Cannes 2015 : Le Fils de Saul de Laszlo Nemes
Quatrième film présenté en compétition à Cannes 2015, Le Fils de Saul de Laszlo Nemes, fait plonger les festivaliers dans l'enfer des camps.
Film hongrois de 1h47. Cela faisait quatre ans que le festival n’avait pas sélectionné de première oeuvre au sein de sa Compétition. Et c’est un réalisateur hongrois qui a cet honneur. Pour son premier long, Laszlo Nemes n’a pas choisi le sujet le plus léger. Le fils de Saul (Saul Fia) se passe en 1944 au coeur du camp de concentration d’Auschwitz. Le film se concentre sur l’histoire de Saul Ausländer, membre du sonderkommando, le groupe de prisonniers juifs isolé et forcé d’assister les nazis dans leurs exécutions. Alors qu’il travaille dans l’un des crématoriums, il découvre le cadavre de son fils. Il décide alors de dérober sa dépouille et de trouver un rabbin pour l’enterrer... Un film, qui comme l'avait annoncé Thierry Frémaux lors de la conférence de presse "fera beaucoup parler".
Une scène : L'Enfer sur Terre
«Je ne voulais pas montrer l'horreur de face, ne surtout pas reconstituer l'épouvant en entrant dans une chambre à gaz tandis que les gens y meurent. Le film suit strictement les déplacements de Saul, donc s'arrête devant la chambre à gaz, puis y entre après l'extermination pour débarasser les corps.» explique Laszlo Nemes dans le dossier de presse. Pourtant l'horreur finit par surgir dans le champ. Une nuit, l'usine s'emballe et des milliers de déportés débarquent dans le camp. Les chambres à gaz sont déjà pleines et les nazis décident, pour absorber l'excédent de personnes à tuer, de les emmener directement à la fosse commune où ils les fusillent au fur et à mesure. Saul – vêtu d'un manteau marqué d'une croix rouge qui distingue les sonderkommando des autres déportés – cherche un rabbin dans la foule pour l'aider à enterrer son fils. Le plan-séquence filmé caméra à l'épaule au plus près du personnage principal maintient un arrière plan flou qui n'attenue en rien l'effroi de la situation. Les cris, les flammes, les coups de feu et les corps tout se bouscule et la mort envahit le cadre.
Open Bar
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Attention, le cocktail Nemes est extrêmement amer et est à réserver aux estomacs bien accrochés. Versez d'abord une bonne dose de Requiem pour un massacre, référence évidente et revendiquée par le réalisateur puis ajoutez un peu de La Vie est belle en prenant soin de retirer toute forme de comédie avec une passoire, de resserer le cadre et de tuer l'enfant immédiatement pour renforcer l'amertume. Complétez avec quelques plans-séquences virtuoses et tumultueux façon Birdman et Les fils de l'homme avant de mélanger l'ensemble.
Contrôle technique
Chose devenue assez rare pour mériter d'être signalée, Le Fils de Saul n'a pas été tourné en numérique. Ainsi, comme l'explique le réalisateur : «Nous avons voulu utiliser la pellicule argentique 35mm et un processus photochimique à toutes les étapes du film. C'était le seul moyen de préserver une instabilité dans les images et donc de filmer de façon organique ce monde. L'enjeu était de toucher les émotions du spectateur – ce que le numérique ne permet pas.»
Le résumé en textos
Le Festival de Cannes c'est aussi 372.000 textos par jour et par festivalier. Alors finalement, pourquoi ne pas aussi raconter le film comme ça ? (voir en grand)
Le juste prix
Il ne serait pas étonnant de voir figurer Le Fils de Saul au vrai palmarès à la fin du Festival. En attendant, le film peut briguer le Prix de la connexion cinéphile la plus improbable. De passage à l'infirmerie pour récupérer le cadavre de son fils, Saul est surpris par des officiers Nazis. L'un d'eux pour se moquer se met à singer la danse hassidique qui évoque fatalement pour les spectateurs français la scène culte de Louis de Funès dans Rabbi Jacob. Gloups.