Seul contre tous

Solo, A Star Wars Story : Disney en fait-il vraiment trop ?

Actualité | Par Joseph Boinay | Le 31 mai 2018 à 18h39

Pour la première fois en 40 ans, l’édifice Star Wars s’est bien affaissé : Solo, le dernier opus de la franchise, enregistre un départ très éloigné des standards de la saga. Beaucoup d’observateurs y voient le signe d’un ras-le-bol général. Ne serait-ce pas plutôt l’illustration d’un changement d’époque, de paradigme ?

On n’arrête plus la chute du Faucon Millenium : autrefois gage de manne planétaire, la saga Star Wars n’en finit plus de sombrer. En 2015 pourtant, le coup de polish avait fait son petit effet ; trois ans plus tard, la poussière est déjà retombée, avec une question sur toutes les lèvres : n’y aurait-il pas, derrière tout ça, un grand coupable ? Beaucoup le pensent et le désignent : la souris aux grandes oreilles, Disney, évidemment. Son crime ? La gourmandise.

C’est toujours plus facile de refaire le match une fois qu’il est fini. Et en ce qui concerne Solo, le petit dernier de la franchise, chacun y va de son analyse : le spectateur est saturé, la date de sortie inadéquate, la valse des réalisateurs, inopportune, les acteurs, trop peu charismatiques… N’en jetez plus ! Quand Le Réveil de la Force faisait, lors de sa première journée, 619 200 entrées et Les Derniers Jedi, 503 727, Solo en a fait… 89 338, soit cinq à six fois moins. Et même en sacrifiant la comparaison sur l’autel des spin-off, Rogue One, pourtant pas centré sur un personnage emblématique, faisait aussi trois fois mieux, avec 271 502 spectateurs. Même chose aux Etats-Unis, où le film enregistre de très loin le départ le plus mou de la franchise. Et si le film est largement en tête du box-office, la tendance est toujours la même une semaine plus tard : beaucoup moins bien que ses aînés.

Hyperpropension

Phil Lord et Chris Miller remplacés par la production en plein tournage, sortie printanière supposée moins stratégique qu’en fin d’année, promo en-deçà pour un Star Wars : toutes ces raisons ont été évoquées, mais elles ne pèsent pas lourd. Le principal reproche qui revient sur toutes les lèvres, c’est très clairement le rythme exaspérant avec lequel valsent les épisodes, spin-off et même animés (The Clone Wars) qui s'apparente trop à un forçage commercial, irrespectueux du mythe : depuis que Disney a racheté la franchise, on a basculé dans l’hyperespace avec six films en cinq ans (du Réveil de la Force à l’épisode prévu autour de Boba Fett, en 2020). Si on ajoute à cela les deux autres projets de trilogies (par Rian Johnson et les scénaristes de Game of Thrones), la coupe semble bien pleine.

Et pour ceux qui ont quand même poussé la porte du cinéma, les réactions ne sont pas tendres. Dans notre communauté par exemple, c’est un désaveu cinglant. Solo est frappé du taux de satisfaction le plus bas de la franchise : 24%, soit peu ou prou l’équivalent du traitement réservé à Bienvenue chez les Rozes ou Transformers, au hasard… 

D'abord, on lui reproche de ne pas respecter son héritage : @Joe_Shelby ouvre le bal avec une attaque en règle du géant Disney, accusé de phagocyter l’univers originel, substituant un piètre Star Wars à ce qui aurait pu être un bon western : 

Même constat pour @Blue_, encore plus lapidaire : 

Ou @vclmt, qui y voit carrément de la contrebande, de mauvaise qualité qui plus est : 

@blactide, enfin, se désole de la mécanique sérielle à l'oeuvre : 

L'indigestion, vraiment ?

Les spectateurs ont-ils toujours été si prompts à s’indigner d’un trop plein d’une même saga ? Certainement, mais jusqu’à présent, ça n’avait jamais entamé leur curiosité. Lorsque James Bond et sa vodka-Martini (au shaker, pas à la cuillère) font leur apparition en 1962, les films s’enchaînent de façon presque industrielle : cinq en cinq ans, sans que jamais la popularité ne s’effrite, bien au contraire. On note alors un climax avec Goldfinger, sorti seulement… sept mois après Bon Baisers de Russie. Les chiffres décollent et les spectateurs en redemandent. De fait, 007 traîne son bagou sans discontinuer depuis plus de 50 ans avec une régularité horlogère, sans que ça ne choque jamais personne. Et que dire des « marques » contemporaines ? Il y aurait sans doute bien davantage de grain à moudre en zieutant du côté du Marvel Universe ou d’autres sagas populaires telles qu’Harry Potter. Chez les super héros, ça se bouscule tellement qu’on en finit par se demander si la vie elle-même n’est pas un univers parallèle, une pause entre chaque épisode. Rien pourtant qui n’entacherait leur gloire : si on note quelques farouches contestations ici ou là, la fréquentation ne cesse de croître, avec un pic atteint en avril dernier pour Avengers : Infinity War, qui tutoie déjà les 2 milliards de dollars au box office mondial.

A vrai dire, tout ceci est plutôt logique. Bien sûr, la multiplication des produits répond à un calcul financier bien compris. Mais il est aussi question de survie : confronté à une nouvelle donne (explosion des séries, du binge-watching, de la SVOD), le cinéma se remodèle à l’aune d’une consommation plus fractionnelle et frénétique. Ou plus exactement se remédie, tel que nous vous l’expliquions ici. Le film devient l’épisode d’un arc plus grand, lui-même partie d’un super-arc et on le juge presque moins pour lui-même que pour la respiration qu’il apporterait à l’ensemble. Quand on y repense d’ailleurs, L’Empire contre-attaque lui-même n’était déjà rien d’autre qu'un épisode transitoire pourtant, d’assez loin, le préféré de tout le monde. Alors pourquoi tant de défiance à l’égard de ce Solo, honnête petit soldat d’un empire par ailleurs dominateur ? Quelques rares Vodkastos ont quand même pris leur pied, mais souvent du bout des lèvres : 

@Hobbit77 par exemple, qui ne comprend pas pourquoi tout le monde bascule du Côté Obscur avec cet épisode : 

Ou encore @LeaRhoudin, qui y voit une belle surprise : 

Mais il faut bien reconnaître qu'ils ne sont pas nombreux, ceux qui lui témoignent leur amour...

Changer, tu devras

C’est que, sans doute, Star Wars appartient à plusieurs générations. Les premières, qui vivent avec le mythe de leur enfance, mythe chevaleresque plein d’emphase et du respect accordé au temps, pleurent la première trilogie. Les secondes, qui cherchent davantage à s’épuiser dans l’infini, s’accommodent bien mieux des trahisons à l’œuvre originale et son démantèlement. Mais pour ce brave Solo, le tempo n’était peut-être pas le bon : en rendant hommage au héros emblématique de l’ancienne génération dans un contexte de complet renouvellement, la cible a probablement été perdue en chemin. Qu’à cela ne tienne, il faut espérer que le temps fasse son œuvre, histoire que ce charmant préquel regagne la place qu’il mérite : celle d’un épisode de Star Wars comme un autre. Et si vous en avez déjà votre soul de la Guerre des étoiles, il faudra pourtant vous faire une raison : deux nouvelles trilogies sont en préparation. Vous pensez que c'est trop ?

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30 commentaires
  • orloff
    commentaire modéré La seule chose qui pourrait me faire déplacer pour voir un nouveau Stars Wars serait qu'il soit fait par Sam Raimi ou Christopher Nolan
    1 juin 2018 Voir la discussion...
  • jared333
    commentaire modéré Sa fait depuis l'episode VII que Disney fout en l'air la license, non content de vouloir raconter une histoire ce qui etait la demarche de lucas..Disney a voulu plaire au fan de la premiere heure (SW VII) , puis fait machine arrire dans le VIII et s'explose dans Solo pas etonnant...Quant a Rogue one un SW mediocre mais qui reste le meilleur film qu'a produit Disney depuis 2015..
    1 juin 2018 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @jared333 Pour ma part, je place tous les Disney largement dans le haut du tableau, devant la prélogie et même devant certains épisodes de la trilogie initiale (pourtant j'ai grandi avec).
    2 juin 2018 Voir la discussion...
  • jared333
    commentaire modéré @zephsk Pauvre de toi ! Ruiner le boulot d'un artiste avec une entreprise cynique , tentaculaire voir malefique pour soit emuler les fan de la premiere heure (SW VII) et donner un film creux, soit ruiner le peu de cohérence restante de la saga...Fin bon, si vous aimez ce climat de bombardement de film de commande creux a la Disney actuelle, je ne peux vous en vouloir, cependant, cette multinational me fait deserter les cinéma....
    2 juin 2018 Voir la discussion...
  • jared333
    commentaire modéré Disney n'a tout simplement pas compris le mssage de Lucas en 6 films et bricole un truc, une sorte de cadavre exquis sans savoir vraiment ou aller !
    2 juin 2018 Voir la discussion...
  • theOldpc
    commentaire modéré Salut vodkastos et @zephsk ; Pas grand chose à dire sur le Star Wars, ce serait simplement bien de trouver un petit script (j'y connais rien en programmation web) pour intégrer les micro critiques dans les articles et ainsi éviter les captures d'écrans hasardeuses. Plus interactif.
    2 juin 2018 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @theOldpc Qu'est-ce qu'elles ont de hasardeuses mes caps ? ;)
    Pour le reste, on y travaille
    3 juin 2018 Voir la discussion...
  • theOldpc
    commentaire modéré @zephsk Qui pourraient être hasardeuses* Nom de nom
    3 juin 2018 Voir la discussion...
  • Yohanes
    commentaire modéré Mais Star Wars sous Disney devient quelque chose de bien plus agréable à suivre, pour ne pas dire plus intéressant. Les meilleurs films de la saga (si, si !). À mon tour d'y prendre enfin du plaisir. Ne me remerciez pas pour cette intervention totalement inutile.
    5 juin 2018 Voir la discussion...
  • Gotrek
    commentaire modéré Perso SWVIII m'a autant passionné qu'un bulot sec mais bon, c'est sans doute que je suis insensible.
    5 juin 2018 Voir la discussion...
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