Le cinéma français peut-il faire du grand spectacle ?
A l'occasion de la sortie en salles de La Belle et la Bête le 12 février, nous avons pu rencontrer Christophe Gans. Avec lui, faisons un état des lieux du cinéma français et de sa prétendue incompatibilité avec le cinéma grand spectacle.
Pour ceux qui le connaîtraient mal, Christophe Gans est le réalisateur du Pacte des Loups en 2001 et de Silent Hill en 2006. Ce véritable graphiste du cinéma s'est fait un nom outre-atlantique. Il est sûrement aujourd'hui l'un des seuls réalisateur français à proposer un cinéma visuel et grand spectacle. Un cinéma que de plus en plus de jeunes élevés aux films américains et faisant leurs premiers pas dans le milieu du cinéma souhaitent revendiquer. Le cinéma américain a-t-il envahi le cerveau de la nouvelle génération ? Ou le cinéma français peut-il être synonyme de grand spectacle lui aussi ?
Un malaise qui n'a pas lieu d'être
On l'oublie souvent mais le cinéma français d'avant la Nouvelle Vague était un cinéma dont les moyens étaient conséquents, proposant alors des films bourrés d'effets spéciaux et de costumes. N'oublions pas que c'est Georges Méliès, un français, qui créa les premiers effets spéciaux. La surimpression et les fondus sont aujourd'hui encore la base de la plupart des logiciels de montage et d'effets spéciaux. Ce même Georges Méliès à qui l'on a dit que le cinéma n'aurait aucun avenir commercial et dont une partie de la vie inspirera Brian Selznick pour L'invention de Hugo Cabret, plus tard adapté par Martin Scorsese.
Mais Méliès n'était pas le seul. De nombreux films des années 20 aux années 40 sont des films en costume et/ou à effets spéciaux. Pour ne citer que lui, La Belle et la Bête de Jean Cocteau dont le film de Christophe Gans n'est pas vraiment le remake.
Ainsi, si l'on a tendance à associer le cinéma français, dans sa réussite, à des titres comme La Vie d'Adèle ou des films plus modestes comme La Bataille de Solférino, il est faux de dire que le cinéma d'effets spéciaux et de scénario ne correspond pas à l'esprit du cinéma en France. Notre pays en est même le précurseur.
Un paradoxe français
Il nous faut aussi rappeler un constat déjà très souvent fait depuis un ou deux ans. Si le cinéma français arrive à proposer des films qui peuvent faire sa fierté à l'international comme ceux cités ci-dessus auquel nous ajouterons The Artist de Michel Hazanavicius ou encore Amour de Michael Haneke, nombre de films ont un budget colossal pour des recettes parfois catastrophiques. Là où la France souhaite revendiquer une véritable identité de son cinéma, de plus en plus de comédies qui «ont tendance à ne même plus être françaises» d'après les mots de Christophe Gans mais «acculturelles» sont pourtant légions.
Le film de genre français dans les années 2000, notamment grâce à Canal +, a pourtant permis de proposer un autre type de film très apprécié en DVD et à l'international : le cinéma gore. Certains réalisateurs, comme Alexandre Aja, ont de cette façon acquis leur passeport pour les Etats-Unis. Peut-on voir, dans ce sursaut de cinéma outrancier, une rébellion des jeunes réalisateurs français contre un système du cinéma fermé à leurs ambitions visuelles ? Il serait cependant réducteur de se limiter aux films gore pour représenter un hypothétique futur cinéma français. Quoi qu'il en soit, «ce qui nous définit est parfaitement attractif pour les autres», ajoute Gans. Et à n'en pas douter, Turf, Fiston ou Supercondriaque ne rentre pas dans cette définition.
La France a-t-elle des histoires à raconter ?
N'oublions pas qu'il y a à peine 50 ans, ce sont les Américains qui piochaient dans la mythologie européenne pour en retirer la substance et créer leurs histoires. Walt Disney en est le plus parfait exemple. Blanche Neige et les Sept Nains, La Belle au Bois Dormant... Toutes ces oeuvres qui ont bercé l'enfance de beaucoup d'entre nous appartiennent au patrimoine européen. Les Américains, handicapés par une nation très jeune, ne possèdent pas tout ce bagage de légendes et cultures. Mêmes des oeuvres d'animation américaines récentes s'appuient sur des cultures purement européennes. Dragons ou La Reine des Neiges font appel à un inconscient collectif dont la base est en Europe. On a rarement entendu parler de dragons dans les Rocheuses.
On a tendance à l'oublier aussi mais la France a elle même eu ses super héros. Peut être les moins jeunes d'entre nous se souviendront de Judex, auquel a participé Henry Langlois à qui la cérémonie des César de cette année rendra hommage. Il existe notamment dans les films d'avant les années 50 des histoires potentielles à réexploiter. En guise d'exemple, la série de BD des Brigades Chimériques n'a rien à envier à la Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Mettant en avant Marie Curie et des expérimentations sur la radioactivité dans les tranchées, reprenant des figures du cinéma comme Metropolis, Serge Lehman et Fabrice Colin proposent une histoire et une esthétique très recherchées. Ce ne serait pas idiot de voir un cinéaste, de préférence français, adapter un tel univers.
Une relève prometteuse ?
Certains réalisateurs de courts et moyens métrages mais aussi de web-séries, sortent progressivement du lot et annoncent une nouvelle génération qu'on attend avec impatience. Christophe Gans n'hésite d'ailleurs pas à encourager ses futurs talents et tente de convaincre les producteurs de leur faire confiance. "On peut le faire ! " exclame-t-il.
Julien Mokrani est un de ces talents. En 2009, ce cinéaste propose un court-métrage de 17 minutes qui revisite le mythe de Batman à la sauce Sin City. Julien Mokrani exprime encore son amour des bandes dessinées à l'univers visuel fort en proposant en 2011, Welcome to Hoxford, adapté de l'oeuvre de Ben Templesmith. Lors de la Japan Expo 2013, il annonce vouloir adapter Les Sentinelles. Une BD typiquement française à mi-chemin entre les super-héros et Robocop dans le contexte de la Première Guerre Mondiale. En attendant de voir son projet aboutir, il prévoit un court métrage sur Cthulhu, la créature mythologique de H.P Lovecraft.
WELCOME TO HOXFORD, THE FAN FILM from Julien Mokrani on Vimeo.
François Descraques n'a rien à envier à Julien Mokrani. En 2009, il réalise la première saison de la websérie Le Visiteur du Futur qui devient un véritable phénomène web. Aujourd'hui, François Descraques a entamé la diffusion de sa quatrième saison. Fan de science fiction depuis son enfance, ce jeune geek souhaite cultiver ce genre en France. Depuis la troisième saison, sa série est financée par Ankama et France Télévisions Nouvelles Ecritures. Avec le très médiatisé crowdfunding de Noob, une autre websérie, il est le meilleur espoir de voir ce nouveau format et les thématiques qu'il aborde acquérir leurs lettres de noblesse.
Le Visiteur du Futur - Neo-Versailles - Trailer... par Studio-4-0
Il serait vraiment dommage de laisser partir des talents comme ceux de Julien Mokrani et François Descraques aux Etats Unis ou dans un autre pays plus ouvert à leur façon d'appréhender le cinéma. La plupart ne le souhaite d'ailleurs pas. Mais c'est à la Grande Famille du Cinéma de leur donner le droit d'accomplir leurs ambitions en France. Ils ont fait leurs preuves. Va-t-on leur donner leur chance ?
Quand au cinéma de genre il n'est pas encore apprécié par les producteurs. Quand on voit les productions horrifiques anglaises (the descent, shaun of the dead) espagnoles (Rec, l'orphelinat) ou italiennes (Suspiria, la baie sanglante) on se dit qu'on est vraiment à la traîne.
Pourtant en littérature et BD (Mezières, Moebius, Bilal, Druillet...) c'est un genre qui plait.
Pourquoi en dehors de Luc Besson, Christophe Gans et quelques autres personne ne veut il mettre la main à la poche pour financer de vrais films de genre ?
Bilal a eu sa chance avec Immortel Ad Vitam mais c'est Bilal quoi. L'accessibilité est nulle même si l'aspect graphique suit carrément.
Jeunet tente lui-aussi des choses intéressantes.
les réalisateurs ne doivent pas "copiés" ce qui plait mais imaginer ce qui plaira
plus facile à dire qu'à faire mais on y est arrivé et on continuera à y arriver
Les productions américaines sont également beaucoup plus nombreuses et donc dans la masse, il y a forcément de la qualité