The Outsiders, les mauvais garçons de Francis Ford Coppola
Francis Coppola avait toujours dit qu'il ne cèderait pas à la mode, et qu'il ne ferait jamais de films sur l'adolescence. Jusqu'à ce qu'on lui fasse parvenir une pétition faite par des lycéens de Fresno, CA, lui demandant de filmer les angoisses de l'adolescence par le biais d'une guerre des gangs rétro. Adapté d'un roman écrit par Susan E. Hinton, qui l'avait écrit à 17 ans seulement, l'histoire retrace le parcours d'une poignée d'adolescents des bas quartiers d'une bourgade sudiste dans les années 50.
Ponyboy Curtis (C. Thomas Howell), Johnny Cade (Ralph Macchio) et Dallas Winston (Matt Dillon) sont des Greasers, les mauvais garçons qui ont grandi dans les quartiers pauvres de Tulsa, Oklahoma. Ils ont les cheveux gominés, portent des jeans et glandent au drive-in du coin, avec leurs potes, Sodapop et Darrel Curtis (les frères de Pony), ?Two-Bit' Matthews et Steve Randle.
Ils sont régulièrement aux prises avec le gang rival des Socs (pour Socials), des types plus riches, plus forts qu'eux, mieux habillés (et qui en plus raflent les jolies filles). Un soir, au drive-in Ponyboy et Johnny Cade (Ralph Macchio) sympathisent avec la belle « Cherry » Valance (Diane Lane), une Soc', s'attirant ainsi les foudres du petit ami de cette dernière, bien décidé à les persécuter. Au cours d'un affrontement, et dans un mouvement de panique, Johnny Cade tue Bob Sheldon, le chef des Socs, en voulant défendre Ponyboy. Les voici contraints à la fuite, à renoncer à la protection de leurs proches et de leur milieu, et à se cacher loin de la ville. S'ensuit toute une série de péripéties qui vont conduire Ponyboy, Johnny et Dally sur des sentiers différents et à comprendre différemment le sens de leur jeunesse et de ce qu'ils doivent en faire.
« J'ai essayé de filmer The Outsiders comme j'imaginais que des gamins de 15-16 ans souhaiteraient qu'il soit ». Ecrit par une adolescente, filmé pour des adolescents, le film est un hommage à la jeunesse, et à l'adolescence comme ce moment charnière où la pureté de l'enfance est mise en danger et s'autodétruit. L'utilisation symbolique de l'aube et du crépuscule par Coppola est très représentative de ce discours sur l'adolescence. « Quand on regarde un coucher de soleil, on se rend compte qu'il est déjà un peu mort. C'est la même chose pour la jeunesse. Quand la jeunesse atteint son plus beau degré de perfection, on sent déjà venir les forces qui vont la détruire. » Le film est très stylisé, ce qui peut agacer certains. A travers cette guerre des gangs old school, Coppola montre la peur, la colère et le désoeuvrement. Le tout est filmé avec une grande tendresse, qu'il s'agisse des gags gentiment inoffensifs de Two-Bit Mathews (Emilio Estevez) et de Steve Randle (Tom Cruise, qui a dû passer tout le film à essayer de réussir un backflip), ou les scènes d'affection fraternelle entre Ponyboy et Sodapop (Rob Lowe), ou Ponyboy et Johnny. Ses gamins sont beaux et touchants.
Nothing Gold Can Stay extrait de Outsiders
Le résultat final est un film très classique, un peu comme si Coppola s'essayait à faire du Vieil Hollywood, avec une bien belle musique signée Carmine Coppola qui n'est pas sans rappeler les plus belles fresques des années 40 - la scène du lever de soleil semble d'ailleurs être un appel du pied direct vers les couleurs Technicolor d'Autant en Emporte le Vent (Ponyboy et Johnny lisent le livre de Margaret Mitchell pour tuer l'ennui). Le problème c'est que c'est un peu sirupeux. Et pour rester dans le joli et poli, Coppola a fait appel à Stevie Wonder pour qu'il compose une super ballade (Stay Gold, diabétiques s'abstenir). L'histoire est très linéaire, à tel point qu'on peut reprocher un certain manque d'audace et quelques incohérences de scénario. En fait, Coppola, qui avait fait un film assez long, a dû sacrifier certaines de ses plus belles scènes pour pouvoir distribuer le film. Il en a résulté un film pas mal mais un peu frustrant - la plupart des storylines secondaires étant devenues inexistantes. Rob Lowe notamment, dont c'était le premier long métrage, a vu son rôle réduit à 10 minutes à l'écran, dont 5 shirtless, pour faire baver les filles (on serait vexé à moins).
Au final, le film semble être plus passé à la postérité pour un casting étonnant de clairvoyance. Coppola s'était en effet entouré de jeunes inconnus nommés Matthew Dillon, Robert Hepler Lowe, Patrick Wayne Swayze, Emilio Estevez, C. Thomas Howell, Ralph Macchio et Thomas Cruise Mapother. Forcément, il pouvait pas savoir. Mais après coup, ça a salement de la gueule et rien que pour voir réunis quelque chose comme 90% des acteurs masculins qui ont peuplé le jeune Hollywood des années 80 et 90, ça vaut le détour. Pour le funfact, c'est d'ailleurs l'occasion de voir que le succès qu'on connaît à Tom Cruise doit sans doute beaucoup à la magie de la réfection dentaire. Coppola, fidèle à ses méthodes de direction d'acteur, avait matérialisé la confrontation entre Socs et Greasers en logeant les acteurs jouant les Socs dans un bel hôtel tout confort et en parquant Dillon et consorts à même le sol d'un gymnase pas terrible. Pensez-vous que ça ait contribué à rendre les scènes de baston plus réalistes ?
Grosse baston extrait de Outsiders
Le film a bénéficié d'un succès honnête, mais fait pâle figure sur un CV où il y a écrit Le Parrain et Apocalypse Now, Palmes d'Or, Oscars et PG 13. Coppola lui-même a eu le sentiment de gâcher son film à beaucoup d'égard. En 2005, il sort un DVD intitulé "The Outsiders : the Complete Novel". A force, on connaît le personnage, on a vu ce qu'il a fait avec Apocalypse Now Redux. Coppola révise entièrement sa copie et livre un Director's Cut de Outsiders assez hallucinant. Dire que c'est un film complètement différent serait à peine exagéré ; c'est un sentiment totalement différent qui se dégage de cette version. En 40 minutes ajoutées, Coppola redonne vie aux personnages secondaires (Rob Lowe lui a certainement envoyé des fleurs à cette occasion). De cette manière, les relations entre les personnages acquièrent beaucoup plus de profondeur. Plus que l'histoire initiale qui déracine Pony et Johnny, ce que montre cette nouvelle copie d'Outsiders, c'est la force des liens amicaux qui se tissent à l'adolescence. L'amitié entre Dallas Winston et Johnny Cade est à ce titre très touchante - la rage de Dallas tient beaucoup à son attitude protectrice vis-à-vis de ce gamin qui, contrairement à lui, est un peu malingre, et un peu faible, et Johnny ne s'y trompe pas. Alors que les autres voient en Dallas une brute épaisse, lui voit un protecteur de la veuve et de l'orphelin. Bref, ce groupe d'outsiders, c'est la recréation d'une cellule familiale.
Coppola a aussi intégralement révisé la musique de son film. Belle façon de tuer le père (surtout si on voit cette version en pensant que le type qui dégage la musique de papa est aussi celui qui a fait Tetro) : Coppola fils substitue aux violons de Carmine Coppola de bons vieux standards du rock des années 60. Les scènes sont portées par Elvis, par Jerry Lewis, et j'en passe. Il faut voir le sentiment jubilatoire que procure un Dallas Winston qui persécute des gamins sur fond de Gloria de Them.
Dallas Winston et les gosses extrait de Outsiders
Beaucoup ont considéré que Coppola avait massacré son film et ont crié au sacrilège. A titre personnel, je trouve que ça donne un ton plus badass au film, un rythme incroyablement plus original. Le film perd un peu en surcharge mélodramatique et gagne en impertinence. Quitte à voir le film essayez donc de vous procurer la version Complete Novel de 2005, et il y a de fortes chances pour que votre phrase culte du film ne soit plus « Stay gold, Ponyboy », mais « When I stepped out into the bright sunlight from the darkness of the movie house, I had only two things on my mind: Paul Newman and a ride home ».
Ponyboy Curtis contre les Socs extrait de Outsiders
-
IMtheRookie12 août 2012 Voir la discussion...
-
Sleeper22 février 2016 Voir la discussion...
-
john_ryder22 septembre 2018 Voir la discussion...