Berlin est-il le meilleur festival du monde ?

Les jours s'enchainent pour Chris et Hendy à la Berlinale et les bougres ont aujourd'hui décidé de classer non pas les civilisations, mais les festivals de cinéma. Il va y avoir du sport !

Chaque année, les compteurs sont remis à zéro. Chaque festival de cinéma peut espérer que sa nouvelle édition en fasse « the place to be » pour les professionnels et les cinéphiles du monde entier. Mais il faut être honnête, la compétition n'est pas très équilibrée pour autant. Par exemple, Berlin ne devrait pas avoir trop de mal à frapper un plus grand coup cette année encore que, disons, le Festival du film de vacances d'Issy-les-Moulineaux, ou de Poitiers (ça change tous les ans). Depuis l'Allemagne, nous allons donc tenter d'évaluer très objectivement la Berlinale par rapport à ses deux principaux concurrents européens : Cannes et Venise.

L'accueil

Importance : relative à l'irritabilité du festivalier

Si Cannes et Venise sont presque exclusivement réservés aux professionnels, Berlin est une généreuse main tendue vers le grand public. Les projections, même celles de la Compétition, sont ouvertes à tous... à condition de faire le pied de grue devant le stand qui vend les billets. Les journalistes et autres cinéphiles français sont aussi ravis de constater que les organisateurs et commerçants parlent anglais ; surtout s'ils ont déjà eu à en découdre avec les agents de sécurité de la Mostra de Venise qui vous envoient à Milan quand vous cherchez un accès Wi-Fi. A noter que les taxis berlinois peuvent vous conduire où vous le souhaitez dans un rayon de 2 kilomètres, en échange de 4 euros et d'un mot de passe. Une idée géniale qui rappelle certains jeux de rôle ou l'odyssée nocturne de Tom « Fidelio » Cruise dans Eyes Wide Shut. Mais peut-être encore plus l'épisode de Beverly Hills dans lequel Steve essaye de s'incruster à une fête privée en présentant un oeuf et une phrase secrète au patron d'une supérette.

Berlin remporte haut la main cette première manche. Une victoire acquise dès le premier voyage en métro, accessible sans tourniquet. Un moyen de transport nettement plus pratique que les bateaux vénitiens quand il s'agit d'arriver à l'heure aux séances...

La météo

Importance : non-négligeable

Evidemment... On ne peut pas ne pas mentionner le froid berlinois. Il y a quelques semaines, le quotidien 20 minutes avait consacré sa Une, non pas au froid, mais au fait que les français adorent parler du froid quand il fait froid. L'article mentionnait notamment le Petit Journal de Canal Plus qui raillait ses confrères, obsédés par la météo... durant deux éditions consécutives. Yann Barthès en venait donc à faire ce que ses camarades font : parler du froid. Pour revenir au sujet central de ce paragraphe, le froid, sachez-donc qu'il fait plus froid à la Berlinale en hiver qu'à Cannes au printemps ou à Venise en été.

Un FAIL de taille pour Berlin. Même si, à quelques degrés de plus au-dessous de zéro, la tendance aurait pu s'inverser : le froid peut aussi bien donner envie de rester confortablement assis dans son fauteuil, de la première à la dernière séance.

Les salles

Importance : croissante

A mesure que les jours passent, l'intérêt accordé au moelleux des fauteuils dans les salles de projection se fait croissant. Pour approfondir la comparaison avec ses concurrents directs, Berlin et Cannes se neutralisent de ce point de vue mais tous deux enfoncent aisément Venise. La Mostra possède quelques salles relativement vieillottes et... des chapiteaux. En 2000, parce qu'ils ne font jamais rien comme les autres, les membres de Radiohead avait opté pour des chapiteaux plutôt que des salles de concert, pour accueillir leurs performances durant la tournée Kid A. Selon toutes vraisemblances, la cité des Doges les a rachetés pour y diffuser ses films. Perméabilité du son, courants d'air, chaises d'école primaires... les séances de la Mostra frisent souvent l'amateurisme clownesque.

A égalité avec les luxueuses enceintes de la Croisette, la Berlinale s'en sort avec les honneurs dans cette bataille. Selon les désirs de chacun, Berlin aurait pu perdre ou gagner en finale contre Cannes au regard d'un paramètre : ici, les spectateurs peuvent boire des bières et remuer leurs pop-corns devant les films. Se retrouver au coeur d'une salle comble de 400 places pour voir le nouveau film de Guy Maddin est déjà étrange en soi, mais constater que certains grignotent devant son nouvel « ovni », ça en devient presque délirant !

La nourriture

Importance : étonnamment haute

Se sustenter dans les salles, c'est une chose... mais se sustenter entre les séances, ça, c'est essentiel ! Les restaurants aux abords des salles de la Croisette, du Lido de Venise, de Deauville US, de Deauville Asia (sauf erreur, ce sont les mêmes) ne sont pas les plus abordables du monde. Dans le cas de la Mostra, encore faudrait-il en trouver à moins de deux kilomètres. A Berlin, en face du Berlinale Palast, trône un MacDo. Tout est dit. Bien sûr, des mets plus raffinés jouxtent aussi la Potsdamer Platz. Une infinité de stands vendant des saucisses et des Bretzels grands comme des roues de vélo, ouverts jusque tard dans la nuit sur les grands boulevards ou les quais du métro, sauront eux aussi empêcher le moindre gargouillis.

Victoire à plate couture pour la Berlinale ! Les aficonados de fast-food les plus nostalgiques préciseront que la présence de Burger King prime sur celle de vulgaires McDonald's. Celui de Venise, situé à quelques centaines de mètres de la Place Saint-Marc a définitivement fermé ses portes et laisse ainsi le champ libre pour ce nouveau succès berlinois.

Les films

Importance : la plus haute, voyons !

Il serait fâcheux de l'oublier : ce qui compte, par-dessus tout, ce sont les films. Quelques semaines après Gérardmer et Rotterdam, la Berlinale est le premier festival majeur de 2012. Cette édition, dont la compétition officielle est d'un niveau honorable, pourrait ne pas trop rougir face à Cannes et Venise. Mais de là à les concurrencer, n'exagérons rien... Si l'on s'en réfère aux éditions 2011 de ces deux adversaires de toujours, Berlin est déjà un cran en-dessous ; pour mémoire, furent découverts à Cannes l'an passé les nouveaux et superbes films de Malick, Von Trier, Nichols, Almodovar, Refn, Sokourov, Johnnie To, etc. Après, il y a aussi les festivals qui trichent un peu tel Vancouver, qui ne fait qu'office de best-of de ses homologues adriatico-méditerranéens, et ne saurait rivaliser avec des compétitions proposant de nombreuses premières mondiales. L'autre problème de Berlin demeure que lorsque la compet' tombe bas, elle tombe très bas : à titre d'exemple, cette année, le thriller espagnol Dictado fut copieusement sifflé et ne choquerait personne s'il était distribué directement en DVD dans quelques mois.

La Berlinale ne gagne pas cette dernière partie, mais sort la tête haute. Cette année, il faudra d'ores et déjà retenir le sinueux et envoutant Tabu de Miguel Gomes (Ce cher mois d'août) et trois beaux films français : Les adieux à la reine, A moi seule et L'enfant d'en haut (bon, celui-ci est franco-suisse mais n'en faisons pas un fromage).

Parce que la variable « films » possède un coefficient de 35, la Berlinale s'incline en finale derrière Cannes et Venise. Dommage car les berlinois sont des gens attachants, parce que le festival ouvre grand ses portes à tous les amoureux du cinéma, parce que la ville est belle et parce qu'et cætera.

Une déclaration d'amour qui pourrait passer pour de la flagornerie... or, s'abaisser de la sorte pour être de nouveau de la partie en 2013 prouve bien que l'on se sent bien ici. D'ailleurs, la fête est loin d'être terminée. Demain, nous vous inviterons dans les recoins les plus étranges du festival, pour une balade des plus.... excentriques.

Retrouvez toutes les aventures de Chris & Hendy à la Berlinale 2012