Pourquoi faut-il défendre Maïwenn quand on l'accuse d'hystérie ?
Les critiques ne sont pas toujours agréables à lire. Maïwenn, l'une des figures de proue – qu’on le veuille ou non – du cinéma français contemporain, le sait mieux que personne, elle qui s'est habituée à ne pas faire l’unanimité. Son dernier film, Mon Roi, sorti le 21 octobre, avec les talentueux Vincent Cassel et Emmanuelle Bercot (Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes) ne déroge pas à la règle; adoré par les uns, honni par les autres. Mais à bien observer les avis négatifs, il semble que les détracteurs de Mon Roi se soient mis d’accord sur un chef d’accusation : le film serait « hystérique ». Bim, c’est dit ! « Mon Roi, le bal des hystériques » (Libération), « Un téléfilm hystérique sur la Croisette » (Ecran Large), « Le cinéma de Maïwenn se complait dans l’hystérie la plus ostentatoire » (Les Cahiers du Cinéma), « Tout est sujet à violence, surexcitation, hystérie permanente. » (Les Inrocks), etc. Face à ce qualificatif injuste et sexiste, nous nous ferons forts, mesdames et messieurs les jurés, de prendre la défense de la réalisatrice.
Dans les films de Maïwenn, comme au pays de Candy, on s’amuse, on pleure, on rit (et on crie aussi). Cette « montagne russe des émotions » (Télérama) doit-elle pour autant être désignée comme de l’hystérie ? Selon Le Petit Larousse, l’hystérie est une « structure névrotique de la personnalité, caractérisée par la traduction en symptômes corporels variés de représentations et de sentiments inconscients ». Tout un programme ! Parler d'hystérie obéit donc à un diagnostic lourd, comme si la réalisatrice et ses films souffraient d'une pathologie qu'il faudrait s'empresser de traiter.
Des circonstances atténuantes
Si tant est que Mon Roi et le cinéma de Maïwenn en général soient hystériques, il serait bon d’avoir à leur égard un peu de compassion : l’hystérie étant une névrose, quelle cruauté à pointer du doigt aussi sévèrement une personne vivant ainsi dans la souffrance ! On exagère puisque ces critiques ne visent pas Maïwenn personnellement mais son travail de réalisatrice, reste à savoir si ça ne revient pas au même... Laissons cette question en suspens et appelons à la solicitude des jurés, en remontant à la jeunesse de l'accusée. Il serait bon de rappeler sous quels auspices a démarré la carrière de Maïwenn. Auprès de quelle grande actrice - que disons-nous ? Auprès de quel mythe ! - a-t-elle débuté alors âgée de 6 ans seulement ? De qui a-t-elle interprété le personnage enfant dans un chef-d’œuvre de 1983 ? Celui d’Isabelle Adjani dans L'Eté meurtrier de Jean Becker.
Débuter auprès d’une telle actrice - qui plus est, en interprétant un personnage né d’un viol et qui finit complètement fou - a de quoi laisser des traces. A la suite du tournage de L’Eté Meurtrier, la jeune Maïwenn reste totalement fascinée (c’est elle qui l’a dit chez Alessandra Sublet) par son illustre ainée. Sauf qu'Isabelle Adjani n’est pas réputée pour être la personne la plus saine d’esprit dans le métier. On ne compte plus les rôles (récompensés par cinq César, dont quatre saluant des compositions troublées mentalement) à travers lesquels celle-ci a dévoilé un jeu fou et excessif, flirtant souvent avec la fameuse HYSTERIE (en plus de L’Eté meurtrier, citons Possession peut-être la performance la plus HYSTERIQUE de l’histoire du cinéma, mais aussi Camille Claudel, Toxic Affair...). Cette passion aliénante a laissé des traces. Rappelons, qu'à l'instar de Maïwenn, Adjani fut décriée. L'actrice, loin de faire l'unanimité, a bien longtemps vu le revers de la médaille de son talent jalousé et souvent attaqué (le scandale du Festival de Cannes 1983 où les photographes refusent de prendre en photo la star, la fameuse rumeur du SIDA en 1987). Maïwenn a avoué à Alessandra Sublet que sa fascination pour Adjani était aussi liée au fait que cette dernière et la mère de Maïwenn ont des origines communes : « C’était particulier avec Adjani, ma mère et elles ont le même âge, elles sont algériennes métissées, et elles ont, en plus, été dans le même lycée, la même banlieue ». Cette mère, Catherine Belkohjda, désavouée par Maiwenn elle-même, sera qualifiée - on vous le donne en mille - d’HYSTERIQUE par Isild, cadette de la fratrie Le Besco, dans une interview donnée aux Inrocks. Aussi, nous vous demandons, messieurs les critiques, un peu de respect à compter de ce jour. A supposer que le cinéma de Maïwenn soit hystérique, il a bel et bien de bonnes raisons de l’être !
Un réveil du sexisme ?
Après avoir épluché et décortiqué les critiques de Mon Roi dans la presse, le constat saute aux yeux : les femmes ont préféré le film. Premièrement, les quatre extraits de critiques que nous avons cités plus haut dans l’introduction proviennent de quatre esprits masculins (respectivement Louis Séguin, Jean-Baptiste Morain, Clément Ghys et Simon Riaux). D’autre part, l’équipe rédactionnelle de Télérama illustre parfaitement cet étrange phénomène de division entre les deux sexes ; la critique de Mon Roi étant un pour et contre, où Guillemette Odicino, la femme, défend le film que Pierre Murat, l'homme, se fait fort de descendre. Mon Roi serait-il un film de filles, un chick flick ? Peut-être, en tous cas, ce ne serait pas le premier film à s’accorder les faveurs d'un public majoritairement féminin. Mais pourquoi entraine t-il une telle antipathie de la part du sexe dit fort ? Messieurs, pourquoi cet acharnement à vouloir désigner le film comme HYSTERIQUE ? Complexe d'infériorité phallocratique ?
La qualification « hystérique » est belle et bien machiste. Elle est restée associée aux femmes pendant de nombreuses décennies, mais nous ne sommes plus au XIXème siècle. Freud est mort depuis longtemps, et il a été prouvé que cette névrose peut toucher aussi bien les hommes que les femmes. Aujourd'hui pourtant, et bien trop souvent d'ailleurs, les femmes sont encore majoritairement qualifiées d'hystériques. Un jugement en forme d'accusation facile, qui tombe sur celles qui ont la mauvaise idée d'élèver un peu trop la voix, de « faire un caprice » ou de tenir tête à des hommes qui n'aiment pas du tout ça. D'ailleurs, il n'y a pas qu'au cinéma qu'on trouve des « hystéros ». Les arts en général en sont infestés, comme ont pu le constater Patti Smith et Christine and the Queens, sûrement très heureuses de savoir qu'elles en étaient, simplement parce qu'elles changeaient d'éditeur ou revendiquaient leurs choix.
Des hommes trop bousculés
Le malheur de Mon Roi, si malheur il y a, est de dévoiler la passion destructrice de deux personnages et, comme dans toute passion amoureuse, au cinéma ou dans la vie, on crie, on s'engueule, on s'insulte parfois (le TUTOTAL consacré au film l'a bien compris, avec humour). Il n'en faut pas plus pour exciter la mauvaise foi des critiques masculins, qui n'apprécient pas quand ça parle trop fort. Soyez corrects messieurs s'il vous plait, avouez tout de même que le cinéma de Maïwenn n'a rien à voir avec celui d'un Andrzej Zulawski qui, lui, peut définitivement être considéré comme HYSTERIQUE.
A l’instar de Maïwenn, plusieurs femmes cinéastes ont émergé ces dernières années dans le cinéma français : Noémie Lvovsky, Céline Sciamma, Valérie Donzelli et Emmanuelle Bercot, elle-même réalisatrice de talent. Si chacune à un univers particulier, un talent indéniable et une sensibilité évidente, il est clair que Maïwenn, si elle n'est pas forcément la plus talentueuse (on vous laisse le soin d'en juger), a construit la filmographie la plus explosive et la plus musclée d’entre toutes, esthétiquement parlant. Les critiques que nous critiquons semblent confondre l'hystérie avec l'énergie.
Maïwenn privilégie l’énergie dans sa mise en scène. Elle préfère l'émotion forte, la puissance, à une émotion plus douce, à la subtilité, que choisissent généralement ses consoeurs (même si La Tête haute de Bercot et Bande de filles de Sciamma sont des exceptions à la règle). C’est peut-être ce manque de légèreté, de fragilité, qui choque et rebute des hommes qui estiment qu'un film fait par une femme doit être plus délicat. Maïwenn est-elle donc trop masculine pour les hommes ? Rappelons que la réalisatrice avait ému les réseaux sociaux en affirmant que metteur en scène était « un métier qui fait appel aux hormones masculines ». Les hommes ont-il peur de Maïwenn ? Peut-être, mais si tel est le cas, puisse-t-elle les effrayer de cette manière encore longtemps. Car il serait dommage de priver le public d'un tel talent. C'est à cause de l'acharnement qu'une Adjani bafouée, conchiée, a pris ses distances, privant le cinéma de son talent. Espérons que Maiwenn ne marche pas jusque là dans les pas de son illustre idole. Et pour cela, mesdames et messieurs les jurés, il n'y a qu'une décision à prendre : la relaxe.
Après il est évident que Maiwenn appuie un peu le tout par des procédés un peu faciles. Mais encore une fois le problème de Mon roi c'est qu'il est justement très sage.
Je n'aime pas.
Maiwenn faut séparer les scènes de son ensemble, certaines fonctionnent parfaitement, elles me touchent, c'est leur agencement qui pose parfois problème. Le final m'a vraiment ému quand malgré tout ce qu'il s'est passé, en regardant Cassel, elle retombe encore un peu amoureuse de lui.