12h08 à l’est de Bucarest au Studio des Ursulines
On a l'habitude de donner de la valeur à la rareté. Appliquer ce principe au cinéma roumain - qui, pour le coup se fait très rare sur les écrans français - relève donc de l'évidence. Entre 2005 et le succès critique de La Mort de Dante Lazarescu (Prix Un Certain Regard à Cannes) et la Palme d'or de 4 mois, 3 semaines, 2 jours en 2007 est sorti un troisième grand film roumain. Il s'agit de 12h08 à l'est de Bucarest, et vous pourrez le (re)découvrir jeudi soir au Studio des Ursulines dans le cadre du ciné-club Les couleurs de la toile.
Fort heureusement, 12h08 à l'est de Bucarest ne se contente pas « d'être » un film roumain. Certes les premières séquences présentent toutes les caractéristiques de ce qui, dans l'imaginaire collectif, est associé au cinéma de l'Est lointain. Tout en plans fixes, le film s'installe lentement, dans la rigueur d'un hiver neigeux, à quelques jours de Noël. Trois personnages se distinguent : un homme de télévision à la recherche d'invités pour une émission qu'il prépare, un professeur alcoolique et endetté, un vieil homme, enfin, à qui on demande encore une fois de jouer le père noël.
Malgré l'austérité de la mise en scène, on sent petit à petit le film s'éveiller à la comédie. On voit d'abord poindre un comique "pince-sans-rire" : les enfants qui s'amusent à effrayer toute la ville avec des pétards, les élèves qui veulent à tout prix plancher sur la Révolution française, le cadreur de la télé régionale sommé de caller sa caméra sur un trépied pour filmer la fanfare ou encore le professeur qui, à peine son salaire touché, voit défiler ses créanciers.
À l'école extrait de 12h08 à l'est de Bucarest
Commence alors la deuxième partie du film. Les trois personnages cités plus haut sont rassemblés pour participer à une émission dont le thème, assez incongru, est de déterminer si oui ou non la révolution a bien eu lieu en 1989 dans la petite ville de province où le film est situé.
Il n'y a dès lors plus de doute sur le ton du film et l'on se laisse porter par ce morceau de bravoure hilarant. Le professeur affirme avoir été présent sur la place centrale avant 12h08, heure à laquelle Ceausescu s'enfuyait en hélicoptère devant les caméras de télévision. Seulement personne ne peut confirmer ses dires et, au contraire, les téléspectateurs se succèdent au téléphone pour démonter ses affirmations et le couvrir d'insultes. Le film se tient là, dans la conception absurde d'un héroïsme qui se jouerait à la minute près, dans le débat dérisoire sur la réalité d'une révolution, pensée comme quelque chose entre l'avant et l'après plus que comme ce qui aurait mis fin au « cauchemar communiste ».
Le vieil homme, dont on a du mal à comprendre la présence sur le plateau, suit les événements entre hochements de tête et cocottes en papier. Il finit cependant par prendre la parole pour exposer un argument qui, bien qu'assez poétique, fera définitivement sombrer le débat dans l'absurde. Selon lui, les révolutions se propagent de la même manière que les lampadaires s'allument : de proche en proche. La révolution a donc forcément eu lieu dans la petite ville de province, puisqu'elle a commencé à Bucarest avant de se prolonger vers l'Est.
Début de l'émission extrait de 12h08 à l'est de Bucarest
La révolution de 12h08 à l'est de Bucarest est cet instant qui fait passer le film du drame social à la comédie. En faisant mine de s'interroger sur ce qu'il y a pu avoir entre l'avant et l'après, le film ne parle que de ça, précisément : de l'avant d'abord, puis de l'après. L'avant c'est la rigidité des plans fixes et ces personnages qui se partagent le cadre tant bien que mal. L'après - dans le film le temps de l'émission - c'est la liberté de bouger la caméra - d'utiliser en fait plusieurs caméras - de recadrer, de zoomer, de jouer sur le hors champs. Si le film a troqué la rigueur de l'immobilisme pour la confusion du mouvement, les décors et les personnages sont les mêmes, il y a la neige un peu sale, les dettes et l'alcool... mais enfin on est libre, et on rit.
M'est avis que participe à l'enthousiasme suscité par ce film le caractère exotique de la Nomenklatura.
L'aspect grossièrement tricoté apporte en outre sa touche développement durable.
Quant à Farenheit, c'est exactement à l'image de Moore = un mec sûr de détenir la vérité, pardon la Vérité, et quand on détient la Vérité on ne va pas s'embarrasser d'honnêteté intellectuelle et de dialectique, on assomme, on assène, on trafique, et c'est bon. Farneheit est au sens le plus objectif du terme un film de propagande et, que Cannes donne la palme à un film de propagande me fait juste gerber. Et Tarantino qui déclare qu'il n'a pas donné la palme pour des raisons politiques mais purement esthétiques, c'est la pastèque sur le gateau. Le Monde selon Bush est infiniment plus intelligent, subtil, efficace.