Filmer la danse
Dossier réalisé dans le cadre de notre partenariat avec l'émission Metropolis, magazine culturel d'Arte. Diffusée chaque samedi à minuit, l'émission traite de l'actualité culturelle : littérature, danse, musique, exposition et bien entendu cinéma ! En complément de certains sujets de l'émission nous vous proposerons régulièrement des dossiers thématiques illustrés de scènes de films.
Aujourd'hui les films de danse ont le vent en poupe. Black Swan, Sexy Dance 3D, le prochain film hommage à Pina Bausch de Wim Wenders ; des projets très différents mais tous animés d'une même mission : réussir à capter au mieux la danse, à la filmer dans son intensité, à la mettre en scène. Souvenons-nous de ces quelques grands films musicaux qui jalonnent l'histoire du cinéma.
Il y eut les précurseurs, notamment les comédies musicales, très appréciées dans les années '50, comme Les Chaussons rouges, mystique et brutal (Black Swan en plus habité, un regard transperçant sur le milieu des comédies musicales), ou les bondissants et joviaux Chantons sous la pluie et Tous en scène. Les productions foisonnaient, la danse y apparaissait comme un art en perpétuel renouvellement, exécutée de main de maître par de grands artistes, chanteurs et danseurs, comme Fred Astaire ou Cyd Charisse. On leur dédiait un article entier ici, en s'interrogeant sur la direction que prenait la comédie musicale aujourd'hui.
Le genre fait son temps et inspire toute une génération de cinéastes sur la rythmicité à avoir pour filmer la danse, le rapport entre les danseurs et leurs partenaires, le charme à instaurer envers le public, le spectateur, souvent transposé dans le film par une audience quelconque. Les bases sont posées ; le travail des cinéastes et chorégraphes sera par la suite de tourner autour de ce canevas et d'en proposer quelques variations brillantes.
De comédies musicales décomplexées on va basculer vers des films plus sombres, plus tragiques dans leur conception, dans les années '70 et '80. Footloose, dont nous parlions longuement, montre un Kevin Bacon enragé, hanté par l'envie de danser, jusqu'à mettre sa vie en jeu pour clamer ce droit. Il est question de se libérer d'une société trop rigide, trop restrictive, d'un corps qui lui-même emprisonne le danseur. Le jugement de l'autre reste essentiel mais le plaisir de danser reste primordial. Souvent, le parcours du danseur sera semé d'embûches, jusqu'à atteindre une certaine forme de reconnaissance, d'achèvement de la perfection chorégraphiée. Flashdance, de Adrian Lyne, en est le vibrant exemple. Est proposé, dans la fameuse scène finale, un montage alternant longs plans suaves sur Jennifer Beals et réactions stupéfaites de son auditoire. Une sobriété qui finit par exploser avec la musique, laissant les images s'accélérer peu à peu avec le rythme.
Examen final extrait de Flashdance
La danse devient plus qu'un art, qu'une simple représentation, mais l'expression profonde de sentiments bouillonnants, le véritable moteur de l'action. Parfois la danse vient s'incorporer dans un environnement qui ne lui est pas dédié, et prend le pas sur tout le reste. Comme dans la fameuse scène de danse de Rabbi Jacob ou encore dans La folle journée de Ferris Bueller. La danse rassemble et on a plus besoin d'être un prodige pour s'y exercer, s'en amuser, participer un peu à cette grande communion.
Pourtant les films de danseurs et danseuses professionnels ne disparaissent pas pour autant. Preuve en est la réussite publique du très récent Black Swan, où Natalie Portman incarne une danseuse de ballet promise à un brillant avenir. Contrebalancement des années '80, la danse devient sacerdoce et donc souffrance ; la danseuse va jusqu'à martyriser son corps et halluciner, prête à tout sacrifier pour réussir. Pour transmettre ce trouble psychique le montage devient plus saturé, saccadé. Les effets pullulent et la danse devient surnaturelle, comme l'invasion dans notre univers d'une réalité qui nous dépasse.
En suspension extrait de Black Swan
La chorégraphe allemande Pina Bausch nous ayant quitté en 2009 les hommages affluent du monde entier ; et notamment dans le cinéma. Plusieurs projets s'articulent autour de cette grande professionnelle qui révolutionna le monde de la danse. Dans Les rêves dansants, un documentaire qui lui était consacré peu de temps avant sa disparition, le public pouvait découvrir ses méthodes de travail, toujours sévères mais justes.
Pour illustrer le discours de la chorégraphe, invoquant une danse quasi-transcendantale, les réalisateurs ont voulu approcher la caméra au plus près des jeunes danseurs de sa troupe.Suivre les répétitions, les moments de doute et d'échec, pour mieux souligner les moments de réussite. On y entend l'un des discours théoriques les plus stimulants de l'histoire de la danse au cinéma : l'importance du regard, de la respiration, d'une certaine position de réclusion par rapport au monde extérieur. S'enfermer dans son corps pour mieux se laisser aller. Et réapprendre tout simplement à marcher. Cela passe par de longues séquences ininterrompues, s'attachant à chaque mouvement de la danseuse, aux balbutiements de son art.
Aller et venir extrait de Les Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch
Les films de danse reviennent en grâce, c'est indéniable. Ils se refont une jeunesse avec des films comme Sexy Dance 3D ou StreetDance 3D, profitant de nouvelles avancées technologiques pour mieux capter la danse dans toute sa substance. L'image est de plus en plus nette, les couleurs travaillées et brillantes. Malgré ça on laisse le temps aux danseurs de s'exprimer dans des séquences parfois longues et captivantes, des duels de groupe de danseurs par exemple, et la fluidité de la danse a rarement été aussi bien canalisée. Les danses traditionnelles sont réinventées, comme les foules en liesse entourant les danseurs alors que la pluie bat son plein dans le voluptueux Shara de Naomi Kawase. Les danses changent, évoluent avec leur époque et leur musique, et les manières de la filmer aussi.
Quand on voit les show artistiques, danse et lumière, que sont obligés de mettre en forme les stars de la chanson pour toujours innover et réinventer le spectacle musical, on ne peut que s'attendre à ce que les films musicaux suivent la même direction. A n'en pas douter la danse au cinéma a encore de beaux jours devant elle.
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L'émission Metropolis est diffusée sur arte tous les samedi à minuit et rediffusée le dimanche à 17h45. Vous pouvez par ailleurs retrouver l'émission sur arte +7.