Making-of : Le Hobbit et la technologie HFR, une révolution ?
Mercredi prochain, Le Hobbit va envahir les salles obscures françaises avec le premier volet d'une prélogie au Seigneur des Anneaux qui s'achèvera en décembre 2014. Bien au-delà de la qualité du film, c'est la technologie encore expérimentale des 48 fps utilisée sur le tournage par Peter Jackson qui cristallise l'attention des plus geeks d'entre-nous. Le High Frame Rate (HFR) offrira-t-il l'expérience spectaculaire promise ?
Est-on à l'aube d'une nouvelle ère cinématographique comme celle provoquée par la généralisation du relief il y a (déjà) trois ans ? On anticipe sans mal la kyrielle de débats enflammés autour de LA révolution qu'apporte Le Hobbit : un voyage inattendu : le High Frame Rate.
48 fps, HFR... qu'est-ce que c'est ?
Mais qu'est-ce donc me direz-vous ? Le HFR est une technologie de projection à haute vitesse procurant des sensations accrues d'ultra-réalisme. Depuis les balbutiements de l'art cinématographique, les longs-métrages sont traditionnellement diffusés en salles au rythme de 24 images par seconde. La technologie HFR en propose le double, soit 48 images par seconde, soit une infinité de détails et d'informations supplémentaires perçus par chaque oeil. Et si l'on ajoute à cela l'immersion 3D, vous comprenez aisément qu'il y aura un avant et un après HFR.
Peter Jackson, qui a tourné The Hobbit à l'aide de caméras numériques Red Epic 5K, décrit le format en ses mots : « Tourner à 48 fps crée un rendu beaucoup plus fidèle à la réalité. En réduisant le flou cinétique de chaque image, on améliore la netteté, ce qui donne l'impression d'un film tourné en 65 mm ou en IMAX. L'un des principaux avantages, c'est que votre oeil voit deux fois plus d'images à la seconde et que vous êtes remarquablement plongé dans l'action. L'expérience de la 3D devient nettement plus plaisante et vos yeux se fatiguent beaucoup moins. ».
Une technologie qui fait débat
L'augmentation de la fréquence de l'image n'est pas une nouveauté. A la fin des années 80, Douglas Trumbull, pionnier des effets spéciaux qui a bossé sur 2001, L'Odyssée de l'espace et Blade Runner (excusez du peu), met au point le Showscan. Ce procédé porte la cadence de défilement du film à 60 images par seconde, un rendu hallucinant qui ne convainc pourtant pas les industriels, trop frileux à l'idée d'investir dans une technologie non adaptée aux salles de projection en place à l'époque. Les plus nostalgiques se remémoreront l'UGC Ermitage à Paris qui fut l'un des rares cinémas à en bénéficier. Il n'est plus possible aujourd'hui d'admirer le Showscan que dans des parcs d'attraction comme Universal Studios ou le Futuroscope.
Douglas Trumbull sur le tournage de Big Ball (1983) avec son Showscan
Reste que cette technologie est sujette à controverse. L'excès de réalisme ne risque-t-il pas de compromettre l'illusion cinématographique ? La pureté cristalline fait-elle disparaître le grain de pellicule si chéri des cinéphiles ? Oui, James Cameron, le grand pape de la technologie-ciné contemporaine, s'est d'ores et déjà engouffré dans la brèche ouverte par Peter Jackson, en annonçant il y a peu qu'il tournerait ses Avatar 2 et 3 en 3D HFR. Et pourtant, les premières réactions des critiques américaines sont pour le moins... glaciales.
« Le HFR peut créer une sorte de nausée dans les scènes chaotiques où les mouvements sont nombreux » écrit Collider. « C'était comme voir un Blu-Ray passé à la vitesse 1,5x » ajoute The Wrap. Même son de cloche du côté de Badass Digest, qui qualifie le HFR de « complètement anti-cinématographique. L'illusion et la magie du cinéma sont complètement dépouillées... ». Aintitcool est plus tempéré dans ses propos, arguant qu'il s'agit de « l'avenir du cinéma... Mais il reste encore des choses à corriger. Beaucoup de choses ! ». The Playlist a été en revanche séduit : « Le 48 fps est dur à regarder et très déconcertant... jusqu'au moment où il ne l'est plus. La 3D HFR est vraiment à couper le souffle. ».
Où voir le film en HFR ?
Alors, moment clé dans l'histoire du cinéma ou erreur de parcours ? Chacun se fera sa propre opinion et pour cela, rien de mieux que d'admirer l'epic fantasy de Peter Jackson dans l'un des 29 cinémas Gaumont et Pathé équipés pour projeter le 48 fps :
- Paris : Gaumont Aquaboulevard, Gaumont Champs Elysées Marignan, Gaumont Opéra (côté Capucines), Gaumont Parnasse, Pathé Wepler.
- Périphérie : Gaumont Carré Sénart à Lieusaint, Pathé Belle-Epine à Thiais, Pathé Conflans à Conflans Sainte Honorine, Pathé Quai d'Ivry (en IMAX HFR)
- Province : Gaumont Amiens, Gaumont Angers Multiplexe, Gaumont Archamps, Pathé Avignon Cap Sud, Gaumont Talence Universités, Pathé Chambéry Les Halles, Pathé Chavant à Grenoble, Gaumont Docks Vauban Le Havre, Pathé Bellecour et Pathé Vaise à Lyon, Pathé Plan de Campagne à Marseille, Gaumont Montpellier Multiplexe, Pathé Atlantis à Nantes, Pathé Lingostière à Nice, Gaumont Rennes, Pathé Docks 76 à Rouen, Pathé Brumath à Strasbourg, Pathé Grand Ciel à Toulon, Gaumont Wilson à Toulouse, Gaumont Valenciennes.
N'hésitez pas à nous donner votre avis sur le HFR ! En attendant, voici 20 minutes de making-of tout frais en provenance de la Terre du Milieu. Si vous souhaitez éviter les spoilers à tout prix, il est toutefois recommandé d'attendre d'avoir vu le film :
Images : © Warner Bros, Showscan Film Corp
Après dans les faits, il ne faut pas s'arrêter à la théorie. Dans le cas de la pellicule, le processus même de tirage de copies depuis le négatif entraîne une dégradation. A part dans les grands festivals on ne voit jamais une copie film parfaite dans les salles. Le numérique a l'avantage de pouvoir être parfaitement reproduit à l'infini, et sans usure. Les projections numériques sont aussi plus stables, ce qui peut donner une sensation de meilleure netteté.
Les réalisateurs de Baraka et Samsara expliquent ça très bien dans un article où ils justifient le choix de la distribution en numérique et non en 70mm. En scannant le négatif à 8K et en le projetant en 4K ils trouvent que ça tient vraiment bien la route et dans certains cas peut même sembler meilleur. La taille de l'écran de projection entre aussi en jeu bien sûr.
Donc la "qualité" brute est un peu un leurre. Le 2K c'est à peine quelques pixels de plus que la TV HD mais on peut arriver à d'excellents résultats. Skyfall ou Hugo Cabret ont été tournés en 2K et sont loin d'être crados. Les Bêtes du Sud Sauvage et Moonrise Kingdom ont été tournés en pellicule 16mm et une fois bien scannés on arrive à une image qui a du corps, la matière du film et la netteté du numérique.
Beaucoup de réalisateurs et de chefs op' qui tournent en 4K sont même gênés par cette image trop nette, et rajoutent des filtres en post prod pour adoucir l'image en la floutant légèrement pour retrouver la douceur de la pellicule. Un gros plan sur un visage où on voit les pores de la peau et les grains du maquillage c'est le pire cauchemar des chefs op.
Donc le choix de réals comme Tarantino et de certains chefs op de travailler en pellicule tient aussi d'un choix artistique, comme un peintre qui préfère travailler avec des pigments particuliers plutôt que de l'acrylique industrielle. Ils savent aussi exactement ce qu'ils peuvent en attendre, parce qu'avec 100 ans d'expérience technique c'est aussi un choix qui peut être rassurant, quand la nouveauté du numérique peut donner de mauvaises surprises.
Alors oui @IMtheRookie quand on tourne en 35 le film est scanné et on monte en numérique dans 99% des cas, il y a effectivement un code sur le négatif qui est reporté sur les fichiers et qui sert à faire le montage négatif pour tirer des copies 35.
Des réalisateurs comme Spielberg et Nolan continuent à monter sur des tables pellicule, souvent pour la beauté du geste et pour les sensations, parce que faire défiler de la pellicule, la prendre dans ses mains, la couper physiquement c'est incomparable à des clics de souris. Et c'est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup, sur une table pellicule on peut travailler debout beaucoup plus facilement que devant un ordi, et passer 12h assis devant un moniteur d'ordi c'est chiant.
C'est quand même loin d'être une petite caméra HD classique, ce qui explique aussi son rendu assez bluffant.
Je ne fais pas trop ça d'habitude mais j'en parle plus en détails par ici : http://www.filmosphe...a-revolution-du-hfr/
Dans tous les cas, je ne peux que vous conseiller de tenter l'expérience.
A noter également qu'en France, Walygator (ex Walibi Schtroupf en Lorraine) était équipé d'une telle salle.