Tom Cruise, l'homme sans âge
Un nouvel opus de la franchise Mission Impossible, le quatrième, déboule cette semaine sur les écrans. On ne peut dissocier aujourd'hui le nom de la saga de celui de Tom Cruise, businessman hors-pair dans un corps d'éphèbe aux poings d'or. S'il se fait aujourd'hui si rare au cinéma c'est qu'il sélectionne ses projets avec soin, s'y implique régulièrement en tant que producteur, et n'essuie finalement que très peu d'échecs.
L'explosion, un art de vivre
On vous dit Tom Cruise, et tout de suite vous visualisez ce dont il est question : le regard charmeur ou pénétrant, le sourire Freedent, le mèche rebelle la mieux maîtrisée de sa génération : l'acteur est une démo photoshop ambulante. Et malgré la surprenante musculature qu'il a à plusieurs occasions su se tailler et exhiber, sa taille modeste (1m70) et la finesse de ses traits semblent l'empêcher de se faire une place parmi les rangs des stars à muscles. Clairement, son physique ne semble pas le destiner à devenir l'action star paradoxale qu'il est aujourd'hui.
Mais le destin, Tom s'en fout de toute manière, lui ce qu'il aime c'est jouer les playboys qui se retrouvent dans la merde parce qu'ils ont trop tiré sur la corde, ou au contraire les agents surentraînés qui utilisent leurs skills pour combattre le terrorisme international ou blanchir leur réputation - qui se doit de rester aussi clean que ses dents. Toutes les excuses sont bonnes tant qu'elles peuvent servir de prétexte à courir au ralenti poursuivi par une explosion. Tom est le meilleur à Hollywood pour ce genre de scène, et il en a fait un art de vivre, une marque de fabrique.
Le secret de sa réussite en la matière est d'ailleurs probablement la pauvreté de son jeu dramatique et la quelconquitude (ce sera le néologisme du jour) de sa belle gueule, qui n'a finalement rien de si extraordinaire, et maximise donc l'identification du spectateur, jusqu'à un point absolument inaccessible chez les grands noms de l'Actor's Studio. Chaque film de Tom devient alors comme ces grands panneaux troués dans les parcs d'attraction, où on glisse notre tête pour devenir un héros ou un autre. Inutile de dire que l'expérience est autrement plus jouissive lorsqu'on se retrouve à courir au ralenti avec une explosion à 10 millions de dollars aux trousses.
Forever Young
Dans Mission Impossible 4, justement, Tom est plus juvénile que jamais, et il crapahute, se bastonne et continue à faire le guignol comme s'il avait encore 20 ans, alors qu'il en a presque 50. Et le plus incroyable, c'est qu'il le fait toujours aussi bien - voire peut-être même mieux. Evidemment, on en a vu d'autres continuer à jouer la cabriole au-delà de leur date de péremption supposée, mais généralement ils prennent garde à faire mention de leur âge, presque comme pour exiger une certaine clémence de la part du spectateur, ou encore en guise de ressort comique.
Bruce Willis a toujours aimé jouer les papas (on l'a découvert ainsi dans Die Hard) mais c'est l'âge de sa « fille » Liv Tyler dans Armageddon, soulignant tragiquement le fait qu'il n'était plus un jeunot, qui constitue son premier pas à l'hospice des action stars. S'ensuivent un rôle de sexagénaire dans Sin City, puis de pré-retraité délavé dans 16 Blocs, et le voilà qui se plaint sans cesse de ses vieux os dans Die Hard 4, pour finalement, à 55 ans, être officialisé papy en jouant dans les deux films labelisés « les vieux qui pètent le feu » de 2010, Red et Expendables. Et encore, il aura pris son temps, puisque Jean-Claude Van Damme lui, se plaignait du poids de ses 48 années dans la scène d'ouverture de JCVD, que Stallone raccrochait les gants à 44 ans dans Rocky V ou que Mel Gibson faisait son dernier film d'action à 46 ans pour ne s'y remettre qu'en 2010 (à 54 ans) dans Hors de Contrôle, mais là encore, il lui faut pour motivation le meurtre de sa fille : à son âge, on est forcément père, après tout?
Mais Tom Cruise, à l'inverse, s'en balance, et laisse le temps glisser sur lui, sans l'atteindre ; s'il a des enfants, ils sont toujours très jeunes, et même s'il a des cheveux blancs dans Collateral, son âge n'est pas mentionné et ne constitue en aucun cas un élément important du déroulement du film. Dans Walkyrie, il va même jusqu'à jouer sans vergogne un personnage de 12 ans son cadet, sans que cela ne pose jamais problème. Les personnages de Tom Cruise ignorent systématiquement l'âge de leur interprète, et pour l'instant rien ne porte à croire que cette situation est sur le point d'évoluer.
Le protocole fantôme
En sortant de la projection, j'avais un sujet d'article déjà tout plié : Mission Impossible 4 était une parabole de la carrière de Tom Cruise. Dans le film, Ethan Hunt a été abandonné par son gouvernement et tente de blanchir son nom en misant tout sur un dernier gros coup ; je voyais là une comparaison à faire avec la manière dont ce hasbeen de Tom Cruise avait été abandonné par le grand public et tentait de redevenir bankable au moyen d'un comeback de choc dans cette franchise mythique. Après tout, on ne voit plus autant Tom Cruise que par le passé, il a une sale réputation de scientologue louche, sa fille s'appelle Suri, il fait souvent la Une de la presse people, et ça fait des années qu'il n'a pas joué dans un bon film, non ?
Sauf qu'en fait, Tom Cruise n'est pas un hasbeen, et, techniquement, il ne l'a jamais été. C'est juste que son image est trompeuse. Night and Day et Walkyrie, par exemple, ont été des succès au box-office, rapportant plus de 100 millions de dollars chacun. En fait, si on étudie la filmo de ce cher (littéralement) Tom, on se rend compte que, dans les 26 dernières années, il n'a pas joué dans un seul film qui soit déficitaire - depuis Legend. Car derrière les rôles d'action un peu abrutis et l'image de scientologue taré se cache en fait un homme d'affaires redoutable, décrit par le journaliste économique Edward Jay Epstein (pour Slate) comme l'un des hommes les plus puissants d'Hollywood, aux côtés de George Lucas, Steven Spielberg et Jerry Bruckheimer. Rien que les 3 premiers épisodes de Mission Impossible ont généré un milliard de dollars de bénéfice, chaque film étant un véritable succès.
Ajoutons des preuves à la plaidoirie : sur les 9 films dans lesquels il a tenu le rôle principal ces 10 dernières années, tous ont été des succès (gageons que MI4 en sera un), et il était producteur de 7 d'entre eux, soit en son nom, soit en celui du studio United Artists, soit pour sa société Cruise / Wagner, ce qui lui donne évidemment un niveau de contrôle (relatif et toujours nébuleux, mais néanmoins incontestable) dans le développement des projets. Qu'en conclure ? Tout simplement que Tom Cruise est en fait un stratège au nez fin, qu'il est plus bankable que jamais depuis le début des années 2000, et que s'il se fait rare, c'est justement parce qu'il est sélectif. Celui qui continue, dans un élan presque puéril, de se prendre pour un jeune loup face à la caméra est en fait, en coulisses, un vieux sage à qui on ne la fait pas.
Sources : Slate | Image : © Paramount Pictures
Donc finalement, Tom Cruise© dans un film produit par Tom Cruise©, ça me paraît clair/confortable, et assez honnête…
Je trouve que George Lucas a su bien jouer : s'il avait pris Tom Cruise à l'époque (cette remarque est un peu anachronique, mais j'assume ;) ), je suis moins sûr qu'on se soit souvenu aussi facilement du nom du héros qu'avec le gars-comment-il-s'appelle-le-mec-qui-a-joué-Luke-Skywalker-déjà-ah-oui-Marc-Hamill.
NB:le personnage de tom cruise est bien plus que malemené,il est complétement perdu,bouleversé.
Il est d'ailleurs bien plus crédible dans des rôles antipathiques, et c'est vrai son image de star au sourire facile lui a nuit plus qu'autre chose. Dans la guerre des mondes il arrive même à être touchant...