Retour sur la carrière de Danielle Darrieux en dix rôles marquants
A l'occasion des cent ans de Danielle Darrieux, en mai denier, nous avions attiré votre attention sur les listes du site dédiées à l'actrice, ainsi que sur celle dressée par Télérama. Pour rendre un nouvel hommage à l'artiste aujourd'hui disparue, nous vous proposons de revenir plus longuement avec Pierre Murat, de Télérama, sur la riche filmographie de "Bébé Donge", de ses premiers films avec les maîtres classiques d'après-guerre à ses ultimes prestations chez Anne Fontaine ou François Ozon. Un hommage, forcément parcellaire, à celle qui nous a quittés le 17 octobre 2017 et qui restera comme l'une des plus grandes actrices du cinéma français.
Les plus jeunes la connaissent, surtout, comme la mère de Catherine Deneuve et de Françoise Dorléac dans Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967), devenu un film culte, en matriarche dans 8 femmes de François Ozon (2002), ou ont été sensibles à sa voix dans Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (2007). Les cinéphiles se souviennent d’elle dans Madame de... de Max Ophuls (1953) où elle incarne avec une grâce infinie une coquette, victime du sentiment amoureux qui l’envahit, soudain. Le 1er mai dernier, Danielle Darrieux fêtait ses 100 ans. De ses plus de 110 films (mais elle a, aussi, joué au théâtre, enregistré des disques, interprété des séries télé et, à Broadway, sur scène, remplacé Katharine Hepburn dans un musical sur la vie de Coco Chanel), Pierre Murat a retenu dix titres pour la célébrer. Mais on aurait pu tout aussi bien parler de Retour à l’aube d’Henri Decoin (1938) où elle joue une mini-Bovary confrontée à la noirceur d’un polar. Du moment où Madame de Rênal parcourt les couloirs jusqu’à la porte derrière laquelle dort Julien Sorel (Le Rouge et le Noir de Claude Autant-Lara, 1954). De ses scènes dialoguées par Michel Audiard dans Le Désordre et la nuit de Gilles Grangier (1958). De ses deux duos magnifiques : l’un avec Alain Delon dans un sketch du Diable et les dix commandements (Julien Duvivier, 1962), l’autre avec Catherine Deneuve dans Le Lieu du crime (André Téchiné, 1983). Et de son dernier grand rôle au cinéma, offert par Anne Fontaine dans Nouvelle chance (2006)…
Battement de cœur de Henri Decoin (1939)
Danielle Darrieux devient célèbre avec Mayerling (1936) d’Anatole Litvak. A la fin des années 30, c’est l’actrice la plus populaire de France et Henri Decoin lui offre le seul film qui peut rivaliser, encore aujourd’hui, avec les grandes réussites américaines de la comédie. Elle y étincelle, face à Saturnin Fabre, génial en professeur de vol à la tire qui apprend aux « sans papiers » de l’époque à voler dans le métro. L’insécurité, déjà…
Occupe-toi d’Amélie de Claude Autant-Lara (1948)
Adaptation déjantée de la pièce de Feydeau. Dans La Rose pourpre du Caire, Woody Allen filmait des personnages qui traversaient l’écran. Trente ans auparavant, Claude Autant-Lara montre des spectateurs monter sur scène pour interrompre une intrigue qu’ils jugent immorale : triomphe du surréalisme absurde. Et c’est le rire de Darrieux, époustouflante en cocote gouailleuse et tendre, qui semble, par moments, inspirer les mouvements de caméra…
La Vérité sur Bébé Donge de Henri Decoin (1951)
Pourquoi Elisabeth Donge, que tout le monde appelle « Bébé » à trente ans passés, verse-t-elle, un après-midi, de l’arsenic dans le café de son mari ? Parce qu’il l’a négligée, niée, ce qui fait du personnage, imaginé par Georges Simenon, une féministe avant l'heure. Face à Jean Gabin, splendide, Darrieux se métamorphose : l’idéaliste candide devient, peu à peu, un ange de la Mort, sans pitié, ni pardon.
L’Affaire Cicéron de Joseph L. Mankiewicz (1952)
Le valet de chambre de l’ambassadeur d’Angleterre à Ankara a effectivement vendu aux nazis (qui ne l’ont jamais cru !) les plans du débarquement allié en Normandie. Mais Mankiewicz trancende cette histoire : le héros minable devient un seigneur désenchanté, presque shakespearien, interprété par James Mason. Et il fait de Danielle Darrieux une aristocrate cynique, prête à tout pour retrouver son rang. Elle gifle son ex-domestique, venu lui proposer une association. « Parce que vous m’avez parlé en domestique. Comme un être qui se croirait inférieur et qui essaierait d’acheter ce qu’il penserait ne pas mériter. » Lutte des classes et sado-masochisme…
Madame de… de Max Ophuls (1953)
On a triché. Les trois films que Darrieux tourne avec Max Ophuls mériteraient de figurer parmi ses dix meilleurs... Dans La Ronde (1951), elle ne fait que demander l’heure pour retenir la fuite du temps. Dans Le Plaisir (1952), la prostituée qu’elle incarne murmure un simple « Merci » à l’homme (Jean Gabin) qui s'excuse de lui avoir manqué de respect. Admirablement filmé par Ophuls et à peine susurré par Darrieux, ce simple mot permet, en un instant, à Madame Rosa de retrouver sa dignité perdue… Pour Madame de…, leur chef-d’œuvre commun, le réalisateur s’isole avec celle qui est devenue son interprète favorite, il lui parle, il l’entoure, il l’encercle pour mieux la lâcher au moment des prises. Elle et lui ont rendu Madame de… inoubliable.
Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy (1967)
Demy l’adorait, l’appelait son « stradivarius ». C’est la seule à chanter vraiment dans Les Demoiselles..., comme elle l’a toujours fait dans ses comédies des années 30. Notamment sur un tempo rapide composé par Michel Legrand, alors qu’elle feuillette les pages du journal local : « Tiens, on a découvert une femme en morceaux, rue de la Bienséance, à deux pas du château... » Elle y incarne une quinquagénaire qui a laissé passer le grand amour d’un certain Simon Dame : « Je me serais appelée Madame Dame, j’aurais été ridicule ! »
24 heures de la vie d’une femme de Dominique Delouche (1968)
Pas de chance, le film sort en 1968 : tout le monde se fiche de Stefan Zweig (c’est une de ses nouvelles les plus célèbres) et on reproche à Dominique Delouche sa sophistication. Aujourd’hui, on remarque, surtout, sa mélancolie : les dames bijoutées qui écoutent un concert, un soir de pluie, évoquent Federico Fellini, dont le cinéaste fut l’assistant. Et la mort est omniprésente, avec les silhouettes de soldats partant pour la guerre de 14… Face à un jeune joueur inguérissable qu’elle tente, en vain, de sauver, Darrieux semble glisser d’une scène à l’autre, fragile et obstinée…
Une chambre en ville de Jacques Demy (1982)
Un film 100 % chanté, comme Les Parapluies de Cherbourg, mais aux couleurs bleu nuit et rouge sang. Dans une ville en grève, Edith de Nantes – c’était le titre souhaité par Demy – rencontre un ouvrier métallurgiste : passion brève et fatale... Toutes les allées et venues des personnages aboutissent à l’appartement de la veuve d’un colonel, fan de « gros plant » nantais. A la fois candide, cynique, lucide et grotesque, elle devient le témoin, hagard et chancelant, de cette tragédie musicale qui, avec les années, compte des fans de plus en plus enthousiastes…
En haut des marches de Paul Vecchiali (1983)
A 6 ans, Paul Vecchiali tombe en arrêt sur une photo de Danielle Darrieux dans Mayerling. Il ne s’en remettra jamais… Il la célèbre, l’encense, songe à lui faire jouer (avec Simone Signoret) Femmes, femmes, qu’admirera tant Pier Paolo Pasolini, lui écrit des projets magnifiques qui n’aboutiront pas, faute de moyens. Enfin, il la dirige dans En haut des marches où elle interprète… sa mère, revenue à Toulon, dans les années 60, pour y accomplir une vengeance. Virtuosité technique, plans-séquences superbes, avec une Darrieux rêvée, qui marche dans les rues, un pistolet dans son sac, tel un pistolero dérisoire…
8 femmes de François Ozon (2002)
Il lui propose de jouer la belle-mère de Charlotte Rampling dans Sous le sable. « Ah non, lui dit Darrieux, je refuse de jouer une vieille dame en chemise de nuit ne quittant plus son fauteuil. » Qu’à cela ne tienne : dans 8 femmes, François Ozon lui offre le rôle d'une mamie avaricieuse, menteuse, faussement paralysée : elle est ravie. Ozon en fait une criminelle, en plus, meurtrière d’un mari à qui elle n’avait rien à reprocher, sinon de l’ennuyer intensément. Plus amorale que jamais, elle chante, les larmes aux yeux, lors du dénouement : « Il n’y a pas d’amour heureux. »
Je n'ai que mon Top pour ne pas pleurer et rendre hommage à cette immense Dame : http://www.vodkaster...ieux-mon-top/1009517
" Darrieux reste la séduction française, la jeune fille des romans de Jacques Chardonne et de tous ces écrivains qui ont dépeint des femmes à la fois fantaisistes, pleines d'intelligence, d'une redoutable énergie" j'avais célébré les 100 ans de cette très grande dame le premier mai Une belle dame qui s'éteint dans la fluer de ses 100 ans ... Pascal Thomas a dit à son propos .
" Darrieux reste la séduction française, la jeune fille des romans de Jacques Chardonne et de tous ces écrivains qui ont dépeint des femmes à la fois fantaisistes, pleines d'intelligence, d'une redoutable énergie" j'avais célébré ses 100 ans le premier mai http://www.vodkaster...ux-a-100-ans/1371299