“Once Upon a Time… in Hollywood” : la fin de Quentin Tarantino en cinq chapitres
On sait bien que c’est l’été : vous êtes perdu dans le Luberon, assommé par la chaleur et le rosé de la vieille. On préfère vous prévenir quand même : rater Once Upon a Time... in Hollywood, qui sort en salles aujourd'hui, serait une grossière erreur, que vous aimiez Tarantino ou pas. C’est son Boulevard du Crépuscule à lui, ses Fraises sauvages, son Conte d'été, où pour une fois il semble dire : Bonjour Tristesse. Si vous êtes perdu au milieu de nulle part et que vous ne voulez pas attendre une rétrospective en 2035, prenez donc un taxi et foncez voir ce chef-d’oeuvre qui, on en fait la prophétie, sera le plus beau et surtout... son dernier. Le vrai. Voici cinq raisons qui expliquent pourquoi :
Attention : quelques menus spoilers
Chapitre 1 : Le plus grand rôle de Brad
Oui, Brad Pitt peut être un gitan encore plus frappé que les Lopez ; il sait jouer les mauvais acteurs et les douchebag mieux que Mark Wahlberg, il a redonné à la savonnette son lustre d’antan et on n’a pas fait vampire plus kawaï, mais le voir jouer à l’ombre d’un autre (et quel autre !) est ce que vous verrez de plus majestueux cette année. Avec ses airs de prince en jean et botte de cuir, cowboy à moitié Tancrède, effrontément insensible au temps, moitié prince Salina, épais, chaud, souverain, le cinquantenaire bouleverse de son aura solaire, sans jamais cabotiner. Le temps d’un plan de lui sur les toits d’Hollywood et c’est tout le cinéma qui s'évanouit. Captain America est peut-être l’America’s Ass, mais Brad Pitt c’est l’Amérique à lui tout seul.
Chapitre 2 : Bruce Lee prend cher
Et c’est très drôle. Vous en avez sans doute eu les échos dans la presse : Tarantino a eu l’insigne irrévérence de jouer un mauvais tour à l’étoile de la boxe chinoise, qu’il dépeint en connard arrogant avant de l’envoyer valser dans la tôle d’une décapotable. Déboulonnez quelques idoles et la foule pousse des cris d’orfraies. C’est pourtant plus malicieux que méchant. C’est surtout l’occasion d’offrir, un peu partout, un écrin aux vieilles gloires du petit écran, aux sans-grade, aux doublures, à la ville ou sur les plateaux... Car tout le monde est logé à même enseigne. C’est aussi un peu le prix du film : marier tout ce petit monde, sans distinction. Car au fond, c’est un peu ça, la grande famille du cinéma. Tarantino ne cherche d’ailleurs pas à faire l’Histoire. Et balaie assez vite le ridicule de la polémique : “Cliff est un personnage fictif. C’est comme si vous me demandiez qui gagnerait le combat entre Bruce Lee et Dracula.” Ben oui, vous n’êtes plus des enfants. C’est le vrai monde dehors et le vrai monde, il va chez le coiffeur.
Chapitre 3 : Tarantino fait le silence en lui et c'est le monde qui ressurgit
Pour la première fois QT se tait, interdit devant le monde, son enfance et Hollywood: lui qui a toujours été le démiurge bavard et irascible de son propre cinéma, on le retrouve à s’émouvoir d’un acteur qui craque (DiCaprio, parfait), d’une autre qui s’illumine en voyant son nom au coin d’une affiche (Margot Robbie, poignante et lumineuse). Il mêle aux portraits naïfs, presque purs, une élégie des grandes figures classiques, d’un même geste précautionneux, d’un seul regard attentif, celui qu’il avait sans doute quelques décennies plus tôt, lorsqu’il était lui-même enfant.
Chapitre 4 : La synthèse d'une oeuvre
Dans cette scène, on brûle des “bâtards” de Nazis ; dans une autre, apparaît, furtive, l’affiche du dernier Margheriti (cinéaste bien réel) ; à l’occasion d’une blague, on pratique le kung-fu ; ailleurs, on monte en selle. Mais le plus souvent, tout se fait en bagnole : entre Sunset Boulevard et Boulevard de la mort (2007), il n’y a que quelques teintes d’écart... Et puis au bout de la ruelle, derrière les façades, un mexican standoff, façon Reservoir Dogs (1992). Drôle, quand même : manière de boucler la boucle sans trop se prendre au sérieux. Il n’y a là rien de tapageur, l’ensemble se fond doucement à la manière d’épiphanies, au gré d’allées et venues incessantes, prétexte à retrouver, encore et toujours, ce qui ancra la cinéphilie de Tarantino dans sa vie propre : Los Angeles. Les destinées - trois, comme dans Pulp Fiction (1993) - s’y emmêlent sans le clinquant d’une narration non linéaire : c’est un regard en arrière, sage, doux-amer, fleur bleue, voilà pourquoi c'est...
Chapitre 5 : Son dernier film
Son plus gros coup : il a essayé de vous faire croire que Kill Bill 1 & 2 sont un seul et même film, mais nous, on sait bien que c’est faux. Il crie à qui veut l’entendre que Once Upon a Time... n’est qu’un climax avant l’épilogue. C’est sa dernière facétie : le vrai dernier film c’est toujours l’avant-dernier, celui qu’on fait avec le coeur avant de faire moins bien, pour s’occuper. Là, on aura peut-être un Star Trek YOLO ou un Kill Bill de trop, mais ça n'a pas d'importance. Qu’on se rappelle Chaplin ou Hitchcock : qui cite encore Complot de famille (1976) ou La Comtesse de Hong Kong (1967) ? Et donc le dixième film, c’est bien celui-ci. Il ne dit d’ailleurs rien d’autre qu’un temps révolu vers lequel on se retourne, car tout est fini. Dans un dernier plan, il abandonne l’Histoire, la vraie, au hors-champ ; une histoire qui ne lui appartient plus et qui préfigure les bouleversement sociétaux, cinématographique à venir. Mais ça ne le regarde plus. Ca aura été une bien belle balade, de celles qu’on fait dans les prairies juste avant la nuit. Hâtez-vous avant qu’elle ne tombe pour la dernière fois.
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jared33327 août 2019 Voir la discussion...
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zephsk27 août 2019 Voir la discussion...
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jared33327 août 2019 Voir la discussion...
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zephsk27 août 2019 Voir la discussion...
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LaKinopitheque28 août 2019 Voir la discussion...
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zephsk28 août 2019 Voir la discussion...
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zephsk29 août 2019 Voir la discussion...
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veroniquevergnau29 août 2019 Voir la discussion...
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zephsk29 août 2019 Voir la discussion...
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veroniquevergnau29 août 2019 Voir la discussion...