Berlinale 2012 : pronostics, rumeurs et prix spéciaux...
La Berlinale touche à sa fin, et il est temps pour Chris et Hendy de faire le bilan de cette riche édition. Pronostics, rumeurs et autres prix farfelus... c'est parti pour la distribution des Ours ! (le vrai palmarès de Berlin 2012, c'est là)
Après vous avoir donné des nouvelles de la météo berlinoise, de la gastronomie locale, des nazis lunaires et de Bruno Ganz... une fois n'est pas coutume, nous allons parler un peu de cinéma. Certes, hier nous recensions déjà quelques perles visibles au Marché du Film, mais le septième art n'y est pas toujours le bienvenu (Manborg, franchement...). C'est ce soir que le jury présidé par Mike Leigh rendra son palmarès. Voici donc notre dernière chance de parier sur les futurs vainqueurs, et de s'octroyer le petit plaisir de décerner en sus quelques Prix absurdes tous amplement mérités.
Ours d'or du Meilleur film
Les nommés sont...
Barbara : Même s'il faut peut-être avoir vécu en RDA pour être pleinement saisi par cette Histoire revisitée... le film semble avoir touché un public assez large cette semaine. Gros potentiel.
Tabu : Voir Tabu remporter l'Ours d'or nous conviendrait parfaitement. Toutes proportions gardées, le film est à la compétition berlinoise ce qu'Oncle Boonmee était à Cannes 2010. Mike Leigh recherche-t-il chez son Ours les mêmes qualités que Tim Burton dans sa Palme ? Rien n'est moins sûr.
Caesar must die : Parmi les films que nous n'avons pas vu cette semaine, celui des frères Taviani est le plus apprécié. Le nommer ici revient à tenter de conjurer le sort.
Et le gagnant est :
Tabu. Toujours adeptes de la méthode Coué, nous restons persuadés qu'à force de le répéter, notre seul gros coup de coeur de la compétition terminera grand gagnant. Le fait que presque tous les journalistes croisés ces jours-ci nous confient en avoir aussi fait leur favori est un autre bon point pour le nouveau film du réalisateur de Ce cher mois d'août.
Ours d'argent de la meilleure actrice
Les nommées sont :
Léa Seydoux, dans L'enfant d'en haut : Comme si ça ne lui suffisait pas d'être craquante, Léa Seydoux s'affirme grande actrice dans ce qui pourrait bien être sa meilleure performance à ce jour.
Léa Seydoux, dans Les Adieux à la reine : L'autre belle prestation de la comédienne dans cette compétition. Hein, comment, pardon ? Léa se dénude dans celui-ci ? Ah oui, peut-être. Ca ne nous a absolument pas marqué, en tout cas.
Nina Hoss, dans Barbara : Un journaliste avait partagé à nos côtés son sentiment quant à l'actrice allemande : « Tu veux que je te dise ? Je pense qu'avec Barbara... elle a enfin trouvé le rôle de la maturité, tu vois ». Puisque nous avons l'habitude de croire tout ce qu'on nous dit, Nina Hoss est une candidate sérieuse pour le Prix d'interprétation.
Et la gagnante est :
Léa Seydoux, évidemment. Avec deux films en compétition, Léa avait déjà doublé ses chances. Noémie Lvovsky y est aussi allé de son doublon pour Les Adieux à la reine et A moi seule. Pourtant, si elle n'avait pas remporté l'Ours-Lion-Palme-Oscar-César-BNP-Paribas pour sa performance dans Les beaux gosses, elle ne remportera jamais rien...
Ours d'argent du meilleur acteur
Les nommés sont...
Saul Williams, dans Aujourd'hui : Le chanteur-poète parlotte le français. Malgré cela, Alain Gomis l'a choisi pour interpréter le protagoniste francophone de son film. Sa performance, captée en gros plans fragiles, hésitante, créera-t-elle le trouble auprès du jury ?
Kacey Mottet Klein, dans L'enfant d'en haut : Découvert en mini Gainsbourg dans le biopic éponyme de Joann Sfar, le jeune acteur au nom de peintre américano-luxembourgeoise est saisissant en petit criminel à la Zonca, à la Dardenne et à la Loach.
Reda Kated, dans A moi seule : Capable de passer, en un crissement de cil, de la tendresse à la colère la plus noire, Reda Kateb est un l'un des favoris pour recevoir le Prix d'interprétation masculine.
Et le gagnant est :
Reda Kateb... parce qu'il a beau être doux comme un agneau dans la vraie vie, Mike Leigh préférera tout-de-même assurer ses arrières en lui décernant l'Ours d'argent.
Ours d'argent du meilleur réalisateur
Les nommés sont...
Miguel Gomes pour Tabu : A défaut d'être foncièrement originale (on pense à Ruiz, à Weerasethakul, à Herzog), la mise en scène de Tabu, délicatement confinée dans son noir et blanc et son format 4/3, s'avère de loin la plus sophistiquée et la plus libre vue à Berlin.
Spiros Stathoulopoulos pour Metéora : A ce jour, nous ne savons toujours pas si les images délavées et pixelisés de Metéora sont imputables au directeur de la photographie ou au projectionniste du Berlinale Palast. Quelques plans inspirés et la beauté des paysages pourraient, malgré cela, faire leur petit effet...
Benoît Jacquot pour Les Adieux à la reine : Pas de paire de Converse cachée à l'arrière-plan, pas non plus de Strokes sur la platine chez Jacquot, mais sa représentation de la cour de Versailles est au moins aussi énergique que celle de Sofia Coppola. Le jury saura-t-il résister à ces petites histoires dans l'Histoire, filmées au plus près du corps, encore vivifiées par des zooms incessants ?
Et le gagnant est :
Benoît Jacquot. Prédiction : Mike Leigh, maladivement jaloux de certains homologues en compétition, a opté pour les oeillères dès le deuxième jour du festival... et délivrera donc cet Ours-ci au tout premier film présenté.
Ours d'argent du meilleur scénario
Les nommés sont...
L'enfant d'en haut : N'incriminons pas Ursula Meier (Home) pour avoir calqué son protagoniste, quelques scènes et les grandes lignes (sans trop en dire !) de Sweet Sixteen de Ken Loach. Car c'est aussi ce qui en fait une belle réussite.
Home for the weekend : C'est un élan cynique qui nous pousse à imaginer cette décision peu audacieuse : récompenser le scénario de ce drame bourgeois étriqué, avec ses grands déballages, ses frères ennemis et sa maman (forcément) malade.
A moi seule : Une séquestration, une libération... Psychologiquement, narrativement, c'est un véritable casse-tête dont Frédéric Videau se sort brillamment. Croisons-les doigts.
Et le gagnant est :
L'enfant d'en haut. Toujours sans trop en dire, la façon dont Ursula Meier règle les conflits et en laisse d'autres en jachères pourrait tout à fait séduire l'auteur de Be Happy et d'Another Year.
Ours de cuivre de la meilleure musique
Les nommés sont...
A moi seule : A défaut d'être en adéquation avec les images - et c'est possiblement ce qui plait - les compositions du chanteur Florent Marchet enchante à chaque fois qu'elles se déclenchent.
Metéora : Une planche de bois et deux marteaux, voici l'orchestration de Metéora. C'est simple, c'est beau et c'est probablement la production musicale la moins chère entendue cette année...
Just the wind : ...même si la B.O de cet horrible petit film hongrois n'a pas dû coûter bien chère non plus dans le budget global du film. Elle n'est presque composé que d'une seule note, qui s'étire sans fin. Encore plus pingre que les quatre notes de Ry Cooder pour Paris, Texas, donc...
Et le gagnant est :
A moi seule. Il nous faut bien vous l'avouer maintenant, si l'on aime tant les musiques du film, c'est bien aussi qu'elles parce qu'elles font écho à celles de Para One pour Céline Sciamma (Naissance des pieuvres, Tomboy).
Ours de plomb de la scène la plus « WTF ??? »
La mante religieuse de Dracula 3D : Seules 25 minutes du nouveau film de Dario Argento étaient présentées au Marché du Film. Un monument de kitsch, certainement assumé, en haut duquel trône l'apparition d'une mante religieuse de trois mètres, pataude et translucide. Génial.
La séquence « Confessions intimes » de Captive : Si le film nous a divisé, nous sommes malheureusement tombés d'accord sur la maladresse de ce passage où les otages du film de Brillante Mendoza partagent leur souffrance face-caméra.
La fellation fantomatique d'Ulysse, souviens-toi : Guy Maddin, petit plaisantin qui filme alternativement tel un contemporain de Méliès ou comme un fan de Lynch, est un spécialiste du « WTF ». Dans Ulysse, souviens-toi, le fantôme transparent d'un vieillard s'adonne à une fellation sur un godemiché mural en bois (soit l'inverse d'une scène de Scary Movie 2). Non mais ça va pas ? WTF quoi ?!
Et le gagnant est :
Confession intimes. Ce qui nous a finalement fait pencher du côté de Captive, c'est certainement la laideur de son faux écran d'enregistrement vidéo qui se rapproche peut-être même moins de l'émission phare de TF1 que d'une parodie X type « Pascal le grand frère pineur ».
Le petit Ours brun du meilleur animal
Le chat qui ouvre des portes, dans le beau documentaire Ai Weiwei : never sorry : D'autant plus fort qu'il est le seul des quarante (quarante !) chats vivants dans le studio de l'artiste chinois à posséder cette faculté.
Le serpent mangeur de caille dans Captive et son pote le croco dans Tabu : Ils ne vivent pas dans le même film, mais nous les savons inséparables. Ces deux reptiles sont indifféremment capables de vous attaquer dans l'eau, sur terre ou dans vos rêves.
L'ourson, dans Postcards from the zoo : Le film d'Edwin est assez cruel dans sa manière d'insinuer que notre monde se résume à l'innocence illusoire des enfants ou à la dépravation des adultes. Mais il contrebalance cette vision grossière par celles de nombreux animaux trognons... dont le champion reste, sans doute, le petit ourson qui caresse sa maîtresse tout en suçant son pouce.
Et le gagnant est :
Le chat d'Ai Weiwei et ses 39 amis, qui sont d'ailleurs bien plus malins que lui puisqu'ils n'ont désormais qu'à le laisser s'exécuter pour eux. Mention spéciale aux rats des Adieux à la reine, qui se seraient imposés s'ils n'était pas doublés par des rats en plastique... Honteux !
Ours d'argent de la meilleure réplique
« La différence entre les hommes et les chats, c'est que si un chat arrive à ouvrir une porte... il ne la refermera pas derrière lui » Ai WeiWei, dans Ai Weiwei : never sorry
« Je serais capable de tuer pour avoir la chance de manger un bon avocat avec du sel.. euh non, non, pas de tuer, non ! » Hank Skinner, condamné à mort pour un triple homicide dans Death Row, de Werner Herzog.
« Ulysse, souviens-toi... ». Ou « Remember, Ulysses... » en VO. C'est ce que le narrateur répète une bonne vingtaine de fois dans le bien-nommé Ulysse, souviens-toi. De quoi faire enfin oublier l'horripilant gimmick « REMEMBER » de Mr Nobody.
Et le gagnant est :
Hank Skinner dans le documentaire Death Row. Il rit et nous fait rire, alors que le sujet est aussi triste que sa mort est imminente. C'était osé...
Oursin aux oignons du personnage le plus demeuré
La mère dans Extrêmement fort et incroyablement près : Attention spoiler. A la fin du film, Daldry nous apprend que la maman du petit Oskar s'était faite passer pour dépressive des mois durant, quitte à s'éloigner de son fils au moment où il avait le plus besoin d'elle. Son intention était de mieux veiller sur lui mais, à distance, dans son dos. Logique.
La mère dans La demora : C'est malheureux car le film de Rodrigo Pla est très attachant, mais force est d'admettre qu'il n'aurait duré qu'une petite heure si ce personnage, à la recherche d'un proche qu'elle a abandonné, n'avait pas gardé l'endroit le plus évident pour la fin de sa quête...
Tous les personnages de roms selon Benedek Fliegauf dans Just the wind : Au regard de sa vision des immigrés roms de sa Hongrie natale, qu'il définit comme bêtes, nuisibles et démissionnaires, Just the wind ne semble pas forcément s'émouvoir du harcèlement et de la violence que leurs compatriotes leur infligent. Au contraire ?
Et le gagnant est :
C'est une évidence, non ? Il suffit de relire la description de la caractérisation de la mère incarnée par Sandra Bullock dans Extrêmement fort et incroyablement près pour s'assurer de sa victoire les doigts dans le nez et le cerveau dans les chaussettes sur l'ensemble de ses concurrents berlinois.
Ours de fer de la tête-à-claque
Thomas Horn dans Extrêmement naze et incroyablement pénible à écrire : Avec sa tête de Anne Heche en plastique, sa quête intérieure en carton et son tambourin en bois, ce gamin nous a brisé... du verre. Oui voilà, du verre.
Les flics qui mangent des pistaches dans Just the wind : Deux policiers discutent. L'un estime que les roms les plus fainéants doivent mourir alors que les plus travailleurs méritent de vivre. L'autre n'ose pas trop le contredire, et termine son assiette de pistaches. Ils sont a-do-rables !
Le jeune professeur dans Dictado : Avec sa petite barbichette et ses yeux ahuris, il n'inspire aucune sympathie. Qui plus est, ce n'est pas le plus malin de la classe... et pourtant il enseigne en CE2.
Et le gagnant est :
Le duo de policiers mangeurs de pistache. L'un est fasciste, l'autre plus pondéré. Quelle en est la preuve ? Lui ne jette pas ses coquilles de pistache sur le sol mais les dépose délicatement dans une assiette. N'importe quoi ? Oui.
Ours de vent de l'Ours d'or le plus improbable
Les nommés sont...
Dictado : Au début, il est possible de croire au potentiel de ce thriller proche de L'orphelinat ou de La secte sans nom. Puis Dicatdo se fait de plus en plus prévisible, jusqu'à son déplorable twist final. Pas. Une. Chance.
Postcards from the zoo : Pas le plus mauvais mais peut-être le plus insignifiant de la bande, la fable fantastico-animalière d'Edwin ne fait assurément pas avancer le schmilblick du cinéma.
Une Séparation : Certes, le monde entier (ou presque...) adore Une séparation, mais admettez qu'il reste peu plausible que le film gagne l'Ours d'or deux fois d'affilé. Une bizarrerie de palmarès qui n'est pas arrivée depuis 1999/2000 avec les victoires consécutives de La Ligne rouge et de Magnolia. Ca n'a aucun sens ? Peut-être, mais tous les moyens sont bons pour rappeler le sacre berlinois de ces deux grands films.
Et le gagnant est :
Dictado. Cette espèce de Direct-to-DVD sans âme, bon dernier de nos pronostics pour l'Ours d'or, ne peut décemment pas remporter la statuette. Si tel était le cas, nous serions contraints de changer de métier à jamais ou, plus judicieux encore, de convaincre Mike Leigh de devenir pâtissier ou chauffeur de taxi.
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Le palmarès complet de Berlin 2012
(Sans rire, il était vraiment amusant comme article)