Freddy Krueger est orphelin : Wes Craven est mort
C'est lui qui a donné naissance à Freddy Krueger, le tueur des Griffes de la nuit, lui qui a réalisé Scream (et ses 3 suites), ainsi que deux des films d'horreur les plus perturbants des années 1970, La Dernière maison sur la gauche et La Colline a des yeux : Wes Craven est mort dimanche, d'un cancer du cerveau. Il avait 76 ans et restera pour toujours l'un des maîtres du cinéma d'horreur.
Wes Craven avait des influences inattendues pour un spécialiste de l'épouvante. Quand il réalise en 1972 La Dernière maison sur la gauche, il s'inspire de La Source de Bergman, accentuant les éléments les plus malsains du film d'origine : viol, torture et surtout vengeance impitoyable, de celle qui transforme l'homme sociable en créature homicide. Rien ne nous est épargné dans cette fable détraquée, symptomatique du mal-être des Etats-Unis de l'époque, pas même un humour très spécial, mais savoureux. En se lançant dans La Colline a des yeux, cinq ans plus tard, il a toujours en tête cette transformation des gens ordinaires en sauvages meurtriers. Pour ses dégénérés du désert, qui s'attaquent à une famille ordinaire en vacances, ils s'inspirent de détraqués de l'Ecosse médiévale, célèbres pour leur violence et leur cannibalisme. Mais ce qui l'intéresse davantage, encore une fois, c'est le retour de bâton, la manière dont ces criminels furent arrêtés et torturés impitoyablement par des victimes devenues bourreaux. Dans quelles circonstances l'être humain, même le plus pacifique, en vient à exercer - et apprécier - une violence fatale pour son entourage et autodestructrice : ce fut la grande question posée par les premières années de l'oeuvre de Craven.
Qu'est-ce qui transforme un individu pacifique en machine à tuer ?
Une interrogation prolongée par Les Griffes de la nuit, premier volet de ce qui allait devenir l'une des grandes sagas de l'horreur. Où vit en effet Freddy Krueger, le tueur psychopathe à la main griffue et au pull-over rayé rouge et vert ? Dans la tête de ses victimes, tout au fond de leur inconscient, afin de s'exprimer, comme tout bon monstre qui se respecte, quand la conscience est en sommeil. Une fois de plus, et avec une efficacité effrayante - la langue qui sort du combiné téléphonique, le mur qui se déforme pour montrer le visage brûlé, le lit qui recrache en bouillie sanglante le pauvre Johnny Depp - Wes Craven recherche ce noyau dur de sauvagerie à l'intérieur de chacun de nous.
La suite de la carrière du réalisateur s'avère moins brillante, malgré un concept fort et loufoque (Shocker, le tueur électrique qui, suite à son exécution, circule par les câbles de votre maison ; une histoire prétexte à quelques scènes folles où le tueur erre d'une émission télé à une autre) et un exercice de style réussi qui a fait le bonheur des vidéo-clubs (Le Sous-sol de la peur). Jusqu'à Scream, en 1996. Le scénario est de Kevin Williamson, le golden boy de l'époque, aujourd'hui regardé de haut. Et le principe est simple : tout ici peut être mis en abyme, puisque les victimes du tueur au masque inspiré du Cri de Munch vivent dans un monde où, enfin !, on connait et on aime les films d'horreur. Bourré de références, Scream est le film définitif des petits malins, celui où le second degré règne en maître, à la fois une célébration du genre et son fossoyeur, adoré pour son intelligence ou détesté pour ce qu'il nous infligera dix ans durant de films anecdotiques, sans saveur, ayant seulement pour eux leur conscience d'être des films d'horreur.
Celui qui regrettait de n'être qu'un maître en son domaine
Prisonnier de Freddy, Wes Craven quitte une cellule pour une autre en enchaînant en tout quatre Scream, le dernier - son ultime film - en 2011. Avec toujours un regret récurrent : celui de n'être qu'un réalisateur de film d'horreur, malgré une tentative de mélodrame en 1999, La Musique de mon coeur, qui vaut tout de même à Meryl Streep une citation à l'Oscar. Wes Craven n'aura été que ça, un réalisateur de films d'horreur, comme il l'atteste en interprétant son propre rôle dans Freddy sort de la nuit ou en jouant les concierges vétus comme Freddy, dans un Scream. Mais il fut tellement bon dans cet exercice...
— JA Bayona (@FilmBayona) 31 Août 2015
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Kiwinsky31 août 2015 Voir la discussion...
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Parvulesco31 août 2015 Voir la discussion...
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ChrisBeney31 août 2015 Voir la discussion...
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cath4431 août 2015 Voir la discussion...
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ChrisBeney2 septembre 2015 Voir la discussion...
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