Rétro 2011 : les cinq plus gros clichés du film d’auteur français
Certaines personnes détestent le cinéma d'auteur français, comme on aime détester le Parisien qu'il vaut mieux, c'est bien connu, avoir en journal. Ils le trouvent systématiquement bourgeois, pédant, chiant... Comme tous les stéréotypes, ils offrent une vue bien réductrice de leur sujet mais ne sont pas complètement infondés.
L'humeur de Valérie Mréjen et Bertrand Schefer
Quoi qu'il en soit, pour ceux qui sont allergiques aux disputes de couples et aux débats philosophiques dans de grands appartements haussmanniens, Philippe Garrel (and son) tendent vraiment le bâton pour se faire battre. Un Eté brûlant, son dernier film, n'a pas dérogé à la règle. Nous lui accordons le prix spécial du jury pour l'ensemble de son oeuvre. Pour le reste, on vous a sélectionné la crème de la crème. Petit coup d'oeil dans le rétro en cinq clichés du cinéma d'auteur français.
1. En Ville : tirer la gueule en débitant des répliques spiritouelles
On aurait pu citer Un Amour de jeunesse en number one, mais la très expansive Lola Créton a été très sollicitée, du coup on a trouvé encore mieux. Sa moue boudeuse a été choisie par Valérie Mréjen et Bertrand Schefer, deux artistes-plasticiens qui ne partagent pas du tout la dérision et le sens de l'humour d'une partie du milieu de l'art contemporain. Elle donne la réplique au joyeux luron Stanislas Merhar, autant dire le cast de rêve pour se la jouer plus auteuriste que l'auteur.
Il interprète un photographe neurasthénique qui croise la route d'une ado mélancolique en immortalisant des ruines industrielles. Ensemble, ils traînent leur spleen sur la côte bretonne, tellement fatigués d'eux-mêmes, fatigués des autres, fatigués de la vie, qu'ils n'auront même pas la force de se prodiguer le moindre bisou, la moindre esquisse de caresse alors qu'ils se trouvent seuls dans une chambre d'hôtel confortable en bord de mer. Alors que font-ils pour tromper l'ennui ? Ils jouent à un genre de questionnaire de Proust sur le ton de « passe-moi-le-sel ». A la question « ce que tu détestes le plus ? », elle répond « les gens qui sont toujours de bonne humeur », pour le reste, on vous gâche pas le plaisir, regardez plutôt :
Questionnaire extrait de En ville
2. Belleville Tokyo : charger la barque de la connivence culturelle
Concernant Valérie Donzelli, reine des Bobos avant d'être celle des pommes, on aurait pu épingler La Guerre est déclarée, mais on s'est souvenus qu'elle a fait un film avec Belleville dans le titre, alors on a pas pu résister. Rassurez-vous, elle y est toujours en couple (et enceinte) avec Jérémie Elkaïm. Cette fois, le salaud la quitte en lui faisant croire qu'il part pour Tokyo. Elise Girard, dont c'est le premier film, décore ses personnages de références cultivées très chics (avec une pointe d'ironie pour la digestion), parfait pour toucher son public de CSP+ qui maîtrise ses classiques dans les dîners mondains.
Dans cette scène, on trouve notamment une affiche d'un film de Fellini, mais attention, pas une vulgaire Dolce Vita, hein, non, c'est Intervista, que seuls les vrais fans du cinéaste ont vu en VHS pourrie enregistrée sur Arte à 3h du mat' par Papa. En arrière-plan, remarquez également l'inévitable bibliothèque pleine à craquer de vrais livres, pas des Picsou Magazine. Cerise sur le gâteau, le couple chante « Ne dis rien » par dessus les voix de Gainsbourg et d'Anna Karina (élue meilleure référence culturelle « deux pour le prix d'une » par Alain Afflelou : musique ET cinéma).
Ne dis rien... extrait de Belleville Tokyo
3. Les Bien-aimés : jouer avec l'amour et le hasard
Comment ne pas placer Christophe Honoré dans un top sur les clichés dans les films d'auteur français ? Il n'a pas son pareil pour accumuler jusqu'à plus soif les clins d'oeil et autres citations savamment ironiques à la Nouvelle Vague. Gérer l'héritage, la filiation, ça le connaît. Alors dans Les Bien-aimés, comme un gardien de musée libre de faire parler ses statues, il prend Catherine Deneuve et sa fille embarquées dans un énième hommage enchianté à Truffaut et Demy. Dans cette séquence, la fille surprend sa mère au lit avec son père (dont elle est censée être séparée depuis des années). Honoré s'y livre à un charmant exercice de théâtre de boulevard avec juste ce qu'il faut de grivoiserie et cette superbe réplique à faire glousser Tatie Jacqueline : « Papa, je t'en prie, mets un slip ». Si Kristen Wiig a besoin d'un dialoguiste vraiment trash, elle saura qui contacter.
Retrouvailles extrait de Les Bien-aimés
4. L'Art de séduire : montrer que le français est encore un séducteur (même raté)
On reste dans la bobo attitude plus bourgeoise que bohème avec cette superbe séquence de drague ratée au bord du Canal Saint-Martin, cadre idéal pour les rencontres romantiques à Paris. Et c'est bien connu, le Parisien en week-end n'aime rien tant que faire semblant de courir pour entretenir sa forme alors qu'il ne rêve que d'une bonne séance de sport de chambre. Comme pour Louis Garrel, c'est un peu le spectre de Jean-Pierre Léaud qui semble guider les pas de Mathieu Demy (fils de...), qui enchaîne les blagues foireuses et les mines de Droopy dans ce rôle de séducteur trentenaire maladroit. Il ne manque que le french kiss à cette extrait qui ferait un charmant spot de pub pour le Ministère du Tourisme tenu par un autre fameux playboy : Frédéric Lefebvre.
On est samedi, ça vous dit de boire un coup? extrait de L'Art de séduire
5. Les Neiges du Kilimandjaro : ressasser sa mauvaise conscience soixante-huitarde
Les artisans du cinéma d'auteur français, comme le reste de l'intelligentsia culturelle, arrivés à un certain âge, éprouvent inéluctablement le besoin de verser leur petite larme nostalgique sur l'âge d'or qu'était pour eux Mai 68, matrice de leurs rêves d'émancipation et de liberté les plus fous. Même Bertrand Bonello affirme éprouver la nostalgie de ne l'avoir pas vécu. C'est souvent l'un des enjeux des films de Garrel, et c'est en partie celui de Robert Guédiguian dans Les Neiges du Kilimandjaro. Ici, c'est Jean-Pierre Darroussin qui confesse à sa femme (Ariane Ascaride) l'impression désagréable d'avoir trahi ses idéaux de jeunesse. En épouse aimante, elle cherche à lui dire que non, il n'a pas à avoir honte de siroter son Ricard dans sa grande maison de proprio. C'est bô, et surtout, lutter contre la mauvaise conscience du soixante-huitard embourgeoisé en essayant de prouver tant bien que mal qu'on se soucie encore de solidarité et de lutte des classes, c'est la garantie absolue de s'offrir une couv' dans Télérama.
On aurait pensé quoi de nous, 30 ans en arrière? extrait de Les Neiges du Kilimandjaro
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Mari23 décembre 2011 Voir la discussion...
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Cladthom23 décembre 2011 Voir la discussion...
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kio23 décembre 2011 Voir la discussion...
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bonnemort23 décembre 2011 Voir la discussion...
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Ukhbar23 décembre 2011 Voir la discussion...
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RaphaelClair24 décembre 2011 Voir la discussion...
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zigzagtouch24 décembre 2011 Voir la discussion...
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plo26 décembre 2011 Voir la discussion...
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RaphaelClair29 décembre 2011 Voir la discussion...
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zigzagtouch30 décembre 2011 Voir la discussion...