance de Natalie. La vidéo ci-dessous montre les effets visuels utilisés pour remplacer le visage de la doublure par l'actrice.
« Natalie Portman n'a fait que 5% des pas du film. Les producteurs voulaient que les spectateurs pensent que Natalie Portman avait accompli une performance telle qu'elle avait soit un talent naturel pour la danse, soit qu'elle avait travaillé si fort qu'elle avait pu se transformer en une étoile en un an et demi. Tout ça pour qu'elle décroche absolument un Oscar. Mais cette supercherie, c'est vraiment une insulte à notre profession. Moi, je suis danseuse depuis 22 ans... Pensez-vous qu'on puisse devenir pianiste en un an et demi ? »
Démystification de la cash machine Hollywood prête à tous les bobards pour récolter un prix ? Orgueil mal placé d'une jeune femme n'ayant pas supporté de ne pas avoir été remerciée sur scène par l'actrice ?
Le clash des deux cygnes est engagé et fait le tour de la planète, mais coupe court quand la production intervient. Mila Kunis, Benjamin Millepied puis Darren Aronofsky prennent la défense de la comédienne, le metteur en scène assurant que seules deux scènes complexes ont nécessité un trucage numérique intervertissant le visage des deux jeunes femmes. Natalie Portman, elle, préférera clore le débat : « Je suis fière du travail de tout le monde sur ce film et de ma propre expérience. Je garderai ce sentiment à vie. »
Ma précieuse statuette
Imaginez le deal : recevoir un Oscar sans passer par le long parcours semé d'embûches que représentent le tournage d'un film, sa campagne promo et les interminables (mais obligatoires) cocktails de la course à la statuette. Plutôt alléchant, non ?
En février dernier, ce rêve se vit accessible à n'importe qui, pour peu que vous ayez un porte-monnaie bien garni car le prix à payer est élevé : un million de dollars ! Quinze statuettes ont ainsi été mise en vente lors d'une séance privée dans la cité des anges. Le trophée remporté par Herman Mankiewicz en 1941 pour le scénario de Citizen Kane ? Sur votre cheminée. L'Oscar du meilleur acteur remis à Ronald Colman en 1947 pour Othello ? Un presse-papier de grande classe, vous en conviendrez.
Un acte mercantile ouvertement critiqué par l'Académie, horrifié du si peu de crédit apporté à ces glorieuses récompenses destinées à honorer un travail d'exception et non à être bradées comme une vieille GameBoy sur le marché aux puces. D'autant que chaque vainqueur signe un contrat moral, le "winner's agreement", en vigueur depuis 1950. Celui-ci stipule que chaque détenteur d'une statuette s'engage à proposer préalablement la revente de son Oscar à l'Académie pour un dollar symbolique avant de le présenter à d'autres acheteurs.
L'Académie s'est donc fendu d'un communiqué pour condamner cette pratique : « Les membres de l'Académie et les nombreux acteurs et artisans de films qui ont remporté des prix (...) croient fermement que les Oscars doivent être gagnés et non achetés. » Et vlan.
Reste que cette vente exceptionnelle a rapporté la coquette somme de 3 millions de dollars, et qu'elle n'est pas le premier exemple de ce fléau qu'est le troc de statuette. Quelques mois plus tôt, en décembre 2011, l'Oscar reçu par Orson Welles pour Citizen Kane avait été acquis pour quelques 861 000 dollars. Mais le record absolu est détenu par un certain Michael Jackson : en 1999, le King of Pop avait fait l'acquisition de la statuette d'Autant en emporte le vent... contre 1,54 millions de dollars !
Bonus : les petites phrases assassines des acteurs
Cracher dans la soupe reste assurément le meilleur moyen de créer un mini-séisme dans le monde plastifié et trop parfait d'Hollywood. Des dérapages, la presse en fait ses choux gras et on ne va pas se mentir, nous autres vautours de journalistes adorons ça. Petit florilège !
« Nous voulons remercier chacun d'entre vous qui nous regardez nous auto-congratuler ce soir. » Warren Beatty, lors de la cérémonie de 1976
« Les répétitions, c'est pour les pédés » Brett Ratner, à propos des répétitions de la 84ème cérémonie des Oscars qu'il produisait... avant de démissionner
« Les Oscars sont obscènes, dégueulasses et grotesques, pas mieux qu'un vulgaire concours de beauté. » Dustin Hoffman, dans une interview télévisée
« Je voudrais saisir cette opportunité pour dire combien je suis fier de mon petit frère... Imagine tout ce que tu pourrais accomplir si tu essayais le célibat ! » Shirley MacLaine à Warren Beatty, lors de la cérémonie de 1979, alors qu'il est aux côtés de sa compagne, Diane Keaton
« C'est une carotte, mais la carotte la plus dégueulasse que j'ai mangée de toute ma vie. Je n'en veux pas. C'est une merde en barre absolue. » Joaquin Phoenix à propos des Oscars, octobre 2012
« Les gens qui rampent autour des producteurs et leur cirent les pompes et tout ça, ça me donne envie de vomir. » Anthony Hopkins sur la saison des prix cinématographiques, novembre 2012
Source : AMPAS
-
kio31 janvier 2013 Voir la discussion...
-
IMtheRookie31 janvier 2013 Voir la discussion...