Tu es infâme ! Non, je suis une femme

Génération Bridesmaids : place aux femmes ?

Dossier | Par Julie Michard | Le 7 août 2012 à 11h27

"JF, 25 ans, blonde, taille mannequin, recherche grand amour, et plus si affinités"

Si l'héroïne type des comédies américaines devait passer une annonce, voilà ce qu'elle écrirait. Traditionnellement, la femme au cinéma, dotée de formes plantureuses, n'a que deux choses en tête : trouver le grand amour et avoir des enfants. Mais ça, c'était avant. L'année dernière, l'ouragan Bridesmaids est arrivé, a bousculé quelques conventions et Kristen Wiig s'est imposée comme la figure de proue d'une nouvelle génération qui n'hésite pas à se faire plus beauf que l'homme et pour qui le mariage n'est plus le seul horizon d'épanouissement personnel. A l'occasion de la sortie groupée de Friends with kids et de Cinq ans de réflexion qui bouleversent à leur tour le schéma mariage-bébé, retour sur ces films qui ont donné le pouvoir aux femmes.

Bridesmaids

La polémique avait fait rage lors du dernier festival de Cannes : aucune femme cinéaste ne figurait dans la sélection officielle. Il n'en n'aura pas fallu plus pour que La Barbe et autres féministes enragées ressortent leurs slogans de leurs tiroirs. Récemment, Thierry Frémaux devait encore répondre aux accusations au micro de France Culture. Si les femmes restent encore trop peu nombreuses à passer derrière la caméra, en revanche leur représentation à l'écran comme sur papier glacé a (un peu) évolué.

Un vent de nouveauté, une brise légère mais tenace, souffle dans l'air du temps ces dernières années. Certains magazines féminins aujourd'hui rechignent par exemple à alimenter le fantasme de la femme anorexique. Vogue lançait l'année dernière sur son site une rubrique dédiée aux femmes rondes, tandis que cette année, le magazine ado américain Seventeen a annoncé son intention d'arrêter de retoucher les photos de mannequin. Au même moment, Lena Dunham, actrice, scénariste, réalisatrice de la série Girls, produite par Judd Apatow, n'hésitait pas à afficher ses quelques rondeurs dans des scènes de sexe crues et burlesques.

Autant de petits signes, anecdotiques en apparence, mais qu'on peut prendre pour indicateurs d'une évolution des mentalités. Et le cinéma n'a aucune raison de ne pas être aussi le miroir de cette transformation. Bridesmaids, réalisé par Paul Feig et produit par Judd Apatow (encore lui...), pourrait figurer le climax de cette mini-révolution.


La lycéenne et l'athlète., extrait de Valentine's Day

Le mariage, encore à la mode ?

Alors certes, il y a eu auparavant le phénomène Bridget Jones et ses kilos en trop. On reconnaissait alors aux femmes le droit de dépasser le tour de taille de Kate Moss. Mais même si le personnage de Bridget Jones propose un modèle alternatif et décomplexé aux gravures de mode qui pullulent dans les magazines, elle n'en reste pas moins une véritable caricature sur patte : celle de la femme célibataire et désespérée, qui cherche à tout prix à se caser, angoissée par son horloge biologique. Plus récemment, la pauvre Katherine Heigl, dans 27 robes, vivait elle aussi très mal son statut de demoiselle d'honneur célibataire. La femme serait donc vouée à attendre passivement LA demande en mariage ? Le mariage serait donc encore aujourd'hui la seule et unique clé du bonheur, la solution à tous les problèmes ? Rappelons qu'il est aussi le seul moyen pour la femme d'évoluer socialement, comme l'ont prouvé Pretty Woman et Coup de foudre à Manhattan. Que deviendrait donc la femme sans un homme à ses côtés ?

Le cas Cameron Diaz : potiche malgré elle ?

Cameron Diaz est l'exemple parfait de l'actrice de comédie d'aujourd'hui. Quand elle ne tourne pas des navets à l'eau de rose comme The Holiday ou Jackpot, l'actrice en est réduite à faire la potiche dans les films d'actions, comme dans le très mauvais Night & Day. Elle a aussi officié dans le décadent Bad Teacher, qui résume bien la représentation de la femme dans les comédies. L'actrice y joue une enseignante, sans aucune ambition professionnelle, qui ne cherche que deux choses : se refaire les seins et trouver un homme riche (l'un entraînant l'autre). Elle joue également sur la caricature de la femme-objet, comme dans cette scène où elle organise un lavage de voitures. C'est l'occasion rêvée pour la belle de se trémousser en tenue légère, mouillée et couverte de mousse.

Chose assez surprenante quand on sait que Cameron Diaz a joué dans Mary à tout prix, un genre de comédie pré-Bridesmaids de la fin des années 90. Même si l'actrice y incarne une jolie blonde qui fait fantasmer plus d'un homme, son personnage de Mary jouait avec les clichés féminins des comédies. Il était rare, voir quasiment impossible de voir une femme utiliser du sperme en guise de gel coiffant. Pourtant, il faut croire que le monde du cinéma n'était pas encore prêt à envoyer valser ses vieilles caricatures. Les comédies mielleuses se suivront et se ressembleront. Il faudra attendre un beau jour du mois de mai 2011 pour enfin voir le bout du tunnel.


Cameron Diaz toute mouillée, extrait de Bad Teacher

Bridesmaids : la femme au foyer au placard

C'est ainsi donc que Bridesmaids est arrivé, balayant ces vilains clichés et ouvrant d'autres horizons. Le film déploie crânement son ambition de montrer les femmes sous un autre jour. Avec Kristen Wiig et ses comparses, les hommes n'ont plus le monopole des discussions trash et de l'humour scato-régressif. Alcool, rot, vomi, diarrhée... Les fluides corporels y sont libérés en un réjouissant feu d'artifices. La petite bande n'a pas eu froid aux yeux. Pas sûr que Bradley Cooper en aurait fait autant dans Very Bad Trip... Bridesmaids dresse le portrait-robot d'une femme comme on a peu l'habitude d'en voir au cinéma et à la télévision. Une femme, moins midinette, au caractère bien trempé et donc, plus moderne ?

Au moins, les préoccupations du personnage d'Annie ne tournent pas qu'autour de l'amour. Son entreprise a coulé, elle est coincée dans un travail qu'elle déteste et est contrainte de retourner vivre chez sa mère. Il est désormais loin le temps des déboires amoureux de Sex and The City. Car même si la série avait amorcé le mouvement en chroniquant le mode de vie de femmes indépendantes avec une vie professionnelle et libérés sexuellement, les conversations au bar tournaient autour d'un seul et même sujet : les hommes. Carrie Bradshaw n'avait-elle pas déménagé sur New-York pour trouver le grand amour ?

Girls, Young Adult, Cinq ans de réflexion... Les rejetons de la Génération Bridesmaids

Aujourd'hui, il fallait donc rafraîchir le genre, et une autre série s'est chargée de représenter la nouvelle génération. Les séries pour filles ne manquent pourtant pas : 90210, Gossip Girl, Greek, Glee... Toutes aussi superficielles et lobotomisantes les unes que les autres. Mais c'était sans compter sur Judd Apatow, Lena Dunham et leur sitcom HBO : Girls, donc. Lena Dunham y incarne Hannah, la vingtaine, sans emploi et à l'avenir professionnel incertain, qui affiche ses rondeurs sans gêne. Une scène d'anthologie la montre nue, à quatre pattes, s'assurant que son sex friend a bien mis un préservatif et n'aille pas dans la 'mauvaise direction'. Exit le raffinement et la minauderie, place au sexe cru et prosaïque.

Côté cinéma, la scénariste et féministe Diablo Cody avait déjà amorcé la tendance avec son personnage atypique de Juno. Elle en remettra une couche en écrivant Young Adult. Même si le film n'épargne pas certains clichés, il met en scène un personnage loin des modèles standards des comédies US. Cette fois, le personnage de Mavis aura beau user de tous ses charmes (et ce n'est pas ce qui manque à Charlize Theron), elle n'aura pas droit à son happy end. La femme au cinéma n'obtient plus tout ce qu'elle désire ou est censée désirer (l'homme, le mariage, les enfants)... Et elle s'en accommode.

Récemment, Friends with Kids, dépoussiérait à son tour les clichés féminins. Deux amis, exaspérés de devoir attendre la bonne personne pour avoir un enfant, décident d'en avoir un ensemble. De même, Cinq ans de réflexion, produit par Judd Appatow (toujours lui) renverse les histoires d'amour auxquelles les comédies romantiques nous avaient trop habitué. Fini le temps où la femme suivait son mari, lui sacrifiant sa carrière. Tom, joué par Jason Segel, passe du statut de grand chef à San Francisco à celui de préparateur de sandwiches dans le Michigan. Les rôles sont inversés ; l'homme sacrifie sa carrière pour celle de sa femme, déprime et se met au tricot pendant que madame sort avec ses collègues. Certes, ces deux films n'échappent pas au consensus final. Peut-être qu'un jour viendra où les comédies romantiques abandonneront leur éternel happy end.

Allison Williams, Jemima Kirke, Lena Dunham et Zosia Mamet dans Girls

Des femmes vraiment libérées ?

Pourtant, même si Bridesmaids est le fer de lance d'une nouvelle génération de femmes au cinéma, le tableau est encore un peu trop rose bonbon. Même après avoir vu Bridesmaids, on a toujours cette désagréable impression d'avoir passé trop de temps dans un magazine féminin. Le mariage, l'essayage de la robe de mariée, l'enterrement de vie de jeune fille, les cupcakes à gogo... La révolution est en marche certes, mais les clichés ont la peau dure. La preuve en est avec la nouvelle comédie Bachelorette, qui se veut être le prochain Bridesmaids ou la version féminine de Very Bad Trip. Force est de constater que le résultat est encore trop gentillet. Une robe de mariage qui se déchire à quelques jours de la cérémonie... Pas de quoi transgresser les derniers tabous.

Toujours est-il que cette évolution notable de la représentation de la femme témoigne de l'exigence de renouvellement qui persiste même à Hollywood, cette grande usine à recyclage. La société change, le cinéma s'adapte. Peut-être qu'un beau jour, cette nouvelle image de la femme qui rote et assume crânement son célibat deviendra elle aussi, à son tour, une méprisable caricature. Et cette conversation sans fin sur la représentation de la femme à l'écran pourra repartir de plus belle...

Image © Universal et HBO

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22 commentaires
  • juliemichard
    commentaire modéré @FilmsdeLover je ne fais qu'exprimer mon désaccord, libre à toi de le prendre bien, ou pas. Tu peux venir critiquer mes articles autant que tu veux, fais toi plaisir, je t'attends gentiment. Et c'est quand même normal que j'ai envie de défendre mes idées, surtout sur mon article. Plus spécialement quand j'entends de telles inepties (c'est mon opinion).

    Sinon, je n'ai jamais dit croire en leur couple hein, m'enfin la règle veut "qu'ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants", happy end quoi. Ce n'est peut-être une règle obligatoire aujourd'hui, il n'en reste qu'à l'époque de Pretty Woman, c'était un genre de Disney en plus trash.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Cladthom
    commentaire modéré "Clairement. Déjà je suis même pas sûr qu'il ait vu les films dont parle l'article."

    Je pense qu'il a même pas vu Bridesmaids non plus. Parce que si il retient que le caca/vomi, il a juste dû voir que quelques extraits sur youtube...
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Cladthom
    commentaire modéré Bridesmaids c'est comme Supergrave, des films de potos, mais derrière c'est surtout l'aspect romantique qui prime (amical comme amoureuse) qui font que les films sont beaux et intéressants, et c'est bien plus romantique que toutes les super vraies comédies romantiques débiles qu'aiment @FilmsDeLover en général. C'est peut-être ça qui le chagrine.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • FilmsdeLover
    commentaire modéré @JoChapeau @Cladthom Encore une fois, je ne nie pas vos conceptions du romantisme. La mienne est celle de Nora Ephron, de Cameron Crowe et des comédies romantiques des années 50-60-70. Donc effectivement, les productions Apatow ne rentrent pas dans cette conception. Je ne m'en suis jamais caché et j'en ai encore moins honte.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Cladthom
    commentaire modéré Ah mais Cameron Crowe j'aime beaucoup aussi, et je vois pas en quoi ce serait si incompatible avec certains films Apatow. Je crois que t'as du mal avec l'humour parfois un en dessous de la ceinture, t'es un mec trop sage qui aime pas trop l'alcool, le caca alors que c'est ce qu'il y a dans le fond de plus romantique au monde.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Cladthom
    commentaire modéré Enfin quand je dis que j'aime beaucoup Cameron Crowe c'est surtout "Presque célèbre" évidemment, le reste bien moins.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • FilmsdeLover
    commentaire modéré @Cladthom "Je crois que t'as du mal avec l'humour parfois un en dessous de la ceinture, t'es un mec trop sage qui aime pas trop l'alcool, le caca". C'est complètement ça.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Brazilover
    commentaire modéré @FilmsdeLover Pourtant, quand tu as vu quasiment toutes ses réalisations et productions, Apatow est un gros tendre dérrière l'humour pipi-caca-trash. Comme le dit Cladthom, ce n'est pas que l'humour qui fait de Bridesmaids, Knocked Up ou Superbad, des films aussi excellents, c'est l'intelligence du discours sur l'amitié et l'amour. Judd Apatow, il est comme le protagoniste de Funny People, il est cynique, misanthrope à l'extérieur mais amoureux transi à l'intérieur.

    @Cladthom Tu as vu tous les films de Cameron Crowe, parce que dans mon souvenir Jerry Maguire c'était excellent aussi.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Cladthom
    commentaire modéré Oui Jerry Maguire c'est cool dans mon souvenir, mais pour moi ça arrive pas à le cheville de son grand film : Presque célèbre.
    Le reste c'est assez fade à côté.
    7 août 2012 Voir la discussion...
  • Brazilover
    commentaire modéré Je ne serai jamais objectif sur Presque Célèbre, selon moi, c'est un des plus grands films de tous les temps.
    7 août 2012 Voir la discussion...
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