Qu'est-ce qu'un teen movie ?
En 2010, si on demande à un passant dans la rue de citer un teen movie au hasard, il est probable de se voir répondre American Pie ou Scream et toute la longue litanie de succédanés qui les ont imités lors des dix dernières années. Une comédie sous la ceinture, ou un slasher, mettant en scène des adolescents, voilà, en gros ce qu'est devenu le teen movie dans l'imaginaire collectif. A cette vision de plus en plus méprisée de l'adolescence au cinéma, on oppose parfois les démarches plus sombres, plus indépendantes et donc (forcément) plus « sérieuses » ou plus « recevables » des Larry Clark, Harmony Korine et autres Gus Van Sant.
De fait, les teen movies souffrent de nos jours d'une connotation négative. Le grand public les considère comme un sous-genre sans trop d'intérêt, visant à satisfaire avec plus ou moins de bonheur, les hormones des 12-18 ans qui vont, par troupeaux de dix, garnir les salles des multiplexes le samedi après-midi. À tel point que quand un de ces films se démarque par la qualité de son intrigue, ou par l'intelligence de son scénario, on dira au mieux : « pas si nul, pour un teen movie ». Si c'est ce que vous pensez, Bender a deux mots à vous dire :
Fuck you, extrait de The Breakfast Club
Bien loin de n'être que sous-genre anecdotique, les teen movies sont d'une richesse trop souvent sous-évaluée ! Les sentiments adolescents ont inspiré quelques uns des plus grands films de l'histoire du cinéma, mais aussi quelques pépites méconnues répondant à un ensemble de codes assez structuré que je vais tenter d'exposer ici dans un dossier dont ce premier article sert d'introduction.
L'adolescence au cinéma
Comme son nom l'indique, un teen movie est, littéralement, un « film d'adolescent », un film qui parle de l'adolescence et qui s'adresse aux adolescents.
Cela signifie aussi qu'on s'intéresse à une génération prise entre la sortie de l'enfance et les premières angoisses du monde adulte, que celles-ci soient traitées sur un mode dramatique, ou à la légère. Dans cette mesure, les teen movies appartiennent également à cette catégorie, moins dévalorisée, du « coming-of-age » movie, où la dimension initiatique de l'adolescence est mise en valeur.
Concrètement, cela signifie que les héros de ces films sont des lycéens, la plupart du temps, voire que ces films ont pour cadre le lycée. Et c'est là que le bât blesse : comment considérer avec un peu de sérieux un film dont l'unique enjeu narratif serait de savoir qui sera élu roi ou reine de promo ? C'est là que John Hughes entre en scène.
Teen eighties
Si la genèse des teen movies est souvent située très tôt, dès les années 50 et 60, avec des monuments de l'Histoire du cinéma comme La Fureur de vivre de Nicholas Ray puis dans les années 70 avec American Graffiti de George Lucas, le genre ne se développe et ne se diversifie vraiment qu'à partir du début des années 80.
John Hughes travaillait comme rédacteur pour le National Lampoon, où il déplorait que l'adolescence au cinéma ne soit qu'un prétexte de rigolade à peu de frais. Sixteen Candles était pour lui l'occasion de montrer qu'oublier l'anniversaire d'une gamine de 16 ans pouvait être un fait suffisamment dramatique pour constituer la trame principale d'un film. Hughes voulait communiquer sa fascination pour un âge jamais pris au sérieux, pour une génération de mômes mal foutus et mal dans leur peau. Et il n'était pas seul.
Ils ont oublié !, extrait de Seize bougies pour Sam
John Hughes, mais aussi Amy Heckerling, Cameron Crowe ou encore Howard Deutch ont ainsi contribué à l'essor des teen movies dans les années 80, et ont façonné les représentations de l'adolescence au cinéma. A tel point qu'aux Etats-Unis, des films comme The Breakfast Club, Pretty in Pink ou Say Anything servent encore de référence ultime pour la culture adolescente et servent toujours de matrice pour façonner des divertissements destinés aux adolescents - non, mais avez-vous vu cet épisode de Dawson qui reprend la trame de Breakfast Club ? Les multiples références à Pretty in Pink à chaque fois qu'il est question d'un bal de promo ? Les happenings rejouant la fameuse scène de Lloyd Dobler dans le métro new-yorkais ? Et comment pouvez-vous expliquer le succès de Patrick Dempsey en « Docteur Mamour /McDreamy» dans Grey's Anatomy ? Une partie du fonds culturel populaire américain vous échappe si vous ne connaissez pas les teen movies des années 80.
American Teens
Dans le cas présent, un teen movie, comme son nom l'indique, c'est un film américain. Mais en vérité, pourquoi un film sur les adolescents, pour les adolescents, peut-il être intéressant, et encore plus si c'est aux Etats-Unis ?
Oh oui, en France, on a eu Vic, sa scolarité émotionnellement chargée, ses Boums orchestrées par Claude Pinoteau, on a eu P.R.O.F.S. ou Les Sous-doués, mais rien d'aussi massif que les teen movies américains. En effet, aucune chronique lycéenne ne semble avoir le pouvoir dépaysant de celles qui représentent l'Amérique. Car ce que mettent en scène les teen movies, c'est la transition de l'enfance vers le monde adulte, une génération prise entre deux âges, mais c'est aussi le développement d'un caractère, d'une personnalité, dans un milieu socialement contraint. Le lycée américain tel qu'il apparaît au cinéma, est un des milieux sociaux les plus agressifs qui soient : tout n'y est que castes, échelle sociale, hiérarchie, compétition, popularité. Cette pression sociale et ses hiérarchies peuvent être illustrée de mille manières, tour à tour cyniques, comiques, dramatiques, horrifiques, et j'en passe.
T'as pas envie d'être populaire?, extrait de L'Amour ne s'achète pas
Guide d'Appréciation
Finalement, s'il ne fallait retenir qu'une chose (okay : 7 choses) sur les teen movies made in USA des années 80, ce serait quoi? Tous les films que j'analyserai dans ce dossier déclineront, chacun à leur manière, ces éléments, et joueront avec ces codes qui, je pense, définissent le genre. Attention, je le sais, ces caractéristiques sont susceptibles d'être débattues :
- Les héros du film sont des adolescents (sans déconner !)
- Ce sont aussi la plupart du temps des outsiders en quête de reconnaissance.
- L'action se déroule dans ou en marge d'un lycée (et qui dit lycée, dit sociabilités forcées et codifiées)
- Les héros ont le sens de la mode de tes parents, sauf qu'à l'époque, c'était cool.
- Une bande son qui faisait un malheur au Top 50 (de l'époque).
- L'absence totale de législation anti-tabac.
- Enfin, le teen movie doit être vu comme un film de genre et, comme tout film de genre qui se respecte, il faut s'attendre à certains passages obligés :
- l'arrivée au lycée (en général, un immense bâtiment un peu grandiloquent, souvent flippant),
- la présentation des différentes castes qui constituent le microcosme social qu'est le lycée,
- un antagoniste en la personne d'un bully-bastard ou d'une queen-bitch,
- un climax scénaristique qui intervient lors d'une soirée dansante.
Au fond, on s'en fiche que ces éléments soient galvaudés: il faut les voir comme une étape nécessaire donnant lieu à un exercice de style plus ou moins réussi.
Footloose - Opening, extrait de Footloose
Il s'agira donc chaque semaine de chroniquer l'émergence d'un genre essentiel du cinéma populaire américain et d'en montrer la richesse et la diversité. Même avec du rose fluo, des brushing cauchemardesques, des angoisses de prom night, des nerds qui fantasment sur des cheerleaders à gros boobies et de la new wave à fond !
http://www.vodkaster...cis-Ford-Coppola-631
Du coup, je suis assez d'accord avec toi, d'autant plus que le décodage du genre horror en dit beaucoup sur l'adolescence (dans Scream, tout le méta-discours sur la virginité, etc.)
Mais du coup, je pense pas que ce soit "minimisé" - sauf dans ce dossier 80s où mes frousses perso ont biaisé le truc. Par contre, Williamson, à part Dawson, j'aime pas du tout du tout ce qu'il fait.