This might be the wrong place

A quoi sert le rock dans This Must Be the Place ?

Festival / Récompenses | Par Julien Di Giacomo | Le 18 mai 2011 à 11h30

Dans This Must be the Place (dont vous pouvez voir quelques extraits ici), projeté aujourd'hui en compétition au Festival de Cannes, Sean Penn incarne Cheyenne, un quinquagénaire lancé sur les traces d'un ancien nazi après la mort de son père. Le film s'annonce comme un road movie mâtiné de drame contemplatif, mais un détail semble faire tache : Cheyenne est une ancienne rock star. En quoi ce trait du personnage est-il utile au scénario ? Bonne question.

Pourquoi préférer l'ersatz à l'original ?
On le sait, le cinéma et le monde de la musique vivent depuis de longues décennies une belle histoire d'amour, principalement matérialisée sous forme de comédies musicales (de Grease au Rocky Horror Picture Show), de biopics (de Walk the Line à Notorious B.I.G.) et de documentaires (de Dont Look Back à Never Say Never). Plus d'un acteur, encouragé par ses expériences, a d'ailleurs sauté le pas pour donner de la voix sur CD.

Mais si le 7e art aime dépeindre la vie des grands noms du monde de la musique, il lui arrive parfois de créer ses propres artistes, ses petites ou grandes stars de fiction. L'exemple le plus fameux de ce phénomène reste sans doute Spinal Tap, faux documentaire déjanté sur un groupe de rock fictif.

Etant donné que la quasi-totalité des biopics sont des drames ou des success stories respectueuses, la création de fausses idoles est une alternative évidente pour raconter une histoire drôle dans le monde de la musique. Les aventures de Tenacious D ou des Blues Brothers sont trop belles pour être vraies.


Stand by your man extrait de The Blues Brothers

Mais il existe d'autres excuses que la comédie pour créer ses propres musiciens vedettes. Le fanatisme, qu'il soit mal digéré ou au contraire pleinement assumé, explique également plus d'un scénario, comme celui de Crazy Heart. Le Bad Blake interprété par Jeff Bridges résulte d'une hybridation entre les vieux briscards de la country music Waylon Jennings, Merle Haggard et Kris Kristofferson. A ces influences-ci, on peut ajouter que le personnage du roman d'origine était quant à lui inspiré de Hank Thompson et de Ramblin'Jack Elliott (bien que ce dernier donne plutôt dans la folk).

Dans Crazy Heart, on peut alors clairement constater que, si le personnage principal rappelle pas moins de cinq personnalités bel et bien réelles, il n'en reste pas moins un chanteur imaginaire. Crédible, mais imaginaire, à tel point que Jeff Bridges n'est pas celui qui a été primé aux Oscars pour sa performance vocale. Cette liberté permet au réalisateur Scott Cooper de n'avoir de comptes à rendre à personne en termes de réalisme, et au scénariste de mener son intrigue comme bon lui semble.

La force de Cooper est qu'il n'a pas commis l'erreur de laisser ses sentiments l'aveugler. Or, c'est justement ce qu'a fait Larry Charles avec son premier film, Masked and Anonymous. Il y conte l'histoire surréaliste du dernier concert d'une ancienne folk-star désargentée ressemblant étrangement à Bob Dylan et incarnée par? Bob Dylan lui-même, qui joue comme un pied (de biche). Ici, c'est le manque de recul de Charles sur son propre sujet qui l'a empêché de faire un bon film. Tragique.

Dylan toujours : dans I'm Not There, de Todd Haynes, 6 acteurs différents jouent le rôle du chanteur ; la réalité se mêle au rêve, et il devient impossible pour le spectateur de discerner le vrai du faux. Cette pirouette stylistique n'est finalement pas si impertinente, puisqu'elle se révèle au dylanophile avisé comme le seul moyen de réellement dépeindre la personnalité kaléidoscopique et protéiforme de la légende. Si on reconnaît le grand Bob dans chacun des personnages et dans la BO, aucun ne porte son nom : la référence reste donc officiellement officieuse.


Les 7 commandements extrait de I'm Not There

Le problème de This Must be the Place
Le réalisateur Cameron Crowe a été roadie pour de nombreux groupes, et il a compilé ses expériences au sein de Stillwater, formation fictive au centre de Presque célèbre. La liste pourrait encore continuer longtemps et fournir autant d'explications que d'exemples à la présence d'un personnage musicien dans un scénario. Mais une chose est sûre : personne ne met dans son film une rock star sans que ce détail ait une incidence sur l'intrigue.

Dur alors de catégoriser This Must be the Place à partir de son synopsis, de sa bande-annonce lapidaire ou des quelques extraits dévoilés jusqu'à présent. Si Sean Penn est looké comme Robert Smith, on ne voit pour l'instant apparaître aucune similitude entre la quête de son personnage et la vie du chanteur des Cure.

Apparemment, This Must be the Place ne parle pas de musique et son histoire ne se déroule pas dans le monde du show-business. Pourtant, son personnage principal est une ancienne rock star. S'agit-il là d'un gimmick scénaristique sans conséquences, ou cet aspect du personnage joue-t-il un rôle inattendu dans le film ? Si le scénariste a fait de son personnage principal un musicien, c'est bien qu'il doit y avoir une raison, non ?

A moins que? A moins que Sorrentino ne vienne d'inventer la rock star inutile. Il défend lui-même son choix de personnage par l'absurde, arguant que c'est justement parce qu'il n'y a absolument aucun rapport entre l'holocauste et le monde de la pop music que son film est intéressant. On peut douter de la pertinence de ce genre de démarche, car le pari est risqué : un tel décalage peut transformer This Must be the Place en une petite folie créative comme en une farce de mauvais goût.


Un peu peur de mourir extrait de This Must Be the Place

Sources : Village Voice, projo.com, wikipedia.org, communiqué de presse de This Must be the Place

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