Ils sont jeunes, ils s'aiment mais ils souffrent chacun d'un cancer

N'y-a-t-il que le mélodrame pour parler d'amour et de maladie ?

Dossier | Par Carole Thébaud | Le 20 août 2014 à 12h13

Certains traversent l'adolescence sans autres gros soucis que les amourettes déçues et les prises de tête avec les adultes. D'autres pas. Sorti en France cette semaine, Nos étoiles contraires parlent de ceux-là, plus précisément de jeunes cancéreux, malades au point qu'atteindre les 20 ans constitue pour eux un véritable challenge. Si le titre original, The Fault in our Stars, cite Jules César de Shakespeare, le titre français fait référence à Roméo et Juliette, couple né "sous des étoiles contraires". Il y est question d'un garçon amputé d'une jambe, d'une fille qui ne peut respirer sans son réservoir à oxygène, et d'amour, mais comment éviter de tomber dans la bluette lourdement mélodramatique quand on traite une telle histoire ?

Quand on va voir un film parlant de cancer ou de toute autre maladie incurable, c'est un peu comme pour Titanic : on se doute déjà qu'à la fin ce n'est pas le sourire aux lèvres que l'on sortira de la salle. Le film de Josh BooneNos étoiles contraires n'échappe pas à la règle. L'histoire d'amour entre deux adolescents - Hazel Grace (Shailene Woodley), atteinte d'un cancer incurable, et Augustus (Ansel Elgort) en rémission depuis plusieurs mois - ne présage rien de bon. Un drame qui vous déshydrate en 2h, n'oubliez pas vos mouchoirs. Là où le réalisateur Josh Boone se distingue, c'est dans les changements de tons d'une séquence à l'autre, dans sa façon particulière de faire rire avant d'arracher quelque larmes, ou plus.

"A nous trois, on a cinq jambes, quatre yeux, et deux poumons et demi"

Le film trouve d'abord son rythme dans l'ironie constante : "Tu mets cette chose qui a le pouvoir de te tuer juste entre tes dents, mais tu ne lui donnes jamais le pouvoir de te tuer. C'est une métaphore" répète fièrement Augustus, la cigarette au bec, mais sans jamais l'allumer. Les répliques sont parfois cinglantes, politiquement incorrectes mais acceptables parce qu'elles sont dites par les principaux concernés. À l'image de la revanche que prennent le couple et son grand ami au coeur brisé, Isaac, quand ils lancent des oeufs sur la maison de celle qui a quitté Isaac parce qu'il devenait aveugle. Une petite attaque qu'Augustus justifie ainsi auprès de la mère de la victime : «Votre fille est responsable d'une grande injustice. Nous sommes venus nous venger. On a l'air de rien. A nous trois, on a cinq jambes, quatre yeux, et deux poumons et demi, mais nous avons aussi deux douzaines d'oeufs. Donc si j'étais vous, je retournerais à l'intérieur.» 

La base de la relation entre Hazel et Gus tourne autour d'un livre, le préféré de la jeune fille, Une impériale affliction de Peter Van Houten, roman fictif sur une jeune fille malade d'un cancer. Leurs échanges vont se développer autour de ce livre dont la particularité est de s'achèver au beau milieu d'une phrase. Le ton de ces conversations et le sens de la répartie de chacun rappelle ceux du couple de Love Story formé par Oliver (Ryan O'Neal) et Jennifer (Ali McGraw). Un langage se forme, propre au couple, assurant sa complicité. Un même "Ok", sonnant comme un "je t'aime", fait écho dans les deux romances. Une référence qui n'a rien d'innocent pour Nos étoiles contraires tant il prend son histoire d'amour au premier degré, comme le fait Love Story.

Récompensée lors des Teen Choice Awards pour son rôle de Hazel Grace, Shailene Woodly raconte ce que lui a apporté Nos étoiles contraires : "Tout ce que nous avons, ce sont des petits moments et c'est notre devoir de nous réveiller chaque jour, et tous les jours, et d'être reconnaissant pour ces petits moments." Elle s'approprie l'enseignement de son personnage qui met en garde celui qu'elle aime ("Je suis une grenade ! lui assène-t-elle), rappelant qu'à tout instant, la vie peut s'arrêter. Alors autant en profiter.

Ceux qui restent, ceux qui se battent, ceux qui partent

Jusqu'ici, les films sur la maladie abordaient un seul aspect de cette thématique. Nos étoiles contraires attaque son sujet de tous les côtés. Condamnation, abandon, rémission, espoir, guérison : tout ce qui peut rythmer le quotidien des jeunes cancéreux et de leurs proches est évoqué. Généralement, les films de ce registre appréhendent la maladie de l'extérieur, avec le point de vue de celui ou celle qui survivra au malade ou à la malade ; membre de sa famille, ami, etc. Ce qui compte alors, c'est l'évolution du comportement de cette personne. Dans Le temps d'un automne, Landon (Shane West), le garçon le plus populaire de son lycée, prend un malin plaisir à enfreindre tous les réglements, jusqu'à ce que, suite à un accident impliquant un autre élève, il se retrouve forcé de jouer dans la pièce de théâtre de son établissement. Un peu perdu dans ce nouveau rôle, il demande l'aide de Jaimie (Mandy Moore), la fille du pasteur, qui partage ses journées entre lycée et activités scolaires. C'est à son contact que le jeune homme rebelle va changer et devenir responsable. Il deviendra à son tour sa bouée de sauvetage quand la maladie frappera. Dans Restless de Gus Van Sant, le solitaire Enoch (Henry Hopper) trouve également la force de faire face à ses fantômes grâce à sa rencontre avec Anabelle (Mia Wasikowska). A chaque fois, en adoptant ce point de vue, le réalisateur peut se permettre d'évoquer l'après - après la mort de l'être aimé - et transmettre un message positif. La vie continue.

Rares sont ceux qui choisissent une approche différente - même s'ils semblent l'être de moins en moins - en montrant de façon objective ou subjective l'annonce de la maladie et le combat qui se profile pour le ou la principal(e) concerné(e). On se retrouve alors à la place de Nicolas Duvauchelle dans Les corps impatients. Spectateur, il accompagne Laura Smet dans toutes les étapes de sa maladie, impuissant, rejeté, avec la tentation de se détourner d'elle et d'aller vers une autre (délicate question : peut-on plaquer une conjointe que l'on n'aime plus alors qu'elle est gravement malade ?). On peut aussi être mis dans la peau du cancéreux, voir ce à quoi il doit faire face et écouter ses peurs. Dans 50/50, Joseph Gordon-Levitt va se rendre compte que le combat contre la maladie est fait d'abandon, de nouvelles rencontres et d'aurevoirs. Cette prise de conscience, le spectateur la fait en même temps que lui.

En 2013, Dakota Fanning endosse un rôle difficile pour le film Now is good, celui de Tessa, jeune fille de 17 ans en phase terminale d'une leucémie. Entre un papa poule, une mère absente et dépassée et un petit frère qui porte un regard innocent sur la situation, Tessa choisit d'arrêter son traitement, réduisant ainsi le temps qui lui reste. Elle prend cette décision pour profiter au mieux de la vie, même si ce sera moins longtemps, et préparer son départ auprès de ceux qu'elle aime. Le film n'arrondit pas les angles, à l'image de son héroïne au franc-parler affirmé, qui dit ce qu'elle pense sans faire de concession, ni à son interlocuteur, ni au spectateur.

C'est face à ce dernier dilemme que se retrouve le cinéaste : comment aborder la mort, sachant que l'on fait un film s'adressant par essence aux adolescents et qu'il faut rester aussi positif que possible ? La question reste posée, parce qu'on assiste rarement à ce moment chargé en émotion, par pudeur, par désir de rester focalisé sur la vitalité plutôt que sur la mort ou peut-être simplement parce que l'obstacle est trop difficile à surmonter et qu'il vaut mieux le contourner.

Être un ado comme les autres 

Nos étoiles contraires est l'adaptation du best-seller éponyme de John Green. Auteur américain de six romans destinés aux jeunes adultes, il a réuni une communauté importante sur internet avec son projet YouTube, Brotherhood 2.0, devenu ensuite une véritable chaîne, Vlogbrothers, sur laquelle il poste des échanges vidéo avec son frère Hank, dans le but étrange "d'élever la geek attitude au pouvoir de l'incroyable" ("Raising nerdy to the power of awesome"). Les discussions de John autour de la littérature et de ses lectures, les chansons de Hank et leurs décritages de l'actualité sont suivies par plus de 2 millions de personnes. Après plusieurs livres sur l'adolescence et de nombreux prix, John Green a abordé le sujet de la maladie pour montrer que les adolescents concernés, malgré ce qu'ils traversent, sont comme tout le monde, pas plus braves que d'autres, mais plus ouverts d'esprit sans aucun doute. Et surtout, qu'ils ne se réduisent en aucun cas à leur maladie.

Dernièrement, la télévision américaine a prévu de se pencher sur le sujet. Red Band Society, remake de la série catalane Les bracelets rouges, suivra le quotidien d'un groupe d'ados dans l'aile pédiatrique d'un hôpital de Los Angeles. On retrouvera en infirmière Octavia Spencer (La couleur des sentiments). Ce programme donnera la parole aux jeunes patients et sera apparemment au diapason du ton de Nos étoiles contraires, mais il faudra attendre sa diffusion à l'automne pour le vérifier.

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7 commentaires
  • Aymeric
    commentaire modéré Bon mon commentaire ne sera pas forcément très pertinent, mais je tiens à dire que j'ai trouvé l'article très bon.
    20 août 2014 Voir la discussion...
  • elge
    commentaire modéré itou !
    20 août 2014 Voir la discussion...
  • elge
    commentaire modéré Commentaire dispensable aussi mais je ne résiste pas : dans le genre, je viens de terminer un bouquin, "Dieu Me déteste", qui ferait un bon "mélo-malade" ... prêt à parier sur sa prochaine adaptation
    20 août 2014 Voir la discussion...
  • Nienor
    commentaire modéré @elge Le cinéma aime tellement ce genre que ça serai pas surprenant !
    20 août 2014 Voir la discussion...
  • ChrisBeney
    commentaire modéré "A nous trois, on a cinq jambes, quatre yeux, et deux poumons et demi", c'est vraiment une chouette réplique, très représentative de l'esprit du film, volontaire mais lucide.
    20 août 2014 Voir la discussion...
  • Fujee
    commentaire modéré https://www.youtube.com/watch?v=HZqiLK8y0BQ
    20 août 2014 Voir la discussion...
  • Marla1
    commentaire modéré Bien sûr que l'on peut parler de maladie sans mélo ! J'ai trouvé plein d'autres références: http://marlasmovies....es-le-ciel-peut.html
    25 août 2014 Voir la discussion...
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