Venise 2011 : À l'assaut du Lido
À notre arrivée à Venise, tout semble réuni pour faire de notre séjour une suite clandestine à Miami Vice : le survol nocturne des lumières de la ville, le transfert en bateau aux plus folles vitesses, cheveux au vent, et la promesse d'une rencontre pittoresque avec notre colocataire...
Morts à Venise ?
L'homme s'est décrit comme un russe de deux mètres, au crâne rasé, et nous a donné rendez-vous au fond d'une ruelle à deux heures du matin, pour recevoir l'enveloppe de billets correspondant au montant de notre loyer. Cerise sur le gâteau : la rencontre en question nous a été indiquée par une croix, sur une vue aérienne Google Map reçue par mail quelques heures auparavant, sans indication de rue, ni de numéro. Demain ou après-demain, nous aurons sûrement déjà quitté Venise pour une plage de Colombie d'où, les doigts de pieds en éventail, nous bidonnerons de faux compte-rendus de la Mostra aux frais de Vodkaster. En attendant, tout ce qui est écrit est vrai, et en nous relisant, on réalise qu'il faut parfois une bonne dose de pulsion suicidaire pour satisfaire sa cinéphilie. Pour le moment, une seule question nous taraude : allons-nous regretter d'avoir laissé nos gilets pare-balles au personnel de l'aéroport, trop zélé pour comprendre le danger de l'embuscade potentielle qui nous guette ?
Pas une seconde. La réalité est toute autre. Le trajet en bateau ? Oubliée la folle vitesse : le temps pour nous de rallier le Lido (l'île sur laquelle se déroule la Mostra) Colin Farrell et Gong Li, eux, auraient pu faire l'aller-retour entre Miami et Cuba, boire des mojitos, convoler en justes noces, divorcer, et démanteler un important trafic de drogue. Le rendez-vous aux airs de traquenard ? Rien du tout : c'est un autre de nos colocataires, un jeune femme toute apeurée de nous voir débarquer à deux heures du matin, le front transpirant, soufflant comme des buffles, qui nous a ouvert la porte. Derrière, pas de kalachnikov, de paquets de coke ou de trophées de guerre ramenés de Tchétchénie. Nous sommes presque déçus. Les festivals de cinéma sont décidément d'impitoyables machines qui concassent les rêves pour en faire le bitume d'une autoroute de l'amertume...
Dangereuses méthodes
Le temps de chercher un sens à cette dernière phrase qui n'en a pas, le matin s'est déjà levé. La projection du Cronenberg, A Dangerous Method, est à 9h, et le bureau des accréditations, où nous devons préalablement récupérer nos précieux sésames ouvre à... 9h. Notre sac rempli de chatons aux grands yeux pleins de larmes, et notre délicieux accent frenchy, celui qui transforme chaque "Zeu" prononcé en miel pour les oreilles, n'y changeront rien : impossible d'avoir notre badge à temps pour voir Michael Fassbender et Viggo Mortensen se disputer autour de Keira Knightley (soient, en langage nerd, Magneto et Aragorn se la jouer avec Elizabeth Swann).
Dégoûtés à jamais et rancuniers, nous décidons de repousser les limites de l'abjection journalistique en assistant non pas à une, mais à deux conférences de presse SANS AVOIR VU LES FILMS AVANT.
En Enfer, il doit y avoir un étage entier réservé à ceux qui font ça. Ici, on ne sait pas, alors on y va, pas fiers, mais attentifs. Attentifs aux réactions des Garrel père et fils, tout d'abord, quant à l'accueil divisé d'Un été brûlant. Alternant français et italien sans sourciller, à la coule, Louis relativise : « J'ai revu sur Internet des images du prix que Michel Simon avait remis à Philippe (ndlr : l'acteur désigne son père par son prénom, c'est ce que les spécialistes appellent "l'effet Bart Simpson"). Il n'avait que dix-huit ans et déjà, à l'époque, la moitié de la salle sifflait et l'autre moitié applaudissait ». Les journalistes italiens, eux, n'ont d'yeux que pour Monica. Qu'on appelle carrément ici « LA Bellucci ». Il suffit à l'actrice italienne de dire que le tournage fut un plaisir pour provoquer des applaudissements, voire des évanouissements. Elle pourrait lire la liste des courses, les hommes ici présents lui donneraient le Goncourt.
À l'applaudimètre, l'irrésistible Monica sera pourtant battue par David Cronenberg et ses acteurs. On tient là un chef-d'oeuvre ou pas loin, si l'on en croit l'accueil réservé à l'équipe de A Dangerous Method et le large sourire de Mortensen, venu avec une peluche offerte par un fan, aux couleurs d'un club de foot argentin (« si vous souhaitez que je parle à travers elle ou que nous fassions une thérapie par la poupée, je suis prêt » plaisante-t-il). On a pu vérifier que le film n'était pas vraiment à la hauteur de cet accueil, lors de la séance de rattrapage, alors promis, demain, on recommence à faire les choses dans le bon ordre.
Pour suivre toute la Mostra de Venise 2011
Chris & Hendy, nos envoyés spéciaux à Venise 2011
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Sushi_Overdose3 septembre 2011 Voir la discussion...
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alexandremathis3 septembre 2011 Voir la discussion...
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gaugamelle4 septembre 2011 Voir la discussion...
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Brazilover6 septembre 2011 Voir la discussion...