Le Bon Plan : Saison 2 de l'émission qui décrypte les bonnes idées de cinéma
L'émission qui décrypte les bonnes idées de cinéma revient pour une deuxième saison ! Le principe reste le même : décrypter en quelques minutes de bonnes idées de cinéma. Et pour les plus joueurs d'entre vous, un cadeau : 5 euros dans la cagnotte Vodkaster de la première personne à indiquer dans les commentaires le titre du film avec les écrans dans lequels ont été incrustés les autres.
Pour vous remercier de votre soutien, de vos encouragements et de votre motivation, qui ont rendu possible cette deuxième saison de l'émission, j'ai sélectionné ici un petit panel de vos Bons Plans à vous...
On commence avec un extrait de Oslo, 31 Aout, signalé par Julien. Dans ce film, Anders tente de retrouver une vie normale après une période passée en désintoxication. Il se rend à un entretien d'embauche pour obtenir un poste de journaliste. Au début, tout se déroule bien. La caméra est fixe, probablement montée sur un pied, et Anders occupe la partie gauche de l'image, ce qui, dans la grammaire cinématographique classique, indique une position de force – de même que dans les vieux westerns, les cow-boys cavalent de gauche à droite. Au milieu de l'entretien, le directeur du journal se lève pour refermer la fenêtre, parce que les bruits de la ville dérangent leur conversation. Lorsque le dialogue reprend, Anders est cette fois filmé à droite du cadre. Cette rupture surprenante sort le spectateur du confort dans lequel il s'était installé : c'est le moment où l'entretien bascule, où Anders va perdre son aisance et se laisser petit à petit envahir par ses sentiments. La caméra est maintenant tenue à l'épaule : on voit le cadre perdre en stabilité et se mettre à trembler légèrement. C'est un exemple typique de mise en scène au service des émotions ressenties par les personnages.
Le Bon Plan - Episode bonus par lebonplanlemission
On enchaîne avec une remarque de Joseph à propos de la scène d'introduction de Feux croisés, qui montre un meurtre dont l'élucidation fera ensuite l'objet de tout le film. C'est un élément de décor tout simple, la lampe de chevet, qui va permettre de nourrir la scène : elle crée d'abord un effet esthétique d'ombres chinoises, qui contraste avec la violence de la situation; puis un effet de suspens lorsqu'elle tombe et s'éteint. Enfin, une fois rallumée, elle n'éclaire plus que la partie inférieure du cadre, cachant les visages des personnages mais nous donnant quand même quelques premières pistes de réflexion, notamment sur la présence d'un troisième homme dans la pièce, qui semble avoir assisté passivement à la scène. En moins de quarante secondes, Dmytrik a planté tous les éléments de son intrigue.
Aurélia est allé trouver un plan qui justifie à lui seul qu'on cesse de qualifier à tort et à travers de "mineures" la plupart des comédies américaines, et plus particulièrement celles avec Adam Sandler. Dans Amour et Amnésie, Henry, assis au bar, est ébloui par une lumière. Lorsqu'il lève les yeux, il s'aperçoit qu'il s'agit du reflet d'un rayon de soleil sur le couteau de Lucy... et tombe ainsi amoureux d'elle. Ca n'a l'air de rien, mais Peter Segal a tout simplement mis en image l'expression "taper dans l'oeil". Lucy a en effet littéralement ébloui Henry. C'est exactement ce qu'on appelle une idée de cinéma. Aussi simple que belle.
David nous rappelle lui aussi que la mise en scène ne se résume pas à des mouvements de caméra complexes ou à des effets spéciaux chiadés. Dans Ma nuit chez Maud, toute la tension de la scène centrale, longue de presque trois quarts d'heure, réside dans le fait de savoir si Jean-Louis va succomber au charme de Maud. Après avoir beaucoup discuté ensemble, Maud se couche et lui propose de la rejoindre dans le lit. Jean-Louis choisit d'abord de dormir sur le fauteuil, puis la rejoint finalement, mais en restant sur le lit, enroulé dans une couverture. Au petit matin, il se glisse sous les draps, pénétrant ainsi dans le territoire de Maud. Elle le prend dans ses bras et, pendant un instant, il lui rend son étreinte, avant de la repousser, sans doute travaillé par ses principes. C'est alors que Maud s'échappe vers la salle de bain et délimite cette fois, en claquant la porte, une frontière imperméable et définitive entre eux. C'est la porte fermée, une autre expression rendue visuelle, qui met un terme aux débats. Ou comment un geste aussi trivial peut s'avérer le plus puissant pour venir conclure une situation qui avait épuisé toutes les autres solutions de mise en scène – des cadrages aux dialogues, en passant par l'utilisation de l'espace.
Que ceux qui n'ont jamais vu Fight Club ne lisent pas la suite ! Les autres se réjouiront certainement de la remarque de Sébastien sur les scènes où Marla discute avec le narrateur du film, joué par Edward Norton, après avoir passé la nuit avec Tyler, joué par Brad Pitt. Comme le fait d'ailleurs remarquer le narrateur lui-même, Tyler et Marla ne sont jamais dans la même pièce. Les mouvements de caméra surlignent ce fait étrange, en révélant la présence de Tyler dès que Marla n'est plus en position de le voir, comme ici, et, un peu plus tard, de la même manière ici. Ce n'est qu'après avoir compris qu'Edward Norton et Brad Pitt incarnent en fait le même personnage, qu'on repense a posteriori à l'ingéniosité de Fincher qui, par souci de cohérence ou plus simplement pour nous mettre la puce à l'oreille, ne nous montre jamais les trois personnages dans le même cadre.
Je vous remercie encore de m'avoir envoyé toutes ces idées, aussi variées que pertinentes, et j'attends vos propositions pour un prochain épisode bonus qui viendra conclure cette deuxième saison. En attendant, c'est de Blow-Up que nous parlerons la semaine prochaine.
Vous pouvez également soumettre vos idées de Bon Plan en vue d'un prochain épisode bonus en écrivant à cette adresse : lebonplanlemission@gmail.com
Merci