Souvenirs vagues de Total Recall
Cet été, Vodkaster vous propose de découvrir Air Cinema : une série de programmes courts et décalés donnant une folle seconde vie aux films cultes et à leurs inoubliables VF. Un rendez-vous incontournable pour tous ceux qui aiment les films et les moustaches. Cette semaine : Total Recall.
Total Recall par Air Cinéma par AirCinema
Air Cinema parle tant à notre nostalgie cinéphile que nous ne pouvions pas en rester là ! Nous avons donc décidé de demander à notre cher Alexandre Hervaud (en vacances de Trailer) de dépoussiérer ses VHS pour accompagner cette série d'été de textes rendant hommage aux films détournés. À lui de jouer avec le cinéma : à la manière d'un « mockumentary », le totalement vrai y côtoie l'archi faux, l'anecdote authentique y fricote avec le canular grossier. Lisez tout, triez ensuite...
La mémoire dans la peau
Alors que je sirotais tranquillement début août un verre de rosé bien mérité sur mon lieu de villégiature estivale, j'appris par l'un des fourbes tenanciers de Vodkaster que la présente chronique Air Cinema du 15 août serait à fournir bien avant la deadline habituelle, vacances de la team parisienne oblige. Sans entrer dans les détails, disons que j'étais peu euphorique à l'idée de sacrifier un peu plus mes précieux congés non payés ; malgré tout, ces contraintes logistico-temporelles ont finalement eu l'avantage de m'inspirer un angle adéquat pour causer de Total Recall, le classique SF 80's de Paul Verhoeven dont l'improbable remake pointe le bout de son pif en salles aujourd'hui. N'ayant ni temps, ni la possibilité de revoir le film ou de chercher pléthore d'infos à son sujet sur le Net (c'est un peu mon modus operandi pour cette rubrique, hein) j'ai décidé de me lancer un défi adapté à la thématique de Total Recall : évoquer le plus précisément le film avec pour seul support d'information, pour unique source à la fiabilité douteuse?mes propres souvenirs. Rien de plus.
Puisqu'il faut bien commencer par quelque chose pour mettre en branle le processus mémoriel, tâchons peut-être de resituer le premier contact. Je crois avoir découvert Total Recall à l'âge de huit ou dix ans. Un brin trop jeune pour un tel film sans doute, mais j'avais déjà vu le bien plus trash Robocop, gravé depuis sur ma rétine et dans mon top 10 de mes films préférés de tous les temps. Sauf erreur, ma première vision de Total Recall s'est produite peu de temps avant (ou après) celle d'autres fleurons de science-fiction burnée, à savoir Alien 3 et Predator 2, le tout dans un cadre particulier : un stage d'astronomie en Corrèze. La contrainte de cette espèce de colo pour geeks, c'est qu'il faut évidemment attendre la nuit noire pour observer les planètes et autres étoiles au milieu de nulle part. Et pour nous faire patienter, en bons pré-ados glandeurs, avant cette heure tardive, les animateurs du stage n'avaient rien de mieux trouvé que de nous faire mater des films ultraviolents en VHS. In fine, j'avais adoré ce stage qui m'avait initié à l'explosion de crânes sur pellicule, mais absolument rien retenu niveau constellations, comètes et toutes autres conneries spatiales n'impliquant pas Schwarzy ou Sigourney Weaver.
Trois nichons sinon rien
De Total Recall, que j'ai revu des années plus tard, je ne garde finalement pas l'ombre d'une intrigue si ce n'est, il me semble, la possibilité pour le héros de vivre des aventures simulées virtuellement grâce à un appareil genre chaise à électrodes. Seules subsistent des bribes de souvenirs plutôt esthétiques, à commencer par sa vision la plus surréaliste et coquine, celle de la femme aux trois nichons avec sa cultissime réplique en VF (« ça t'branche, on s'en paie une tranche ? »). A propos de VF, le « tu te casses sur Mars » répété ad nauseam par un message vidéo dans le film m'avait plutôt marqué également - la réplique originale, « get your ass on Mars », est pas mal non plus. Comme le film tiré de Philip K. Dick le montre, rien de plus traîtres que les souvenirs. En me relisant à mi parcours de cet article, un doute m'assaille, et me voilà bigrement moins sûr d'avoir découvert Total Recall au stage d'astronomie, en fait. J'hésite désormais avec un contexte bien moins exotique, et pense peut-être l'avoir vu tout bêtement chez un copain d'école primaire, celui-là même qui m'avait emprunté des années plus tard sans jamais me la rendre ma première VHS porno, et qui depuis est décédé (aucun lien avec l'emprunt cité plus tôt, je ne suis pas rancunier à ce point), paix à son âme. Et voyez un peu comment la cervelle fonctionne, c'est fou : le simple fait d'écrire et partager ce détail morbide vient de me donner une réminiscence, façon flash gore, d'un plan incroyable du film : celui des bras de Michael Ironside salement tranchés dans un cri de douleur, ce qui a posteriori est plutôt drôle quand on pense à ses retrouvailles avec Verhoeven pour Starship Troopers des années plus tard, mais sans les jambes cette fois-ci. De Total Recall, je me souviens évidemment aussi de Sharon Stone - ce qui laisse sans dout croire qu'on la voit à poil à un moment ou un autre - amenée à jouer un double jeu ou peut-être remplacée par un clone à un moment, ce genre de truc.
Il faut oublier, tout oublier
En résumé, je ne sais plus trop comment j'ai découvert Total Recall- et peu importe après tout - mais, plus ennuyeux encore, mon encéphale a clairement décidé, au cours de quelque défragmentation 100% naturelle, d'expurger de ma mémoire bon nombres d'éléments liés au film. Est-ce à dire que je prendrais plus de plaisir lors d'une future séance ? Probablement. On devrait d'ailleurs pouvoir s'eternalsunshiniser (comprendre : s'effacer la mémoire sur commande comme chez Gondry) pour « redécouvrir » à loisir des films, expérimentant ainsi de manière répétées de surprises genre twists surprenants - une idée a priori utilisée avec la fin de Sixième sens dans la comédie Amour et amnésie d'après une discussion entre vodkastos suivie sur Twitter récemment.
Pour être honnête, l'exercice auquel je viens de me frotter est légèrement biaisé car j'ai bien quelques (rares, cela dit) billes concernant le film en mémoire, et même au delà du métrage intrinsèque, sur sa fabrication et ses choix d'orientation scénaristiques (notamment le côté « est-ce vrai ou faux ? » des aventures du héros). Ces quelques données, je les tire d'une lecture récente que j'aurais tendance à conseiller aux curieux du système hollywoodien, la nouvelle édition du Tales from Developpment Hell, de David Hughes.
Récemment mis à jour, cet ouvrage revient en détail, sous forme de recueils de longs articles, sur moult projets avortés (le Batman de Aronofsky, un Contagion avant l'heure signé Ridley Scott, etc.) ou d'autres accouchés dans la douleur, dont ce fameux Total Recall premier du nom. De manière assez raccord avec le thème qui nous occupe aujourd'hui, l'ouvrage en question (de qualité inégale en réalité, certains articles comme celui sur la genèse du quatrième Indiana Jones sont assez mauvais) n'est rien de moins qu'une bible de souvenirs sur des coulisses rarement fréquentés par le grand public. Une sorte de mise en valeur de recalls cette fois-ci bels et bien authentiques - même si certains exécutifs hollywoodiens, scénaristes ou réalisateurs évoqués trouveront peut-être leurs histoires déformées voire inexactes - qui dessinent une version alternative d'Hollywood qu'on ne connaîtra jamais.
On se prend alors à imaginer les différents projets qu'on aurait pu découvrir sur grand écran si tel ou tel mogul des studios avait eu le dessus sur son poulain de metteur en scène (ou vice-versa, surtout), et à caresser l'espoir que tel ou tel script « chaud bouillant » à une époque mais abandonné depuis, revienne un jour en grâce. On se plaît ainsi à vouloir réécrire l'histoire, en somme, tout comme votre serviteur aura sans doute envie de réécrire le présent texte quand il le relira, à l'occasion - du moins s'il se rappelle un jour l'avoir écrit parce qu'il tape un peu, ce rosé.