puisqu'ils sont vieux et fous

Young Adult : un teen movie qui ne fait pas son âge

Dossier | Par Julien Di Giacomo | Le 30 mars 2012 à 16h04
Tags : teen movie

Young Adult est le film le plus fouillé à la fois de Jason Reitman et de Diablo Cody. Sous la comédie grinçante, on y parle de féminité, de dépression, d'apparences et d'estime de soi... C'est aussi (même si le réalisateur nous a assuré du contraire) un teen movie sans teens, un "posteen" movie, une dissertation sur les pages jamais tournées et les séquelles qu'on garde après que la dernière sonnerie de nos années lycée ait retenti.

Beware ! Cet article contient un spoiler de Young Adult. Lisez à vos risques et périls.

Le hors-champ du teen movie

« Our job is being popular and shit », entend-t-on dire dans Heathers une petite pimbêche pubère, énonçant ainsi le motto traditionnel du personnage archétypique de la prom queen. Cette jeune fille, toujours mignonne et bien foutue, on la voit traîner ses groles de teen movie en teen movie depuis maintenant plusieurs dizaines d'années, sous quantité de noms et de couleurs de cheveux différents. C'est souvent une belle salope qui finit par n'avoir ce qu'elle mérite (par exemple réveiller une Carrie douloureuse), quelque fois une fille bien ou même un vampire, mais ce n'est en tout cas jamais une adulte. Pourtant, si « le lycée est un rite de passage avant la vraie vie », comme le dit si bien notre spécialiste locale du teen movie, on est bien en droit de se demander ce qu'il advient des filles populaires une fois qu'on les sort de leur environnement naturel à coups de diplômes et de majorité. Est-ce qu'un poisson hors de l'eau peut réapprendre à être sexy ? C'est précisément la question que se pose Young Adult.

Le personnage principal de Young Adult, Mavis Gary, fut un temps la coqueluche de son lycée, celle dont tout le monde veut absolument être l'ami tout en la détestant secrètement. Pourtant, une vingtaine d'années plus tard, la voilà devenue ghost-writer (pas exactement, mais faisons comme si), anti-star au possible, ombre d'une autre qui récolte les lauriers à sa place. Les histoires de victimes adolescente qui s'épanouissent pour faire de leurs expériences malheureuses une force sont faciles à raconter et à faire accepter ; elles sont réminiscentes de cette vieille fable américaine de l'underdog qui finit à la tête d'une multinationale (hello A la recherche du bonheur). La popular bitch, en revanche, est un matériau bien plus délicat à manier, tant on est a priori peu prédisposés à l'accepter comme moteur d'empathie. En bon misanthrope, c'est pourtant à un personnage d'insupportable reine déchue que s'intéresse ici Reitman, avec en supplément la victime-qui-ne-s'est-jamais-relevée (un quasi-tabou), ici mise face-à-face avec son traditionnel arch-nemesis, l'handicapé-plus-fort-que-les-valides :


T'es une sacrée merde, extrait de Young Adult

Secrets de polichinelles

(Attention le spoiler arrive)

Si on met en regard Juno et Young Adult, on découvre la fascination apparente de Diablo Cody pour les adolescentes enceintes et les conséquences psychologiques que peut avoir la grossesse sur elle. Dans Juno, Ellen Page cherche avant tout à se débarrasser d'un encombrement qui l'empêcherait symboliquement de continuer à être une adolescente, tout en arpentant presque malgré elle un parcours initiatique de 9 mois duquel elle ressortira plus mature et paradoxalement prête à devenir une adulte accomplie. La Charlize Theron de Young Adult, elle, s'est vu refuser le choix de Juno (qui pouvait avorter, garder le bébé ou le donner) et a fait une fausse couche à l'adolescence, ce qui se révèle vers la fin du film être la cause principale du syndrome de Peter Pan aigu dont elle souffre. Après avoir animé depuis 2007 des polémiques faisant d'elle une subversive militante anti-avortement, voilà donc que la seule scénariste star d'Hollywood nous annoncerait que pour devenir une femme, une adolescente doit forcément mettre au monde un enfant ? Hardcore et régressif...

Mais n'allons pas si vite en besogne, car si le tout-Hollywood s'est trop vite empressé de porter Diablo Cody aux nues, ses détracteurs ont été encore plus rapides à la crucifier sans même prendre le temps d'analyser ses films. Finalement, cette histoire de bébé est moins une opinion de Diablo Cody elle-même qu'une excuse que se donne son personnage pour se complaire dans sa déresponsabilisation permanente et son alcoolisme. Cette posture est pour elle le dernier rempart de protection face à ce monde extérieur qui fascine autant qu'il terrifie les adolescents ; ce n'est pas pour rien qu'elle enchaîne les coups d'un soir depuis un mariage raté mais retourne à ce qu'elle connaît déjà (sa vie et ses amours de lycéenne) pour y trouver ce qu'elle espère être une relation sérieuse. Cette situation trouve un parallèle dans son incapacité à écrire le dernier tome de sa série pour jeunes adultes, qui marque logiquement la fin de la scolarité de ses personnages? La mise en abîme est facile, mais pertinente. Alors que les ados de teen movies se plaignent continuellement de leur situation d'ados ; Young Adult est l'histoire d'une adulte regrettant son adolescence, comme une suite en négatif dépressif offerte au genre tout entier.


Au magasin de vêtements, extrait de Young Adult

I Don't Wanna Grow Up

Rempli d'alcool et de cruauté, ayant pour motifs le culte de l'apparence et l'anxiété adolescente et culminant lors d'une grande fête réunissant une petite communauté de connaissances, Young Adult emprunte énormément au genre du teen movie, jusque dans sa structure de récit initiatique vers l'âge adulte. Nos bon vieux archétypes y apparaissent avec quelques rides de plus, des enfants, des bagues aux doigts, des prêts sur le dos et un permis de conduire dans la poche, et tous finissent au bout du compte par se ressembler et être interchangeables. Les seuls personnages réellement profonds de Young Adult sont ses deux personnages principaux, l'ex-prom queen et l'ex-victime, qui ont justement en commun de n'avoir pas grandi. D'ailleurs, au bout du compte, Mavis Gary n'apprend pas réellement à se conformer au monde des adultes tel qu'il est décrit dans le film, mais plutôt à reconnaître que son passé n'était pas réellement si brillant que ça, et que pour être épanouie, elle doit cesser de se considérer comme une prom-queen déchue et remettre sa couronne en place.

Jason Reitman, c'est bien connu, est un cynique qui se plaît à filmer les personnages que tout le monde déteste. Il n'aime pas les teen-movies, et est lui-même bien loin de l'état d'esprit d'un adolescent. Pourtant, avec Young Adult, il refuse les conventions voulant que la seule issue que puisse trouver une grande adolescente mal dans ses pompes est le passage à l'âge adulte. Ce faisant, il signe bel et bien, malgré les apparences, la plus belle déclaration d'amour qu'on puisse faire à une adolescence qui, n'étant pas une maladie honteuse, n'a pas besoin de trouver un remède dans la maturité. Il devient ainsi l'auteur du posteen movie ultime, aussi bougon, désagréable et de mauvaise foi que peut l'être un adolescent en crise, mais qui touche pourtant au sublime dans sa glorification de la cristallisation de l'âge ingrat. Les adultes, on les emmerde.


Une fille qui a du chien, extrait de Young Adult

Mais au fait, avez-vous écouté...

La Music Box Young Adult

Image : ©Paramount Pictures

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1 commentaire
  • yfeldhendler
    commentaire modéré le film parle aussi beaucoup de l' opposition grande ville/petite ville (un vieux thème du cinéma)petite ville lieu de ragots, grande ville lieu d'anonymat et d' opportunités mais avec de la solitude dans les 2 lieux.
    1 avril 2012 Voir la discussion...
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