Le Hobbit : l'engouement pour l'univers de Tolkien est-il éternel ?
La Terre du Milieu, vous connaissez par coeur. Voilà maintenant plus de dix ans que vous avez entendu parler - peut-être pour la première fois si vous n'aviez pas lu les livres - des aventures des Hobbits, Elfes, Nains et autres Gobelins. Avec le carton de la première trilogie au cinéma (énorme succès au box office et 17 Oscars), Peter Jackson a fait entrer l'univers de J.R.R. Tolkien dans le coeur de toute une génération. Alors que sort en salle le deuxième volet d'une nouvelle trilogie, l'engouement est-il toujours le même ? Pour le savoir nous sommes allés à la rencontre des fans lors de l'avant-première parisienne au Grand Rex...
Surfant sur ce succès et cette popularité, les évènements autour de l'univers imaginé par Tolkien se sont multipliés. A l'époque déjà, les fans pouvaient rejoindre la communauté officielle. Pour la modique somme de 60 dollars, les européens pouvaient ainsi recevoir dans leurs boîtes aux lettres des magazines officiels mais également voir leurs noms inscrits au générique de fin de la version longue du Retour du Roi. De nombreux fans se rendront l'année prochaine encore au Palais des Congrès pour revoir Le Retour du Roi accompagné d'un orchestre. On ne compte plus non plus les tonnes de figurines, bijoux, vêtements, objets de collection et autres produits dérivés fabriqués à l'effigie de Legolas, Aragorn ou encore Frodon. Et quand la source semble tarie, on apprenait il y a peu, qu'un biopic de Tolkien, sobrement intitulé "Tolkien" devrait bientôt voir le jour. Si aucun réalisateur n'est encore rattaché au projet, tout le monde souhaite bien évidemment que Peter Jackson se tienne (pour une dernière fois ?) derrière la caméra.
Face à ce phénomène qui use jusqu'à la moelle le potentiel de cet univers foisonnant, une question essentielle se détache : Pourquoi et comment l'engouement persiste-t-il ? La communauté de fans et le grand public seront-ils toujours au rendez-vous ? Pour tenter de répondre au mieux à ces questions nous nous sommes rendu à l'avant-première du Hobbit : la Désolation de Smaug au Grand Rex, deux jours avant la sortie officielle.
Faire durer le plaisir ?
Le choix d'adapter Bilbo Le Hobbit, un petit bouquin de 300 pages, en trois films plutôt que deux prévus initialement interroge. Rapporté au nombre de pages adaptées, le déséquilibre est important :
Vous l'aurez compris, il n'était peut-être pas indispensable de faire trois films avec "si peu" de contenu, surtout lorsque l'on compare avec la première trilogie. Pourtant Jackson s'en défend sur facebook : «La richesse du récit du Hobbit, tout comme les appendices du Seigneur des Anneaux nous permettent de retracer l'histoire complète des aventures de Bilbon Sacquet ainsi que le rôle qu'il a pu jouer dans l'excitante et dangereuse histoire de la Terre du Milieu». En d'autres termes, Jackson ne s'est pas contenté de retranscrire platement Bilbon le Hobbit mais a bien ajouté des intrigues et informations trouvées dans toute l'oeuvre de Tolkien. Ian McKellen a lui aussi tenté (sans être particulièrement convaincant avouons-le) de justifier cette décision sur un plateau de télévision. A condition que le public suive (ce qui semble être le cas), la manipulation présente un avantage économique certain et pour les fans l'avantage est surtout... de faire durer le plaisir !
Ils sont unanimes. Comme le dit Nicolas, 20 ans, venu une heure en avance pour être bien placé dans la file d'attente : «Au départ je ne trouvais pas du tout légitime de faire trois films alors qu'ils n'étaient adaptés que d'un seul livre, mais finalement, après avoir vu le premier film, j'ai compris que ça allait être génial et j'ai de nouveau eu entièrement confiance en Peter Jackson et toute l'équipe de production.» Nadège, jeune femme de 33 ans, portant une robe médiévale, ajoute : «Avoir trois films, c'est vraiment génial, en tant que fan, c'est super, ça nous permet d'en voir encore et encore, que ça ne s'arrête pas. Au moins, on prend le temps cette fois, ça permet de donner vraiment du corps aux personnages.» Quant à Basile, 18 ans, il approuve avec nuance : «Il y a forcément une part de business, ils exploitent le filon jusqu'au bout, mais ils savent aussi qu'il y a toute une communauté de fans à ne pas décevoir, donc ils font attention à ce qu'ils font.» La plupart d'ailleurs, ajoutent comme Paul-Henry, 21 ans, qu'ils seront tristes à la fin de cette nouvelle trilogie. «Je verserai probablement quelques larmes car c'est une aventure qui s'arrête, mais heureusement les livres continueront à nous faire rêver !»
Concernant maintenant la réalisation du biopic sur la personne de Tolkien, rien n'entrave l'enthousiasme, même si Paul-Henry y voit principalement une façon habile pour les producteurs de prolonger le succès et attirer à nouveau la communauté de fans dans les salles, la plupart des autres interrogés, comme Basile, est très heureuse : «C'est top, ça nous permettra de voir l'homme derrière l'histoire.» Sarah, 29 ans, qui porte une tenue de Hobbit, ajoute : «Tolkien a eu une vie passionnante, il a vécu la guerre, il est allé dans les tranchées. Il est le témoin d'une grande partie de l'Histoire et c'est de là que les visions horrifiques du Seigneur des Anneaux lui sont venues, ce serait super intéressant de voir tout ce cheminement à l'écran.»
L'enjeu de l'avant-première
Le film sort sur les écrans le 11 décembre, pourtant, près de 3.000 personnes sont réunies deux jours avant pour cette avant-première au Grand Rex. Certains viennent même de province et payent leur place une quinzaine d'euros. Quand on leur demande la raison de leur présence, pour eux c'est une évidence. Sarah, parisienne nous explique en riant : «Le Grand Rex, c'est ma maison ! Je suis là à chaque avant-première, c'est toujours réussi.» Elle ajoute même avec passion : «Je fais partie d'un groupe de cosplay sur le Seigneur des Anneaux, on a l'habitude de se retrouver à la Japan Expo par exemple. J'achète les tissus et je fais tout moi même.» Basile quant à lui, qui a revêtu pour la première fois une tenue d'un personnage de film s'amuse : «J'ai voulu essayer pour une fois, j'ai des amis qui le font alors j'ai décidé de tenter aussi. On peut se la péter, tout le monde nous regarde et je ne pourrais pas le faire autre part, on me prendrait pour un fou !» Paul-Henry qui était déjà là à l'avant-première du premier volet du Hobbit l'an dernier : «Le Grand-Rex, c'est le passage obligé du fan, c'est un véritable événement, c'est symbolique et on peut dire se dire qu'on a été les premiers à le voir.» Nadège ajoute : «C'est vrai que les places sont assez chères, mais une ambiance pareille, c'est unique, je ne le regrette jamais.»
Et c'est vrai que question ambiance et organisation, l'évènement est à la hauteur des attentes. Les comédiens du Manoir de Paris se sont déplacés pour la soirée. Déguisés en Orc, Hobbit, Elfe ou Nain, ils animent, amusent les gens qui patientent dans la file, posent pour les photos, effraient les novices... Le chauffeur de salle sait également s'y prendre. Sur scène, il annonce à la salle surexcité qu'une surprise les attend. La salle est à bloc, les lumières s'éteignent et un message spécialement enregistré pour l'occasion par Martin Freeman et Richard Armitage est diffusé. Dès que le film commence, les gens hurlent, applaudissent et à chaque apparition d'un personnage principal (Bilbon, Thorin, Gandalf, Legolas), l'hystérie est totale. On ne tient plus le Grand Rex lors des scènes d'action et le moindre gag est accueilli par un public déchainé. Tout est décuplé et chaque spectateur vit le film pleinement.
La Terre du milieu en classe affaire
On l'écrivait plus haut, tout le monde surfe sur le succès des films utilisant l'univers de Tolkien. La grande majorité des tournages ayant eu lieu en Nouvelle-Zélande, cette destination est donc devenue très à la mode depuis une dizaine d'années. L'ayant bien compris, Air New-Zealand, n'en finit plus d'inventer des stratégies de communication axées sur Le Hobbit. La compagnie a ainsi mis au point des spots publicitaires où des Elfes-hôtesses expliquent les règles de sécurité et où les stewards sont des Nains. On peut également voir le dragon Smaug, gigantasque qui décore cette année un avion tout entier de la compagnie aérienne. Enfin, les affiches de la campagne de communication vante Air New-Zealand d'être "la compagnie de la Terre-du-Milieu".
Nos fans rêvent eux-aussi tout particulièrement d'aller visiter ces contrées. Paul-Henry : «Je rêve d'aller sur les lieux de tournage. Après le Seigneur des Anneaux, ils avaient tout détruit. C'est dommage. Cette fois-ci en revanche ils ont tout conservé donc j'ai très envie de voir mais j'ai aussi peur que ce soit beaucoup trop touristique.» Basile va dans son sens : «Les paysages du Seigneur des Anneaux sont magnifiques, Peter Jackson a vraiment réussi a les sublimer, depuis que j'ai vu La communauté de l'anneau, c'est devenu un rêve pour moi d'y aller. Dès que j'aurais les moyens, ce sera un véritable plaisir de voir tout ça de mes propres yeux.»
Un engouement éternel ?
Il y a quelques temps, Warner et J.K Rowling annonçaient qu'ils travaillaient sur de nouveaux films sur l'univers d'Harry Potter, inspirés du manuel Vie et habitat des animaux fantastiques (ou Fantastic Beasts and Where to Find Them). Une bonne nouvelle pour les fans de l'auteure et de ce monde magique. Mais la même démarche est-elle envisageable avec l'univers de Tolkien ?
En demandant aux fans ce qu'ils penseraient si un auteur s'appropriait l'univers de la Terre du Milieu pour de nouveaux écrits et de nouveaux films, nous avons obtenu des réponses assez différentes. Ainsi, selon Paul-Henry : «Ça ne me ferait pas plaisir que quelqu'un d'autre que Tolkien utilise tout cet univers, un peu comme pour Star Wars. S'il devait y avoir quelque chose de nouveau, j'aimerai beaucoup que le fils de Tolkien publie les textes que son père a commencé mais pas terminé. Ce qui serait génial c'est qu'il donne quelques pistes sur ce que son père aurait probablement voulu écrire s'il avait pu terminer cette oeuvre. Côté cinéma, pourquoi ne pas adapter Le Silmarillion ? Et si dans 10 ans on apprend que Terrence Malick veut l'adapter par exemple, je signe tout de suite !» Florent qui partage cet avis, ajoute : «Je trouve que ce serait un peu trop facile et je serais très sceptique, mais d'un autre côté, je lirais quand même, ce sera la seule façon de savoir si c'est bon ou non. Concernant de nouveaux films, je pense que tout a une fin, je n'attends rien de plus.» Enfin, Nicolas, qui représente une catégorie de fan assez nombreuse également, voit les choses très différemment : «Personnellement je m'en fiche, je n'ai lu aucun livre, moi je suis fan des films. S'ils font de nouveaux livres, ce sera juste pour faire de l'argent mais si c'est assez bon pour être adapté et qu'il y a de nouveaux films alors pourquoi pas !»
Les clefs du succès...
Le Hobbit : Un voyage inattendu a dépassé le milliard de dollars de recettes, et fait ainsi son entrée dans le top 15 des plus gros succès du cinéma récent juste derrière The Dark Knight de Christopher Nolan selon le site Box Office Mojo. Il semblerait donc que l'engouement reste intact malgré les années et que la lassitude n'ait pas encore atteint les spectateurs, même ceux qui ne sont pas spécialement fans des livres ou du travail de Peter Jackson. Selon les personnes que nous avons interrogé, si cela est possible, c'est uniquement grâce au travail de base fournit. Paul-Henry : «Il faut savoir que ces livres sont les plus lus après la Bible. Mais moi la Bible je connais pas, la mienne c'est Tolkien.» Quant à Nicolas : «Je pense qu'il y a de vrais fans, ce n'est pas du tout un phénomène de temps. Il y a maintenant une communauté solide qui s'agrandit au fil des années. De plus, Peter Jackson est vraiment très bon dans ce qu'il fait.» On peut donc se demander si cela aurait toujours le même succès si Peter Jackson avait quitté le projet. Pour Sarah, c'est surtout l'univers et le genre qui contribuent à ce succès : «Le monde dans lequel on vit est compliqué. Les gens adorent les mondes fantastiques, ça leur permet de s'échapper du quotidien, car cet univers, totalement différent du notre nous permet de rêver.»
Photos : Cynthia Bertin
En fait chacun choisit une race puis chacun reste dans son coin et joue tout seul en fait, parce qu'il veut pas se mélanger, il aime que lui parce qu'il est replié sur lui-même.
Triste. J'avais pas vu ça comme ça.
ça c'est mieux.
Si l'imaginaire médiéval au début du 20ème siècle a engendré des dérives racistes, et a donc été accueilli avec méfiance à son retour dans les années 60-70, en France, pourquoi cela a-t-il été bien accueilli en Angleterre, et aux US. Parce que ces deux pays n'ont jamais sensibilisé à cet univers ?
D'après le documentaire, il faut donc interroger et questionner le mythe, et non le prendre au premier degré, comme les fans hardcore le font. Partant de ce point de vue là, il faudrait relire Tolkien et revoir les films pour juger de la capacité à Jackson d'interroger le spectateur, ou s'il se contente de donner vie, merveilleusement bien, aux personnages de Tolkien.
Et c'est en cela où j'ai des doutes sur Jackson. Si j'apprécie énormément cette trilogie, est-ce grâce au matériau de base de Tolkien, ou est-ce grâce aux compétences de Jackson ? En somme, un autre réalisateur, avec les mêmes moyens aurait-il réalisé quelque chose d'aussi bien, de mieux, ou de moins bien ? Qu'en pensez-vous ?
J'ai aimé Star Wars, je l'ai vu de nombreuses fois et pourtant je n'ai pas joué aux jeux de rôle, avec Final Fantasy c'est différent :)