American Graffiti de George Lucas, allégorie de l'innocence américaine

Une petite ville californienne, au coeur des années 60. Une bande d'adolescents, dont la plupart doit partir à l'université le lendemain, passe cette dernière nuit à parader à bord de vieilles voitures, aux rythmes rock'n'roll poussés par la radio. Girls, cars and rock'n'roll pourrait être la devise d'American graffiti.

En 1971, George Lucas réalise son premier film, THX 1138, au sein de la société de production qu'il a créée avec Francis Ford Coppola, American Zoetrope, pour ne pas subir le diktat des studios. Film d'anticipation, inspiré par 1984, le film remporte un succès critique mais peu de public. Lucas est amer : son ami Coppola lui conseille : « Ne sois pas si étrange, essaie de faire des choses plus humaines. Ne fais pas des trucs abstraits. Tout le monde pense qu'un sang glacé coule dans tes veines. Mais tu peux être un type marrant et chaleureux, alors fais un film marrant et chaleureux. ». Lucas décide alors, un peu à contre coeur, de réaliser un film qui va « toucher le public », à contre-courant du Nouvel Hollywood. Il veut revenir aux bases de ce qui a fait le "Vieil Hollywood" : « Je voulais retrouver le sens de ce qu'était l'adolescence pour une certaine génération d'Américains, de 1945 à 1962 », explique-t-il.

Allégorie de l'innocence américaine, American Graffiti reprend tous les codes qui faisaient la grandeur de l'Amérique des années 50, avec ses vieilles bagnoles et son Chuck Berry à fond. George Lucas rend un hommage évident au cinéma que ses confrères rejettent depuis la fin des années 60.

La course de voiture rappelle indéniablement la tragique scène culte de La Fureur de vivre, sorti 17 ans plus tôt.

Au casting, George Lucas a le nez fin et son film est plein de futures stars. Il offre ici son premier rôle à Harrison Ford, et marque le début d'une collaboration qui se poursuivra avec Star Wars. A ses côtés, deux figures des années 70 : Richard Dreyfuss (les Dents de la mer, Rencontres du 3ème type) et Ron Howard (d'abord connu pour le rôle de Richie dans Happy Days, puis comme réalisateur à succès dans les années 90).

La musique du film est évidemment un de ses points forts. C'est un large spectre du rock'n'roll qui parcourt le film, de Bill Haley and the Comets (Rock around the clock) aux Beach Boys (All summer long) en passant par Del Shannon et les Platters, le film compte 41 chansons! A l'avant-première d'American Graffiti à San Francisco en 1973, l'équipe réalise l'importance de cette musique : « Dès le début, à la minute où Rock around the clock a retenti, les gens se sont mis à crier de joie », se souvient Marcia Lucas, femme de George et monteuse du film. Et le réalisateur, après son poème THX 1138 qui n'avait pas trouvé son public, retrouva une audience et trouva une voie, qu'il explora plus tard avec Star Wars. « C'est en faisant ce film que j'ai compris combien il pouvait être grisant de travailler sur quelque chose de drôle, positif, d'enthousiaste ». Le succès et le partage des gains créent des tensions entre les deux amis Francis Ford Coppola et George Lucas. Le premier souhaite que le second s'attelle à la réalisation d'Apocalypse Now, mais Lucas veut désormais faire des films légers, et qualifie son nouveau projet, Star Wars, de « conventionnel », pour les enfants. Les deux hommes sont désormais sur deux planètes différentes.