De vrais reporters de guerre

Venise 2011 : Panique sur la Mostra !

Festival / Récompenses | Par Chris Beney, Hendy Bicaise | Le 8 septembre 2011 à 16h50

La rencontre avec notre imposant colocataire russe s'est finalement bien passée. Les premiers jours de festival s'écoulent paisiblement et nous pensons être à l'abri de toute mauvaise surprise. Que nous sommes naïfs? C'est « la journée de tous les dangers » qui nous attend !

La projection du film-surprise de la compétition est programmée à 9 heures. Puisqu'elle se tient dans la plus petite salle de Venise, il convient d'arriver une heure en avance. Et ce matin, en l'occurrence, pas besoin de réveil : une armada de moustiques nous chasse de la chambre. Nous quittons l'appartement en piteux état.


La piqure ! extrait de BanzaÏ

Le film-surprise s'avère être un secret de polichinelle, la nouvelle ayant déjà fait le tour du Lido : il s'agit de People Mountain, People Sea de Cai Shangjun. Le long-métrage chinois, choisi par le sélectionneur sinophile Marco Müller, profite ainsi d'une sélection discrète visant à ne pas mettre la puce à l'oreille des censeurs du gouvernement local. Dans la file d'attente, au bout d'une heure, l'un des membres de la délégation du film s'avance vers les festivaliers impatients pour une déclaration capitale. Sur un ton solennel, il nous annonce que People Mountain, People Sea ne peut être diffusé en raison d'un souci technique. Se sentant l'âme d'enquêteurs, nous décidons de pousser l'investigation. Nous connaissons cet homme, nous l'avions déjà rencontré lors de la projection cannoise de Drive. Et comme tous les moyens sont bons pour mentionner ce chef d'oeuvre, nous tenions à vous le préciser.

Dans un couloir dérobé, nous cuisinons l'informateur. A l'abri de tous regard, il nous indique entre deux crachats de chique sur le sol du Palais que le film ne peut être visionné pour cause de sous-titres endommagés. Il précise que le souci est arrivé en Chine, avant de s'échiner à nous répéter qu'il ne s'agit que d'un problème technique. Un banal accident ? Nous ne sommes pas dupes. Marie-Jo avait raison : c'est forcément un coup des « chinois du FBI ».

Dans l'après-midi, nous recevons la confirmation que le film sera finalement diffusé à 19h30. Peu après, les comptes Twitter de plusieurs médias français d'envergure annoncent que le film-surprise de la Mostra n'est pas du tout celui que l'on croyait : ils avancent le titre Captured, un film de Brillante Mendoza avec Isabelle Huppert. Comment la Mostra aurait-elle pu dénicher ce film-joker de luxe en si peu de temps ? Et si ce n'était pas le cas, comment ces journalistes auraient-ils pu commettre une telle bévue ? Nous comprenons bien vite que c'est une machination tentaculaire qui nous étreint. Les chinois sont vraiment trop forts : ils sont partout et même à Paris, comme chez Jean Yanne, prêts à infiltrer tous les réseaux d'information. Ils ne reculent décidément devant rien pour nous empêcher de voir le film de Cai Shangjun. Refusant de croire à cette vile propagande, nous nous rendons à la seconde projection de PMPS, sans nous douter une seule seconde que nous nous jetons en fait dans la gueule du loup...

Marco Müller accueille le réalisateur Cai Shangjun sous les applaudissements de la salle. Sa posture et sa carrure, dignes de celles d'OddJob dans Goldfinger, rajoutent encore à notre angoisse. People Mountain, People Sea débute enfin. Au bout de 45 minutes de film, le protagoniste commet un viol. Nous assistons alors à une réaction courante lorsqu'une telle scène intervient en festival : dans la pénombre, plusieurs silhouettes se lèvent et quittent la salle. Mais ce qui se déroule ensuite reste des plus étranges, et nous ne nous l'expliquons toujours pas à l'heure actuelle. Sur la gauche de la salle, une dizaine de personnes se lèvent, puis une vingtaine d'autres les suivent, puis quarante, cent, deux cent, trois cent peut-être. Un grondement troublant envahit les lieux. Les spectateurs assis de l'autre côté de salle, dont nous faisons partie, restent assis, complètement médusés par ce mouvement de foule incompréhensible. Ils se sont tous levés, en douceur et comme un seul homme, pour une raison qui nous échappe. La vision est terrifiante, proche des déplacements insensés des personnages suicidaires de Phénomènes de Shyamalan.

Pendant quelques secondes, les interprétations se télescopent dans notre esprit : ils attendaient tous une excuse pour fuir le film ? Est-ce une alerte à la bombe par ultra-sons ? Une manifestation silencieuse ? Une vente flash de chausse-pieds électriques à l'extérieur ? Non, il faut se rendre à l'évidence : c'est forcément un coup des "chinois du FBI".

Qu'il s'agisse d'un « accident » ou non, l'exode s'explique finalement par un léger filet de fumée qui s'échappait d'une des enceintes. Le mouvement de panique n'aura pas duré longtemps, mais aura suffi à faire froid dans le dos. Après trente minutes d'entracte, le film reprend? sur la scène du viol. Brouhaha mi-amusé mi-offusqué dans la salle. Quelques instants plus tard, un frisson pas comme les autres parcourt le public lorsque retentit une explosion à l'écran. Chacun rentrera pourtant chez soi sain et sauf. Mais nous savons que ces incidents ne sont pas le fruit du hasard. Si les festivals de cinéma sont parfois bousculés par des actions à teneur politique, ce soir, nous étions dans l'oeil du cyclone !

Et le film, dans tout ça ? Contrairement à la majorité des films vus à Venise cette année, People Moutain, People Sea nous a divisés. Une moitié d'entre nous a été déçue de n'y voir qu'un pâle remake de Chongqing Blues, présenté à Cannes l'an passé. L'autre moitié, elle, a été séduite par la beauté plastique du film et sa vision désespérée d'une nation vouée à l'implosion. Cette année à la Mostra, même dans les films indépendants de Chine, ça tonne ! Et ce n'est pas prêt de s'arrêter : dans les prochaines heures, Johnnie To y va de son polar avec Life without principle et Abel Ferrara filme la fin du Monde dans 4:44 - the last day on earth.

Pour suivre toute la Mostra de Venise 2011
Chris & Hendy, nos envoyés spéciaux à Venise 2011

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15 commentaires
  • VerySoulNate
    commentaire modéré @Sushi_Overdose Oui, je confirme et je crois que @ChrisBeney et @hendiike seront d'accord avec moi. Souvenez-vous de l'année dernière les gars ! Rappelez-vous cette soi-disant entrecôte à 25 euros et qui n'était en fait qu'un pauvre tendre de tranche que tu payes 3.23 euros à Carrefour. On était à deux doigts de s'entre-tuer ou de souhaiter que Venise soit engloutie par les eaux.
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • hendicaise
    commentaire modéré @Sushi_Overdose c'est vrai que c'est parfois un peu le parcours du combattant (enfin si on aime bien se plaindre ;))
    Mais, et là tu vas avoir du mal à nous croire @VerySoulNate, on se nourrit bien et sur le Lido on a même réussi à trouver, tiens-toi bien... des restaurants !
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • IMtheRookie
    commentaire modéré @hendiike Mais là vous dormez sur le Lido c'est ça ?
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • JoChapeau
    commentaire modéré A peu près impossible de dormir sur le Lido si je ne m'abuse.
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • hendicaise
    commentaire modéré Oui cette année, on dort sur le Lido à un petit quart d'heure des salles. L'année dernière était plus sport avec aller-retours matin et soir en vaporetto...
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • IMtheRookie
    commentaire modéré @hendiike @jochapeau haha une preuve de plus que "impossible" n'est pas français :)
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • JoChapeau
    commentaire modéré Je me suis certes un peu avancé..
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • bonnemort
    commentaire modéré Mouahahah. J'étais aussi très surpris quand tu me disais ça. Bon, c'est sûr que ça doit être mille fois plus pratique mais aussi substantiellement plus cher.
    9 septembre 2011 Voir la discussion...
  • Sushi_Overdose
    commentaire modéré @hendiike mais c'est très bien tout ça, continue à râler avec humour, on se marre mieux que devant la dernière production Judd Apatow (le machin avec une nana qui se marie et deux meufs qui se chamaillent : Minute maid, un truc ds le genre.)
    10 septembre 2011 Voir la discussion...
  • hendicaise
    commentaire modéré @Sushi_Overdose ça c'est du compliment ; Perso, je ne trouve pas non plus que le film soit drôle mais faire plus rire qu'un Apatow, même si 508 397 sur 508 398* autres spectateurs pensent le contraire, c'est déjà la classe !
    * box-office France de "Mes meilleurs amies" établi au 10/09/11
    10 septembre 2011 Voir la discussion...
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