The Sleepy Skunk : le québécois qui a provoqué Hollywood et Spider-Man
Un petit malin, caché sous le nom de The Sleepy Skunk, a rassemblé chronologiquement toutes les images promotionnelles de The Amazing Spider-Man. Résultat : 25 minutes de film. Un acte audacieux qui n'a pas trop plu à Hollywood, au studio Sony et à Marc Webb.
The Sleepy Skunk est un site de cinéma dont le rêve affiché serait d'investir le public dans le choix des films qui devraient être faits. Sous ce pseudo étrange ("La mouffette endormie"), se cache un québécois, « entre 25 et 30 ans ». Lundi 26 juin, il a uploadé une vidéo sur la plateforme Vimeo qui a très vite circulé un peu partout jusqu'à être reprise en France sur le site du Figaro.fr. L'origine de son succès ? Elle compile 25 minutes du film The Amazing Spider-Man, qui ne sort au cinéma que le 4 juillet prochain.
Contacté par Vodkaster, The Sleepy Skunk, aka Louis Plamondon, nous a expliqué sa façon de faire : « J'ai téléchargé le matériel officiel de Sony : les clips, les "behind the scene", "featurettes", et d'autres contenus qui ont été diffusés lors d'émissions de télévision (comme celle de "The Ellen Degeneres Show"), puis mises en ligne sur YouTube. Toutes les vidéos ont été officiellement approuvées par le service marketing de Sony ». Les 25 minutes résument, en accéléré, le film et attestent de l'escalade effarante des démarches promotionnelles des studios sur la Toile.
The Amazing Spider-Man : 75 vidéos promotionnelles
Originaire de Toronto, le jeune monteur a utilisé au total près de 75 vidéos, toutes disponibles sur YouTube, et la plupart directement sur le compte officiel du film. A la question de savoir si cet assemblage de scènes a été réalisé pour le plaisir, The Sleepy Skunk est catégorique : « Mon objectif était de faire comprendre que les bandes-annonces qui sont aujourd'hui diffusées sur la Internet en disent trop. Je voulais montrer combien il était facile de faire un tel montage ». Tout en se disant nostalgique des années 90, « lorsque les bandes-annonces des films étaient encore mystérieuses », Louis Plamondon ira voir The Amazing Spider-Man à sa sortie.
Rapidement, sa vidéo a fait le tour du web et n'a pas manqué pas de faire réagir Marc Webb en personne, le réalisateur de The Amazing Spider-Man. Au micro de Film School Rejects, le réalisateur a semblé plutôt contrarié et géné : « Je n'ai pas vu la vidéo mais je pense que la plupart des films qui sortent en ce moment révèlent autant de choses que The Amazing Spider-Man. Ces contenus ont à voir le département marketing, pas avec moi. Et si vous ne voulez pas la voir, ne la voyez pas. Ce n'est pas si compliqué non ? ». Le réalisateur de (500) jours ensemble a même sa petite théorie sur le sujet : « Ce qu'il se passe c'est que beaucoup de sites veulent des contenus exclusifs : vous devez ainsi les leur donner afin que tout le monde reste impliqué ». C'est donc la faute des fans et des sites spécialisés : ceci explique cela.
« Le phénomène est tout sauf nouveau »
La tendance est donc à l'overdose de contenus, comme l'expliquait dernièrement Alexandre Hervaud chez nos confrères de Slate.fr. Pourtant, selon Christophe Courtois, directeur de la distribution de M6 et contacté par Vodkaster, « le phénomène est tout sauf nouveau » : « Il y a 50 ans, Columbia noyait déjà les médias du monde entier d'extraits de Lawrence d'Arabie et d'une bonne dizaine de documentaires sur le tournage du film [...]. Fox a aussi dévoilé une vingtaine de minutes d'extraits et de bandes-annonces d'Avatar avant sa sortie ». Le point important, selon Christophe Courtois, réside dans la proportion des internautes qui vont aller au-delà d'une simple bande-annonce : « Sur Allociné, la bande-annonce d'Avatar a été vue 5,4 millions de fois, mais les sept extraits ont été vus en moyenne? 18000 fois chacun. Seuls les fans les plus pointus regardent toutes les images proposées par le distributeur ». Et la concurrence accrue - « 601 films sortis en 2011 aux USA contre 478 il y a 10 ans » - n'arrange rien.
Cette overdose de contenus pointée du doigt par The Sleepy Skunk est pourtant assez éloignée de la réalité promotionnelle dans un pays comme la France, toujours selon Christophe Courtois : « Il n'y a plus d'émissions de cinéma à la télé ; les cinémas diffusent de moins en moins de bandes-annonces au profit de publicités ; la publicité pour le cinéma est toujours interdite à la télévision en France ; la presse ciné s'est effondrée et des centaines de sites internet ont une audience confidentielle ». Et de conclure : « Jouons l'avocat du diable : on n'a jamais aussi peu promu les films ! ».
Pas plus tard qu'aujourd'hui, la bande-annonce de The Secret, réalisé par Pascal Laugier, affichait dès la troisième seconde : « Afin de ne pas dévoiler les différents rebondissements, cette bande-annonce est basée sur la première moitié du film ». The Sleepy Skunk aurait-il été entendu ?
Image : © Sony Pictures
Autant une bande-annonce (une seule, une unique) peut être source de spoiler en puissance, autant un amas d'images peuvent détruire toute envie d'aller au cinéma. A quoi bon ? On a déjà tout vu, et aucun mystère n'est fait puisque tout est montré. Ici, la volonté de Sony, possesseur de la licence Spider-Man, de ne pas se planter après avoir refusé une suite à Sam Raimi, est particulièrement évidente.
Bien sûr il faut relativiser : il y a une différence entre les spectateurs lambda, et les fans de la série qui iront chercher chaque contenu mis en ligne. Mais tout de même, ça fait beaucoup 25 minutes...