L'Affaire Thomas Crown / Thomas Crown
Par leur manque d'originalité quasi-systématique, les remakes semblent prédisposés à recevoir de conséquentes volées de bois vert (comme on peut le notifier ici, ici et ici). Rares sont les petits veinards auréolés de gloire dès leur sortie. Thomas Crown ferait-il partie de ces exceptions ?
L'Original
En 1968, L'Affaire Thomas Crown, film américain réalisé par Norman Jewison, envahit les salles obscurs outre atlantique. Plusieurs éléments le destinent rapidement à un succès intemporel.
Un duo au sommet tout d'abord
L'homme d'affaire Thomas Crown alias Steve McQueen, vit de sa fortune et s'ennuie. Histoire de se changer les idées, il organise le braquage d'une banque, qu'il réussit avec brio. Mais c'est sans compter l'arrivée de Vicky Anderson, Faye Dunaway, détective privée envoyée sur ses traces par une compagnie d'assurance.
Les deux protagonistes entament un jeu oscillant dangereusement entre intimidation et séduction... et succombent finalement lors d'un baiser de 55 secondes, soit un des plus longs du cinéma. Pour l'anecdote, Norman Jewison, par amour du détail, perfectionnera sa scène 8 heures durant.
The Windmills of my heart
Le thème musical du film, connut un succès mondial retentissant, et valut un oscar à son compositeur Michel Legrand. Il illustre cette scène de voltige, durant laquelle le millionnaire montre ses talents à la jeune détective.
Steve McQueen s'envoit en l'air ! extrait de L'Affaire Thomas Crown
Troisième élément, le réalisateur utilise le split screen, technique cinématographique inédite à l'époque. Comme on peut l'observer dans l'extrait suivant, le procédé, en divisant l'écran, permet au spectateur de suivre plusieurs actions se déroulant au même moment.
Une affaire minutée extrait de L'Affaire Thomas Crown
Une manière toute particulière de dynamiser et styliser la scène, que d'autres copieront bien vite. Aujourd'hui encore, le split screen s'utilise parfois, mettant en exergue le caractère chic de l'ancienne méthode.
Le Remake, réalisé en 1999 par John McTiernan:
A croire que 007 était prédestiné à jouer Thomas Crown. En 1968, Sean Connery refuse le rôle pour se consacrer à notre agent secret préféré. 30 ans plus tard, c'est pour, au contraire, se détacher du personnage (il l'interprète une troisième fois dans Le Monde ne suffit pas, la même année), que Pierce Brosnan accepte d'incarner le milliardaire cambrioleur. Amateur d'art, de costumes chics et de jolies femmes, le rôle semble cousu sur mesure.
Thomas Crown souhaite briser la monotonie de son opulent quotidien en s'attaquant cette fois-ci au monde de l'art. Il dérobe magistralement une oeuvre de Monet exposée au Metropolitan Museum (rien que ca). Voyez plutôt :
Le vol du Monet extrait de Thomas Crown
A ses cotés, Rene Russo campe une chasseuse de prime coriace nommée Catherine Banning. Rapidement, ce qui commence comme une chasse à l'homme se transforme irrémédiablement en jeu de séduction, puis abandon mutuel. L'alchimie est bien présente entre les deux acteurs. Pourtant, il est très difficile d'égaler le duo Mcqueen/Dunaway, qui sut parfaitement doser classe et sensualité. 1-0 donc pour l'original.
John McTiernan prit la liberté de transposer l'histoire de ce gentleman cambrioleur dans le monde de l'art, au détriment de l'argent. Voler un Monet plutôt que de simples billets de banque conserve, certes une classe certaine. En bon obsessionnel, le cinéaste ponctue sa réalisation de clins d'oeil à Magritte et à sa toile, Le Fils de l'homme. Original ? pas vraiment. Accordons lui néanmoins le bénéfice du doute. Le score est de 1 partout
En bon remake, Thomas Crown laisse trainer les indices. Faye Dunaway joue la psychiatre de l'homme d'affaire, et la bande son du film précédent est remise au goût du jour, tendance jazzy. Face à l'originale, cela va sans dire, cette version tend plus vers la musique d'ascenseur. Score final : 2-1 pour L'Affaire Thomas Crown.
N'achevons pas complètement le Remake cependant. Les rebondissement entraînent et le spectateur s'attache à ce milliardaire excentrique joué par un Pierce Brosnan que James Bond aura façonné avec classe. Somme toute, Thomas Crown conserve son attrait divertissant.
L'original, lui, crée simplement le mythe par son style, sa sensualité et sa finesse indémodable.
Pas tout à fait exact, car 25 ans auparavant le "split screen" ou "écran partagé" fut utilisé par un réalisateur français. En effet, dans les premières minutes de "Picpus" (1943), Richard Pottier partage son écran en 3 avec un grand talent :
1 : l'action principale, deux personnages à l'avant d'une automobile, filmés de dos (on voit la route)
2 : dans le quart inférieur droit, un flash-back narre la découverte d'un crime, racontée par l'adjoint de Maigret
3 : en tout petit dans le rétroviseur de l'automobile, la route qui défile derrière.
Brillant et malheureusement méconnu.
Take that, Jewison !