On a testé le cinéma LED : la télévision est-elle le futur des salles obscures ?
Le 20 février dernier, le Pathé Beaugrenelle lancait son premier écran “émissif” à leds, c’est-à-dire sans projection. Pour savoir ce que le gadget avait dans le ventre, on est allé à la première du Chant du loup d'Antonin Baudry. Mais en fait de gadget, on a peut-être assisté en direct à la mort du cinéma tel qu'on l'a toujours connu. Le Chant du cygne ?
Fiat Lux
Alors qu'on se rendait sur les bords de Seine, où trône le très disruptif et chatoyant Pathé Beaugrenelle dans le 15e arrondissement (4DX, Imax, etc.), on s'est arrêté tout net : “mais au fait, comment appelle-t-on une projection-presse sans projection ? Une led-presse ? Une diffusion-presse ?” On n’a rien trouvé de satisfaisant, alors on a poursuivi vers le temple high-tech, lové dans son tentaculaire complexe commercial. La chose est encore naissante (un seul écran en France à l’heure où nous écrivons), mais c’est une réalité : on a pu voir un film (le sémillant Chant du loup) dans une salle de cinéma et ce, sans le moindre projecteur. Sans doute pas tout à fait aussi spectaculaire que pour les premiers spectateur de L’arrivée d’un train en gare de La Ciotat (1896), l’événement est quand même historique : le cinéma traditionnel est peut-être en train de disparaître. Fini le faisceau spectral, quasi divin, au-dessus de nos têtes : l’unique lumière réfléchie sur une toile blanche a disparu au profit d’une cohorte de milliers d’autres émises depuis un immense poste de télé de dix mètres sur cinq. En fait de télé, il s’agit plus précisément d’un entrelacs parfait de dalles carrées, elles-mêmes piquées de petites leds formant un gigantesque tablier noir. Encore extrêmement coûteux (davantage que les très onéreux projecteurs laser, c’est dire), on se demande bien pour quelles raisons ce dispositif éclipserait les rutilants phares qui colorent encore nos rêves.
Noir c’est noir
Les marketeux de la firme Samsung (qui commercialise la technologie) ont des arguments de poids : d’abord ce nouveau procédé signe la fin des cabines de projection, soit un gain de place considérable. L’occasion, lorsque la technologie sera démocratisée, d’augmenter son parterre de sièges ou de faire entrer le cinéma dans des surfaces jusqu’alors trop étriquées. Mais quid de l’expérience du spectateur ? A priori, plutôt bonne. Le contraste “infini” d’abord : pour former la couleur noire, les leds de l’écran s’éteignent, plongeant le cinéphile dans une véritable obscurité, quand l’ancienne lanterne magique continuait d'”éclairer la salle de noir”. C’est peut-être là une différence majeure, qui pourrait modifier la perception sensorielle et passant, le ressenti lui-même, jusqu’à – pourquoi pas – , changer la façon dont les cinéastes eux-mêmes investiront cette ombre : passer du “sfumato” d’une caverne faiblement éclairée au néant absolu. Cela paraît peut-être anodin, mais l’expérience a eu quelque chose d’inédit et d’assez stupéfiant (même si, il est vrai, le noir ne joue qu’un rôle périphérique dans la narration du Chant du loup - sans doute faudra-t-il attendre quelque film plus “contrasté”). (N.B : cette impression doit être nuancée. De façon contre-intuitive, l’obscurité paraît moins noire à l’oeil que la couleur noire elle-même, c'est ce qu'on appelle l’eigengrau.)
L’éclat ensuite : nettement plus lumineux qu’une projection traditionnelle (jusqu’à dix fois), on a surtout à peine noté un piqué irréprochable et une uniformité totale (il n’y a plus de “point chaud” lié à la focale de l’objectif au milieu de la toile, tous les endroits de l’écran “éclairent” de la même façon). En revanche, pas sûr que l’oeil humain perçoive vraiment la différence ; seuls certains spectateurs se sont plaints de souffrir d’un léger éblouissement. Ceci pourrait toutefois présenter de considérables avantages pour profiter de la 3D : exit les séquences trop sombres (pour économiser les lampes), les places moins appropriées et la fameuse rémanence. Dernière modification enfin : en l’absence de toile percée, impossible d’y cacher les enceintes derrière, comme il était de coutume jusqu’à présent. Ainsi, pour donner le sentiment que le son vient de face, il faut l’orienter différemment... Là encore, rien de fondamentalement inhabituel n’a frappé nos tympans.
Le Chant du cygne
Sortis plutôt ravis, il fallait quand même faire le bilan. Difficile, car l’enquête a très vite cédé la place au plaisir simple d’une séance de cinéma, comme des millions d’autres. Avec ce sentiment étrange, lointain, d’assister à la mutation d’un art centenaire en une relique perdue, aux commissures d’un sourir évanoui. C’est un mouvement irrépressible : les smartphones prennent la place des téléviseurs et les téléviseurs celle du cinéma. On ne voit de toute façon pas pourquoi cette nouvelle technologie ne supplanterait pas naturellement la projection traditionnelle : économiquement (sur le modèle des téléviseurs de plus en plus perfectionnés et de moins en moins chers), logistiquement (gain de place-s) ou simplement pour le confort, tout indique la future suprématie des leds. Alors, même s’il est loin le temps où les toiles auront déserté les salles, hâtez-vous d’en profiter avant qu’une projection ne devienne un phénomène de foire. Le mois prochain, il y aura déjà un nouvel écran à Lyon.
Un pixel mort, c'est un pixel qui reste sur une couleur primaire, bleu, rouge ou vert pétard. Là bon courage pour arriver à regarder un film sans se focaliser dessus ^^
Puis bon, Samsung qui vante la durée de vie, la bonne blague, c'est la marque avec le plus gros taux de retours au niveau des problèmes de durée de vie sur ses écrans tv.
Puis faudra parler des problèmes d'éclairages direct, une plaie sur le moyen/long terme pour les yeux...
Sur la durée de vie, il faudra attendre le retour des exploitants, mais je ne pense pas que le matériel pro soit de même qualité que les produits domestiques...
Pour l'éclairage direct, sauf à passer sa vie dans les cinéma, pas sûr non plus que ça ait un impact démesuré, en tout cas certainement moins que de passer sa vie devant un écran d'ordinateur...