La musique des films de Robert Rodriguez
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Plus le temps passe et plus Robert Rodriguez compose lui-même les BO de ses films (ce petit gredin aime d'ailleurs exhiber son gros matériel dans les bonus de ses DVD). C'est certainement une très bonne chose pour son épanouissement artistique personnel, mais, même si on peut parfois être assez admiratif de son travail de ce côté-là - avouons-le, le thème de Planet Terror est une petite tuerie -, on ne peut qu'être nostalgique en se replongeant dans les BO de l'époque où, comme son comparse Quentin Tarantino, il piochait dans sa discothèque pour designer l'environnement sonore de ses films...
Dans Desperado
01. Dire Straits - Six Blade Knife
02. Link Wray - Jack the Ripper
03. Roger & the Gypsies - Pass The Hatchet
Desperado est réputé pour son hispanisme : il se déroule au Mexique, est réalisé par Robert Rodriguez, offre ses deux rôles principaux à Antonio Banderas et Salma Hayek, et béneficie d'une BO composée par Los Lobos et sur laquelle figurent des morceaux de Tito & Tarantula. Seulement voilà, c'est bien trop facile d'évoquer le film uniquement sous cet angle, alors intéressons-nous plutôt à ses deux meilleure scènes de dialogue, respectivement interprétées par Steve Buscemi et Quentin Tarantino himself. Le premier entre dans un bar sur du Dire Straits au début du film pour nous présenter sous forme d'un récit ultra-mystifié le personnage d'Antonio Banderas au son de Link Wray, tandis que le second raconte une blague impliquant des litres de pisse avec en fond sonore Pass the Hatchet de Roger & the Gypsies. Tous ces morceaux contribuent bien évidemment à donner une atmosphère bien particulière, outrageusement stéréotypée et presque cartoonesque au film, atténuant savamment la violence de la réalisation de Rodriguez pour lui donner un côté presque ironique.
N'oublions pas, au passage, cette grandiose interprétation de la cancion del mariachi par Antonio Banderas. C'est du culte :
Les différents usages d'une guitare extrait de Desperado
Dans Une Nuit en Enfer
04. ZZ Top - She's Just killing Me
05. Stevie Ray Vaughan - Mary Had a Little Lamb
Une nuit en Enfer est un film frontalier. Quentin Tarantino est à la fois scénariste et acteur, George Clooney passe de la télévision au cinéma ; le film lui-même est à la fois un thriller et un film d'horreur et, évidemment, il met en scène le passage de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique par le Texas. Il en va de même pour la BO, qui mélange performances (à nouveau) du groupe mexicain Tito & Tarantula (que Spotify n'a malheureusement pas la joie de connaître) et morceaux d'artistes américains. Couleur locale oblige, on vous propose dans la Music Box de cette semaine deux titres texans, de ZZ Top et de Stevie Ray Vaughan. Riffs désertiques et poussiéreux ainsi que gorges trop sèches installent l'ambiance faussement détendue d'Une Nuit en Enfer, où le calme apparent cache une tension sourde qui n'éclatera pas forcément là où s'y attend le plus...
Et pour les plaisirs des oreilles (et un peu des yeux aussi), on va tout de même se déguster un petit After Dark de Tito & Tarantula...
Lap dance avant le grand massacre extrait de Une nuit en enfer
Dans Roadracers
06. Link Wray - The Shadow Knows
07. Gene Vincent - Ride With the Devil
Réalisé à la base pour la télé américaine avant d'être édité au format DVD, Roadracers est probablement le film le plus méconnu de Robert Rodriguez. Dans un style plein de graisse, de gomina et d'huile de cambouis, il y décrit une escalade de violence entre des groupes de jeunes dans les années 50. En plus des belles bagnoles, des blousons en cuir, des bananes bien laquées et des Gretsch, on peut notamment y voir Salma Hayek dans son premier rôle américain (alors qu'elle comptait encore prendre un pseudonyme, "Helen Shaver") et David Arquette. Les courses poursuites, les engueulades autour d'un hot-dog et les rendez-vous romantiques s'y font presqu'exclusivement au son de Link Wray, qui occupe la majeure partie de la BO et qu'on a déjà pu écouter plus haut, mais on y trouve aussi un petit Gene Vincent du meilleur goût, Race With the Devil. C'est notre séquence Nostalgie.
Dans ce chouette extrait, David Arquette flirte avec Salma Hayek dans une décapotable en jouant de la guitare. Ca fait rêver :
Something sweet extrait de Roadracers
Dans The Faculty
08. Garbage - Medication
09. Flick - Maybe Someday
The Faculty est un film un peu à part dans la filmographie de Robert Rodriguez, mais c'est aussi ce qui le rend si attachant. Il n'y a aucun rapport avec le Mexique (comme dans la trilogie du Mariachi), ni avec des gamins chiants (comme dans Spy Kids ou Shark Boy et Lava Girl), et on n'est clairement pas dans une esthétique outrageusement Grindhouse ou dans une volonté stylistique extrême (comme dans Machete, Planète Terreur ou Sin City) et, au final, si on est séduit, c'est par le sentiment profond d'humilité dont le réalisateur fait preuve, pour la seule et unique fois de sa carrière. L'hommage aux films d'envahisseurs old school, et particulièrement L'Invasion des profanateurs de sépulture, est très marqué, mais tout est fait avec douceur, dans une atmosphère doucement cottoneuse de teen movie à l'ancienne ; le suspense est à peine existant, et on regarde les scènes d'action de loin, mais avec un plaisir pourtant indéniable. Côté BO, le choix s'est porté, de la même manière, sur des morceaux peu tape-à-l'oeil mais doucement sucré, qui tapissent le fond sonore de The Faculty de guitares électriques légères comme des plumes et de voix doucereuses? C'est Garbage évidemment, mais aussi le moins connu Flick. Douceur et violence, ennui et révolte en sourdine, tout un programme adolescent tenu avec brio par un Robert Rodriguez faisant preuve d'une rarissime économie de moyens.
La bande-annonce de The Faculty faisait déjà la part belle aux ambiances scolaires, avec deux reprises du meilleur goût : The Wall (originellement de Pink Floyd) et School's out (d'Alice Cooper) :
Dans Desperado 2 - Il était une fois au Mexique
10. Patricia Vonne - Traeme Paz
Finalement, à quoi bon résister ? Une chanson en espagnol, chantée par une belle voix de femme accompagnée d'une guitare classique suave au possible, ça se refuse difficilement? Et c'est précisément ce que nous offre Rodriguez sur la BO de Desperado 2, après avoir par ailleurs fait chanter la ravissante Salma Hayek dans la précédent volume de la trilogie. Assez ironiquement, le morceau de Patricia Vonne s'intitule Traeme Paz, "apporte-moi la paix", alors même que les intrigues croisées des personnages principaux de Desperado 2 tendent à faire du Mexique le théâtre d'une guerre civile sanglante? Traeme Paz contient en fait à lui seul tout Desperado 2 : son hispanisme, son romantisme et sa sensualité, son caractère lancinant et sa lente montée en puissante ; à croire que Patricia Vonne connaît Rodriguez au point de savoir exactement ce qu'il veut signifier par son cinéma. En fait, c'est même fort probable, étant donnée qu'elle est sa soeur.
Et pour finir en beauté, voici un petit bonus : le classique Maguena Salerosa joué par Chingon, le groupe de Robert Rodriguez, dans lequel il joue de la guitare électrique :
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Image : ©Wikimedia Commons
Ca fait "un peu" tâche.