Une pub huée dans les salles de cinéma : Shalimar ou le parfum de l'infamie
Difficile de l'éviter quand on va régulièrement au cinéma, la nouvelle pub du parfum Shalimar de Guerlain exaspère les cinéphiles...
La scène a lieu tous les jours, à chaque séance. La mannequin Natalia Vodianova s'éveille dans une lumière évanescente tandis que, dans la salle, les sièges et les dents commencent à grincer. Les spectateurs assidus qui se sont déjà maintes fois infligé le supplice redoutent le coup fourré dès que les lumières commencent à baisser, signe de l'emplacement préférentiel dédié au spot, juste avant le film.
Moment sublime à l'UGC Les Halles : la pub Shalimar commence et là, de tous les coins de la salle retentissent des "nooon!", "pas ça!!" etc.
— Anna Marmiesse (@lucyinthesky4) September 16, 2013
Et puis le machin dure, étalant grossièrement son esthétique de grand magasin pour nous raconter... quoi ? Pas grand chose. 5 minutes 45 plus tard, le truc s'achève enfin et la salle soupire et parfois siffle. On entend quelques rires gras et des «Tout ça pour ça !» avant que, tant bien que mal, le public rassemble ses esprits pour ce qu'il était venu voir initialement : un film de cinéma.
On retrouve sans trop de mal sur twitter les violents cris du coeur de cinéphiles agacés :
Combien d'abonnés UGC illimité mettent chaque jour fin à leur vie car ils ne pouvaient supporter une fois de plus la pub #SHALIMAR ???
— Juliet. (@DonGonDoIt) September 18, 2013
Cette satanée pub Shalimar qui réussit quand même à te faire ressentir la mort pendant près de 5mn dès que tu vas au cinéma : 0/10
— JeNoteTout (@JeNoteTout) September 16, 2013
Je dois d'ailleurs avouer à ce stade ne pas avoir été le dernier à cracher moi aussi ma bile :
#lesgens qui ont contribué d'une quelconque manière à la pub Shalimar et sa diffusion au cinéma avant le film sont la lie de l'humanité.
— David Honnorat (@IMtheRookie) September 13, 2013
Mais que peut bien avoir de si spécial ce « court-métrage », comme ont convenu de l'appeler les spécialistes, pour provoquer une telle exaspération ?
Sa longueur d'abord, qui énerve tout le monde mais aussi en particulier les distributeurs de films qui se refusent de tels excès pour les bandes-annonces, mais aussi son emplacement, préférentiel donc (c'est à dire avant le film, lumières éteintes), habituellement réservé aux bandes-annonces justement. On ne s'attardera pas sur ce que le clip a de sexiste ou de raciste (c'est aussi ça l'esprit Guerlain) tant c'est un lieu commun quand il s'agit de parler de publicité, car ce que révèle ce virulent rejet est plus profond.
Car dans l'érection spontanée d'un Taj Mahal en toc, c'est le cinéma qu'on assassine. En premier lieu, la publicité a engagé un budget de production de 4 millions d'euros, ce qui signifie que si vous la voyez en ce moment avant Miele, La Bataille de Solférino ou Alabama Monroe, le film pour lequel vous avez payé votre place aura coûté (beaucoup) moins cher. Evidemment la pub rapporte in fine de l'argent à la filière ou en tous cas aux salles qui la diffusent, mais le préjudice est plus insidieux. En effet, La Légende de Shalimar (oui pardon, le «court-métrage» a un titre) contribue encore un peu plus à démystifier le cinéma en nourrissant le cynisme du spectateur. Non, définitivement, les films de Terrence Malick ne ressemblent pas à des pubs pour le parfum, ce sont ces images creuses et sinistres qui s'évertuent, à coups de millions et de couchers de soleil, à ressembler à des films de Terrence Malick. Si enfin on hésite à pardonner à Hans Zimmer de s'être ainsi compromis en signant la musique, on le remerciera de n'avoir fait que céder les droits du morceau Chevaliers De Sangreal jusque là associé à la BO d'un des pires navets de sa filmographie (Da Vinci Code), évitant ainsi de souiller le souvenir de La Ligne rouge, Thelma et Louise ou Inception.
Et avec tout ça, mine de rien, l'envie d'aller au cinéma s'estompe un peu, comme les effluves imaginaires, pornos et même pas chics, de ce parfum hideux.
J'ai prévu d'aller au cinéma mais j'ai peur de me farcir la pub Shalimar...
— alexandre mathis (@alexandremathis) September 21, 2013
J'étais au cinéma, j'attendais mon film et aucune pub Shalimar n'était projetée sur l'écran. Et puis je me suis réveillé... #Beurk #Enough
— Eric Laroche (@erictherock) September 24, 2013
Pourquoi les gens telechargent? Pour ne pas à avoir subir les pubs Dior et Shalimar au cinéma.
— cinephilme.com (@cinephilme) September 18, 2013
Si par pur masochisme vous souhaitiez vous l'imposer, la «Légende» est aussi à portée de clic...
Les grandes marques du luxe ont développé les produits derrivés ces quinze dernières années et font exploser leurs bénéfices avec. Maintenant tout le monde peut s'acheter du Dior ou du Vuiton. Et tant pis si contrairement aux vestes ces articles ne sont pas manufacturés en France mais fabriqués à la chaîne par les mêmes petits Asiatiques qui fabriquent pour Camaïeu ou Celio : ça joui de la même image de luxe que les robes tout en étant vendu bien plus cher qu'une ceinture Camaïeu. Mais mille fois moins cher qu'une robe sur mesure que madame Michu n'aurait pas pu s'acheter alors que lâ c'est juste deux mois d'économies. Au final tout le monde est content. Sauf les cinéphiles, qui n'aiment pas non-plus madame Michu car elle prend du popcorn.