American Pie 4 : Quelques conseils pour réussir une suite dix ans après
Alors que la comédie American Pie 4 est sortie en salles la semaine dernière, presque dix ans après le troisième volet, il faudrait quand même se demander si attendre aussi longtemps avant de réaliser une suite est une si bonne idée que ça ? Certains exemples récents ont su le démontrer. D'autres au contraire se sont complètement plantés. La faute sûrement à de mauvais procédés scénaristiques. Voici quelques conseils à suivre pour faire une suite réussie et pas trop datée !
Déjà dix ans qu'on avait quitté Jim (Jason Biggs) et sa bande de potes alors que ce dernier se mariait à la gentille mais un peu délurée Michelle (Alyson Hannigan), nous laissant depuis une succession de spin-off aussi nombreux qu'affligeants : American Pie No Limit, American Pie String Academy, American Pie Campus en folie, etc. On retrouve enfin aujourd'hui la vraie (et l'unique) équipe des trois premiers films pour un week-end de réunion d'anciens plus déjanté qu'ils ne pouvaient l'espérer. Un come-back qui, pourtant, n'est qu'à moitié réussi. La faute au temps peut-être mais surtout à quelques règles que les réalisateurs auraient dû suivre.
Faire le lien entre le passé et le présent
La première règle est évidemment de trouver la raison pour réunir à nouveau les personnages qu'on avait eu plaisir à suivre il y a une (voire plusieurs) décennie(s). Bon exemple que celui de Toy Story 3 de Lee Unkrich qui a parfaitement réussi son retour : une décennie après Toy Story 2, le petit Andy a bien grandi et s'apprête à quitter le domicile familial. Ses jouets abandonnés vont donc partir pour de nouvelles aventures dans une école élémentaire. Une évolution logique et qui prête également à des répliques savoureuses : « Il ne veut plus de nous. On n'a plus qu'à aller voir combien on vaut sur eBay ! ».
De ce point de vue, le film de Jon Hurwitz et Hayden Schlossberg semble réussir son pari. L'idée de départ d'American Pie 4 est certes classique mais tout à fait sensée. Quoi de mieux qu'une bonne poilade en réunissant des potes de lycée le temps d'un week-end entre anciens ? Dix ans seulement ont passé mais déjà le poids du passé se ressent, et ce avec beaucoup d'humour : « C'est moi ou les filles d'aujourd'hui s'habillent toutes comme des putes ? » entend-on dans le film ; même moment de gêne lorsque la jeune voisine de Jim déclare que les Spice Girls est un bon groupe de rock ! On retrouve donc les amis définitivement entrés dans le monde adulte, surpris par tous ces changements, et leurs soucis ne sont évidemment plus les mêmes qu'avant : la routine du couple, l'échec professionnel, les amours manqués. Le public des premiers films a lui aussi grandi et peut justement se retrouver dans ces nouveaux tracas autrement plus compliqués que le fait de se dépuceler (American Pie). On pouvait donc s'attendre à un retour en grande pompe, drôle et plus mesuré que ses prédécesseurs. Et pourtant...
Ton père est carrément plus cool que toi, extrait de American Pie 4
Oublier les « has been »
Les cinq mecs dont on s'était gentiment moqué il y a dix ans ont perdu de leur prestige pour laisser place à des trentenaires déjà un peu « has been », bien moins marrants et intéressants à suivre. Le raté qui s'invente une vie de routard parce qu'il n'a jamais pu sortir de la ville, le présentateur beau gosse en couple avec un top model écervelé, les mariés qui sortent le cuir et les chaînes pour pimenter un peu leur vie sexuelle... les clichés s'accumulent rapidement. En outre, les goûts et les couleurs des spectateurs changeant aussi vite que l'industrie cinématographique américaine, retrouver une histoire et des personnages vieux de dix ans peut s'avérer un projet dangereux. Et un casting d'acteurs sur le retour n'arrange rien ! Les exemples de retours complètement ratés ne manquent pas. C'est ce qui est arrivé à l'équipe du Splendid qui, après le succès des Bronzés en 1978 et des Bronzés font du ski en 1979, ont choisi de revenir (27 ans après, rien que ça !) en 2006 avec Les Bronzés 3 : Amis pour la vie. Un retour qu'ils n'auraient finalement peut-être pas dû orchestrer tant le résultat semblait carrément rabougri et dépassé. Là aussi le lien entre passé et actualité était envisagé via les personnages mais le résultat - avec des personnalités bien plus accentuées et caricaturales que dans les deux premiers - n'en est que plus inadapté : la blonde ultra-siliconée, le beauf expatrié aux USA, le couple de grincheux toujours malchanceux ; oui, les personnages des Bronzés 3 ont très mal vieilli !
Et le cinéma français n'est pas avare en exemples à ne pas suivre ! Le retour des acteurs de La Vérité si je mens, douze ans après le second volet de leurs aventures, n'était, a posteriori, pas non plus une très bonne idée. « Comment il est moisi son Yallah ! » disait dans le film l'un des protagonistes. Et « Comment il est moisi leur film ! », on a le droit de le dire ? L'humour et les blagues qui ont fait le succès des deux premiers films prend ici un vrai coup de vieux. Le résultat est même affligeant. La solution est peut-être finalement de laisser la place à la nouvelle génération ? Pour ne pas risquer de donner ce côté « has been » à ces personnages que nous avons jadis appréciés, le réalisateur de la saga horrifique Scream, Wes Craven, a bien compris qu'il lui fallait également de la chair fraîche (des jolies filles et des jeunes geeks, c'est tendance !) pour attirer un jeune public qui n'a pas connu les premiers films de la franchise. Cela n'empêche pas au réalisateur de garder les acteurs qui ont fait le succès de la trilogie (Courteney Cox, Neve Campbell et David Arquette) pour leur donner une place à part entière et justifiée. Ils ont quand même échappé à la mort trois fois, ils méritaient bien leur place dans le quatrième !
S'inspirer des succès d'aujourd'hui
Le réalisateur de Scream 4 semble donc être celui qui s'en est jusqu'à maintenant le mieux sorti et a bien compris comment réussir une suite après près d'une décennie. Oublier les personnages caricaturaux pour laisser place à la jeunesse était une bonne idée. Et celle d'utiliser les outils technologiques de notre époque (webcam, Facebook, etc.) en est une aussi. À maintenant 73 ans, et douze ans après le troisième volet de la saga horrifique, le réalisateur américain semble ne pas avoir vieilli et revient avec une suite réussie qui surfe sur les succès cinématographiques de ces dernières années. Le long métrage, hommage assumé au premier Scream, comme un auto-remaké bourré de références, place le web au centre de son intrigue. Internet semble être alors le territoire parfait pour donner de la visibilité aux crimes commis. Aux meurtres, similaires au Scream d'origine, s'ajoutent en effet des scènes de traque via webcams et un discours percutant sur le besoin maladif de notoriété. Si ça ce n'est pas d'actualité !
Travailler ensemble, extrait de Scream 4
Attention néanmoins au contre-coup : à trop vouloir se moderniser et coller à la tendance des comédies actuelles, American Pie 4 ressemble parfois un peu trop au très arrosé Very Bad Trip. La scène dans laquelle les jeunes trinquent ensemble et l'un d'eux se réveille immédiatement après, sans trop savoir ce qui s'est passé, en est le plus flagrant copier-coller. Dommage pour le film qui n'avait probablement pas besoin de ça.
Tout compte fait entreprendre une suite dix ans après est-il une bonne idée ? Selon moi, la réponse est oui. La simple envie de retrouver nos personnages préférés, par pur nostalgie, peut le justifier. Ce n'est pourtant (à en voir le discuté Die Hard 4, par exemple) pas une raison pour faire n'importe quoi. La sortie de Men In Black 3, avec Will Smith et Tommy Lee Jones, le 23 mai prochain s'inscrit justement dans cette tendance. Pas de bol, le réalisateur n'aura pas eu le temps de prendre note de ces quelques remarques. Mais qui sait, les Américains ayant l'air de mieux s'en sortir, son film intégrera peut-être la liste des suites réussies.
Images : © Universal Pictures, © Warner Bros. France
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Nairwolf23 mai 2012 Voir la discussion...