Sofia Coppola : « le bling bling, ce n'est pas trop mon truc... »
La rumeur est vraie, Sofia Coppola est extrêmement timide en interview. Entre réponses lapidaires et silences gênés, Sofia n'est pas le genre de star américaine surentrainée capable de se laisser aller à une logorrhée de 20 minutes sur son film.
Habituée mais pas particulièrement blasée, Sofia Coppola nous raconte qu'elle présente là son troisième film à Cannes et se souvient être venue une première fois il y a longtemps « avec mon père, quand j'étais enfant, donc je suis contente d'être de retour. Je pense que ma carrière a commencé à Cannes, je suis toujours heureuse d'y venir. ». Pas certaine d'avoir le temps de voir des films elle se dit très impatiente de voir celui de Jim Jarmusch. Manque de bol, Only Lovers Left Alive ayant été présenté à la fin du festival, elle ne le verra pas...
La cinéaste étant particulièrement laconique, le fait de la rencontrer « à plusieurs » en mai dernier sur le toit du Palais des festivals a plutôt été un atout. L'occasion de lui poser en un quart d'heure pas loin d'une cinquantaine de questions pour en savoir plus sur The Bling Ring et obtenir le résultat retranscrit ci-dessous : un entretien un peu fuyant et décousu mais finalement assez riche.
Comment est venue à l'idée de faire The Bling Ring ?
Quand j'ai lu l'article dans Vanity Fair, je me suis souvenue avoir entendu parler de l'histoire à l'époque, mais je n'y ai vraiment prêté attention qu'en lisant l'article. Je trouvais que l'histoire était folle et intéressante, et plus je me documentais sur cette histoire, plus je trouvais que cela pouvait faire un bon film.
Plusieurs séquences ont vraiment été tournées dans la maison de Paris Hilton. Quelle était votre relation avec elle ?
C'est la seule vraie maison du film. Moi et une amie, on la connaissait, donc on lui a demandé si elle voulait bien nous aider. Et elle a été très enthousiaste. Elle nous a laissé entrer dans sa maison et fait un caméo. Je lui en suis très reconnaissante car le film paraît authentique. Ça ajoute quelque chose d'intéressant au film.
Sa maison est extraordinaire !
Oui, ça aurait été dur de recréer ça.
Rien n'a été ajouté, c'est vraiment comme ça ?
Oui, c'était assez impressionnant à voir... C'était sa maison. Elle nous a montré les vidéos de surveillance des cambrioleurs. C'était excitant d'être vraiment là où l'histoire qui a inspiré le film s'est déroulée.
Vous êtes connue pour aimer la mode et il en est beaucoup question dans The Bling Ring. Vous vous reconnaissez dans ce rapport à la mode ?
Non, ce n'est pas un aspect de la mode auquel je me sens liée. J'adore la mode, mais là c'est très différent, le style bling bling, ce n'est pas trop mon truc. Mais c'est quelque chose que je peux comprendre. Ça ne m'attire pas, mais je peux comprendre qu'on puisse être attiré. J'ai essayé de donner à tous ces objets des airs de bonbons.
C'est votre premier film en numérique. Est ce que vous trouvez que ça change la façon de filmer, et quelle est votre pensée sur le numérique?
J'étais impressionnée par la façon dont Harris Savides (ndlr : directeur photo) a rendu le film. Et c'était le bon médium pour filmer car le film tourne autour de l'instant et de l'information. C'était très particulier de suivre le film en train de se faire sur un grand moniteur, je n'avais pas été habituée à ça sur mes autres films. Du coup, ça a tendance à rendre un peu passif, comme si vous regardiez la télé, donc je devais vraiment me forcer à être présente et active sur le plateau, à m'engager avec les acteurs.
Ce film est différent de vos précédents. Vous partez habituellement d'un point de vue très intime pour ensuite élargir vers quelque chose de plus universel. Mais avec The Bling Ring, c'est le contraire : on part d'une vision du monde, d'une generation, puis le film devient de plus en plus intime et finit sur les personnages. Est ce que c'était quelque chose de spécifique au thème du film ou est ce que c'est une direction que prend votre cinéma ?
Non, je pense que dans ce cas c'était vraiment le plus approprié pour le sujet. Je ne pensais pas vraiment à ça, mais je voulais avoir le point de vue des personnages pour montrer en quoi ce qu'ils font est séduisant...
A votre avis, est ce que le film a un personnage principal ?
C'est vraiment un groupe, mais si je devais en choisir un, celui que j'apprécie le plus est Marc, le personnage d'Israel [Broussard], parce que je trouve que c'est le personnage le plus sympathique, et j'en avais besoin d'un vraiment sympathique pour que le spectateur puisse se sentir lié à l'histoire. Mais c'est un groupe. Le personnage d'Emma [Watson] et de Katie [Chang], Rebecca, sont les leaders du Ring. C'est un groupe, mais si je dois en choisir un, ça serait le garçon, Marc.
Pourquoi avez-vous choisi Emma Watson ?
C'était la meilleure. Elle avait une idée assez juste du rôle, et en même temps elle est différente de son personnage. Elle est intelligente, et on ne s'attend pas à la voir en bad girl.
Le fait d'avoir casté Emma Watson peut faire penser à Spring Breakers d'Harmony Korine, parce qu'il a aussi casté des jeunes filles célèbres chez les ados dans des rôles de bad girls...
Je n'ai pas vu le film. Mais son approche fait plus penser à celle d'un film d'exploitation, alors que dans mon cas, je cherchais simplement à voir Emma dans son personnage sans me dire «Oh ! Voilà Emma Watson en bikini !».
Les réseaux sociaux sont au coeur du film, puisqu'ils partagent leurs aventures avec le groupe. Quel est votre relation avec les réseaux sociaux ?
Je n'ai pas vraiment de relation avec les réseaux sociaux. Je ne m'en sers pas. Je devais demander aux jeunes parce que je ne suis pas sur Facebook. C'est une partie de l'histoire que je voulais comprendre. En fait, ça m'est assez étranger, je suis complètement en dehors de tout ça.
Quel est votre opinion sur le fait que des stars soient proches de leurs fans ?
Il n'y a en effet plus beaucoup de vie privée, et si ces jeunes allaient dans les maisons de ces gens c'est aussi parce qu'ils connaissaient tellement de choses sur eux, qu'ils avaient l'impression de les connaître. Certains tweetent ce qu'ils mangent au petit déjeuner, donc il n'y a plus de limite comme avant. C'est assez troublant pour ces jeunes.
Est ce que votre film est un mise en garde sur la société ?
Non, je n'essaye pas de mettre en garde, j'essaye juste de montrer une histoire, c'est ensuite au public de décider ce qu'il doit en penser.
Vous avez utilisé différents régimes d'image dans le film (caméra de sécurité, vidéos du web, émissions de TV...). C'est assez nouveau dans votre cinématographie. Est-ce qu'il y avait une raison particulière à cela ?
Je trouvais que ça servait bien l'histoire. Quand je faisais des recherches, j'ai regardé les vidéos de surveillance et les vidéos que les jeunes postaient sur Facebook. Et tous ces éléments sont vraiment utiles pour raconter cette histoire.
Dans le film, les cambrioleurs se mettent en danger à cause d'Internet. Ils trouvent les adresses des stars facilement sur Google. Leur «folie» vient de là, de la facilité à accéder à l'information ?
C'est aussi en partie à cause de la télé-réalité. Quand j'avais leur âge, on n'avait pas tout ça, donc ça doit les affecter. Mais bien évidemment, il y a cette notion de surcharge d'informations. Je suis curieuse de voir ce qui va se passer... si ça va exploser un jour. Je ne sais pas.
Avez-vous rencontré les cambrioleurs ?
J'ai rencontré deux d'entre eux. C'était intéressant de les rencontrer. J'ai pu avoir des détails. Un garçon m'a expliqué qu'une des filles voulait vraiment voler le chien de Paris Hilton. Et les détails qu'ils m'ont donné étaient intéressants.
Le film est une fiction, mais une fiction basée sur des faits réels. Quelle partie du film relève vraiment de la fiction ?
Une grande partie du film est tirée de faits réels, et pas mal de dialogues sont des choses que les personnages ont vraiment dit. J'en ai fait un film, donc j'ai pris des libertés... mais beaucoup vient de la réalité.
Leslie Mann est un personnage intéressant dans le film. Elle apporte au film un côté comique intéressant. Est-ce que vous pensez faire un jour une vraie comédie ?
Une vraie comédie ? Ce serait sympa à faire, oui... mais ce n'est pas dans mes plans. J'aime beaucoup les comédies et les acteurs comiques, donc ça serait amusant de travailler avec eux.
Pourquoi avoir pensé à elle ?
Elle a beaucoup de talent. J'ai adoré son personnage dans En cloque, mode d'emploi. Donc je savais qu'elle pouvait jouer le personnage et apporter quelque chose de sincère. Mais je ne voulais pas que ça ait trop l'air d'une blague, même s'il y avait beaucoup d'humour. J'ai regardé la télé-réalité avec la vraie famille, c'est comme ça que j'ai eu l'idée. Je trouvais que la mère était un modèle exemplaire, et mignonne, donc il y avait de l'humour à en tirer, d'une manière sincère.
Dans votre filmographie, il y a scission entre votre troisième film et celui-ci, parce que tout est en mouvement, c'est très punchy, peut-être à cause de la bande son. Est ce que vous comptez aller dans cette direction pour votre prochain film ? Ou retourner vers un genre qui ressemble plus à votre style ?
Pour moi, c'était un film différent notamment parce qu'on a affaire à des criminels, donc j'ai essayé de le faire dans mon propre style. Mais mes précédents films étaient lents et minimalistes donc j'avais envie de faire quelque chose de plus rapide, avec beaucoup plus d'énergie. J'ai l'impression qu'à chaque fois que je réalise un film, c'est en réaction au film précédent. Mais je sais pas encore comment sera le prochain.
Je pense que c'est bien de changer après avoir passé quelques années à faire le même style. Je suis toujours dans l'envie de changer. Je me fatigue.
Quand on compare le film à l'article qui l'a inspiré, on remarque que vous avez mixé certains personnages. Pourquoi ?
Quand vous avez plusieurs personnages, vous devez combiner certains d'entre eux pour en faire vos propres personnages. Le personnage de Chloe, la fille blonde, était inspiré d'une seule personne, mais elle est en même temps une combinaison d'autres.
Si vous étiez cambriolés par ces adolescents et que vous pouviez leur parler, que leur diriez-vous?
En fait on m'a déjà cambriolé !
Vraiment ? Aux Etats-Unis ou en France ?
A Paris. Mais je n'ai pas rencontré mes cambrioleurs. Mais je ne sais pas ce que je leur dirais, je vais devoir y réfléchir.
Vous n'avez pas peur que votre film suscite des vocations ?
Je pense que la fin est plutôt dissuasive. Au début, ces jeunes gens s'amusent beaucoup et avec une certaine arrogance. Mais c'est voulu, le spectateur aussi doit sentir ce plaisir là. Mais à la fin on s'aperçoit que ce qu'ils font n'est pas une si bonne idée.
D'une certaine manière, le film est à l'image de Lindsay Lohan. Le côté dramatique du film se rapproche beaucoup de sa vie personnelle. Est ce que vous avez lu des articles sur elle, est ce que vous la connaissez ?
Je ne la connais pas. Mais on a tous cette image d'elle allant au tribunal en robe blanche. Et je me rappelle avoir vu des photos d'elle en travaillant sur le film, et cela semblait se lier assez bien à l'histoire du film. Mais je ne la connais pas vraiment.
Est ce qu'il y a d'autres personnalités d'Hollywood que vous aviez en tête en faisant ce film ? Paris Hilton apparemment...
Non, je pensais plus aux jeunes et la relation qu'ils avaient avec ces personnes qu'ils admiraient. Mais bien sûr, il y a ce parallèle avec Lindsay Lohan qui a été arrêtée en même temps qu'eux.
Comment avez-vous préparé les acteurs à leurs personnages ?
Le plus important était qu'ils se sentent comme dans un groupe d'amis, donc ils ont passé du temps ensemble avant de commencer le tournage, et je les ai fait venir à des répétitions. Israel devait porter des chaussures de filles, ce genre de choses. Mais c'était plutôt pour qu'ils passent du temps ensemble et essayer de les amener au même état d'esprit que leurs personnages. Parce qu'ils sont bien évidemment différents d'eux. Je leur ai aussi montré des films qui montrent le cambriolage comme quelque chose de glamour.
Il y a un phénomène qui touche cette génération, on appelle ça le YOLO...
Quoi ? YOLO ? Comme You Only Live Once (NDLR : On ne vit qu'une fois) ?
C'est une sorte de Carpe Diem 2.0...
Oui oui oui ! Je vois très bien. Je pensais que c'était seulement un truc de LA.
Ça c'est répandu via Internet. Pensez-vous qu'il y ait quelque chose de spécifique à propos cette génération dans son rapport à la vie et à la réalité ?
Je pense qu'Internet a un impact, c'est certain. Mais je ne sais pas trop...
Peut-être que ce n'est pas seulement Internet, mais aussi une façon de vivre sa jeunesse, le film le montre assez bien.
Oui, il y a clairement un certain courage... une confiance en soi un peu désespérée qui semble liée à cette génération.
Est-ce que vous avez une idée pour votre prochain projet ?
Non, je viens juste de finir celui-ci, donc je vais faire une pause.
Photo : © David Honnorat
Je pense que ses films vieilliront très mal. Comme tous les films bâtis sur du vent. Ou beaucoup, en tous cas...
Sinon, pour sa liaison avec Quentin Tarantino, je me suis très sérieusement demandé ce qu'ils pouvaient avoir à se dire (je ne suis pas - plus - un fan inconditionnel de Q.T. mais quand même... ou elle cache bien son jeu ou il a dû se demander ce qu'il foutait là deux / trois fois).
Possible aussi que je la sous-estime. Mais AHMA son cinéma ne plaide pas en sa faveur.