Le Bon Plan : comment Spielberg a fait d'Indiana Jones une icone
Un rapide coup d'oeil à l'image ci-dessous vous suffira à reconnaître ce héros de cinéma. Voyons comment Spielberg a trouvé le bon plan pour rendre la silhouette de son personnage parfaitement iconique...
Indiana Jones et les aventuriers de l'arche perdue, réalisé par Steven Spielberg en 1981, est le premier volet de ce qui deviendra l'une des saga les plus connues de l'histoire du cinéma. Regardez ce plan de coucher de soleil... Il semble des plus classiques, mais il n'est en fait pas anodin du tout, car il permet à la silhouette d'Harrison Ford de se détacher des autres, et de s'imprimer, littéralement, dans notre rétine et notre mémoire. C'est la naissance d'une forme, d'un contour, d'une ombre qui deviendra reconnaissable entre mille par la suite.
Le bon plan - Indiana Jones par lebonplanlemission
Même s'il manque le fouet dans ce plan, c'est grâce au chapeau, à la chemise et à la ceinture qu'Indiana Jones est aujourd'hui identifiable au premier coup d'oeil. Spielberg crée donc, en jouant sur l'ombre de son personnage tout au long du film, et tout particulièrement ici, une véritable icône, une marque de fabrique de la trilogie à venir, qu'il a déjà en tête à cette époque. Ce n'est pas le visage d'Indiana Jones qui représente le héros, qui le symbolise, mais bien sa silhouette. Pas de gros plan donc, mais ce plan large, à contre-jour... qui, en plus de sa beauté visuelle évidente, s'avère d'une redoutable efficacité commerciale.
Mais il y a un petit bémol.
Ce n'est bien sûr pas un hasard si au début du plan, Indiana Jones pose son foulard pour remettre son chapeau, qui est l'attribut le plus indispensable à son statut de héros... il s'apprête à prendre la pose, à parader fièrement sur la colline. Il en oublie même de creuser ! Heureusement qu'il a une dizaine d' "amis" qui semblent ravis de rendre ce service au grand Indiana Jones. Car, pour mettre en valeur une icône, il faut aussi ternir l'image de ses partenaires, ici relégués au rang de simple main d'oeuvre...
C'est un petit bémol que l'on retrouve tout au long du film, dans la vision un peu simpliste des autochtones, résumés à des coutumes et des gestes caricaturaux, et aux visées moins nobles que notre cher professeur... A Indy les découvertes et le chapeau, aux autres le soin de soulever les dalles de pierre.
Un bon plan, ça se partage... pensez à en faire profiter vos amis !
En partenariat avec Les fiches du cinéma.
Il est vrai qu'il est toujours plus facile de faire dire ce qu'on veut à un plan isolé, sans le remettre en contexte. On connaît la méthode. Le personnage d'Indiana Jones creuse lui-même au début de la séquence (cela, la vidéo le montre). Mais s'il se sépare de ses attributs "autochtones" au coucher du soleil, ce n'est pas dans l'édification d'une imagerie néo-colonialiste, mais tout simplement parce que le groupe creuse au milieu de troupes nazies dont la présence d'une silhouette coiffée d'un chapeau américain eût immédiatement attiré l'attention.
Non content de cet escamotage, l'auteur de l'article, sur le point de réécrire les droits de l'homme et du citoyen à partir d'une analyse biaisée d'un film de Spielberg, dénonce la vision simpliste des "autochtones" (bis) dans le film. Sans blague. On se demandait justement qu'attendre d'un film qui diffuse, pêle-mêle, une vision simpliste de l'archéologie, de l'Ancien Testament, sans parler de la lutte entre le bien et le mal. Un mémoire détaillé sur les classes populaire égyptiennes entre les deux guerres sans doute. Las.
Au final, ce qui est dommage avec cette pseudo-analyse, c'est que non content de dénoncer ce qu'il croit voir au lieu de décrire modestement l'image, la portée principale du plan échappe à l'auteur de l'article : l'hommage, aussi évident que simplissime, de Spielberg à l'un des films qui détermina sa vocation, au film de David Lean Lawrence of Arabia. Il suffit de réentendre Spielberg lui-même parler de l'impression indélébile que produit sur lui, au cinéma, le plan du crépuscule dans le désert, pour comprendre le cinéphile qui a conçu le plan.
Concernant le bémol il y a effectivement lieu de prendre des pincettes (ce que fait l'auteur) et, comme pour l'identification de l'icone, la faiblesse consciente vient du fait que l'analyse est rétrospective. Si le film avait fait un flop, Indiana Jones n'aurait jamais pu être une icone à nos yeux...
Je trouve la polémique d'Ehplodor un peu stérile, mais je le rejoins sur un point : l'extrait choisi n'est pas le meilleur pour élaborer un vrai discours sur la façon dont Spielberg construit la figure mythique d'Indiana Jones..
L'incipit convenait bien mieux et l'avantage, c'est qu'il porte déjà en lui certains éléments récurrents de la saga : fondu du logo de la Paramount avec les montagnes, silhouette qui se dessine dans la jungle sud américaine (le héros et ses attributs),... Spielberg installe une silhouette reconnaissable avant même de donner un visage à son héros : l'attente suscitée permet déjà de donner au personnage une densité, une histoire, un passé... N'oublions pas deux sources d'inspiration à l'origine de cette saga : James Bond et la bande dessinée d'aventure (Hergé notamment).
Pour l'analogie avec l'espion de sa Majesté, il est surtout question d'archetypes héroïques, de positionnement de production et de ressorts narratifs. En ce qui concerne la BD, la typo du film, les affiches, le marketing,... Ça semble plutôt évident ! Sans parler de la mise en scène qui s'éloigne rarement d'un storyboard très inspiré de l'univers d'Hergé..
Ce qui fait un bon lien avec les commentaires amers d'Ehplodor : effectivement dans l'univers d'Indiana Jones, les Nazis sont cruels, les Français arrogants, mais il faut avouer que les "autochtones" sont rarement traités avec plus de finesse que dans Tintin ! À l'image de toute la production hollywoodienne, le film s'inscrit dans une typologie caricaturale et simpliste du monde au sein de laquelle les populations locales font partie du décor (il en va de même pour Paris et ses cohortes surannées de bonnes sœurs, d'enfants en culottes de velours, de cyclistes coiffes de bérets et armés de baguettes,..).
Je ne voyais pas trop le sens du débat, mais c'est un plaisir de lire des commentaires passionnés ! Lorsqu'il est question d'analyse de séquence, je ne sais pas s'il peut vraiment y avoir une vérité ... Allez faites vous un bisou et rendez-vous aux prochains épisodes !
Bon courage Bargeot !