Pourquoi faut-il espérer que Pacific Rim cartonne au box-office ?
Pacific Rim de Guillermo del Toro sort demain (vendredi 12 juillet) aux Etats-Unis et sera dans les salles françaises dès mercredi (17 juillet). Nous avons pu voir le film en marge d'un voyage à Londres à la rencontre de l'équipe et il s'agit sans aucun doute du blockbuster le plus réjouissant de l'été. Mais le long-métrage ne dispose pas des atouts de ses concurrents pour espérer un triomphe au box-office: ce n'est ni une suite, ni un reboot et pas l'ombre d'une grosse star au casting. Pour autant, le succès de Pacific Rim est ce qu'on peut souhaiter de meilleur à Hollywood. En voici les raisons...
Parce qu'un succès déjouerait tous les pronostics
Au sein d'un été historiquement chargé en blockbusters hollywoodiens (une vingtaine de grosses productions sortent outre-Atlantique entre mai et septembre), l'industrie étasunienne du film est sujette à de nombreux questionnements : sur l'avenir du cinéma, sur de nouveaux procédés marketing ou encore et surtout sur le potentiel financier de certaines grosses machines non incluses dans des franchises (on y revient ci-dessous). Dans un pareil contexte de surcharge de l'offre grand-public, les médias ont matière à pronostics : fatalement, les vingt événements estivaux ne pourront pas tous marcher au box-office. L'aplomb avec lequel certains annonçaient l'échec financier d'Avatar est donc de retour : le public américain ne serait pas prêt à aller voir de gros robots affronter de gros monstres - quand bien même il a offert un carton à Transformers - a fortiori si aucune star n'est au rendez-vous et s'il faut se coltiner un univers sous influence étrangère. Les prévisions du box-office deviennent si précises (autour de 30 millions de recettes pour le week-end de sortie) qu'elles pourraient glisser dangereusement vers la prophétie auto-réalisatrice... Or l'incertitude qui entoure la sortie d'un film est particulièrement précieuse, car elle constitue le dernier rempart contre le formatage à outrance. Croisons donc les doigts pour que le public fasse mentir les oiseaux de mauvais augure.
Parce qu'il est entièrement original
Il suffit de jeter un oeil aux plus gros succès au box-office mondial (inflation non prise en compte) pour dégager l'une des principales dynamiques de l'industrie hollywoodienne de ce début de XXIe siècle : les principes de franchise et de remakes/reboots y sont rois. Autant pour le public que pour les financiers, découvrir ou produire un film dans un cadre établi et largement connu est éminemment plus rassurant que de se lancer dans une nouvelle aventure. L'échec de John Carter l'an dernier et la déception, cet été, de deux des trois productions non franchisées (After Earth et Lone Ranger, le troisième étant le succès World War Z) risquent de scléroser encore un peu plus le marché.
Or, Pacific Rim est de loin le plus ambitieux des projets originaux de la saison. De là à dire que le maintien d'un fort potentiel créatif dans l'Hollywood de demain dépend de son succès, il n'y a qu'un pas.
Parce qu'il dispose d'un casting audacieux
Si les trois films cités dans le paragraphe précédent peuvent effectivement être considérés comme originaux (encore que dans le cas de Lone Ranger il s'agit vraiment de le dire vite), tous compensaient cette «faiblesse commerciale» avec une star de tout premier plan. En faisant le pari fou de s'en passer, Guillermo del Toro a constitué un casting audacieux composé d'excellents interprètes à commencer par Idris Elba qui, avant de faire ses armes en matière de science-fiction chez Ridley Scott, a incarné deux mémorables personnages de télévision (le redoutable Stringer Bell dans The Wire et John Luther dans la série Luther). A ses côtés on retrouve l'actrice japonaise Rinko Kikuchi découverte dans Babel d'Alejandro González Iñárritu et Charlie Hunnam connu pour son rôle dans la série Sons of Anarchy.
Diego Klattenhoff, Ron Perlman (l'acteur fétiche de Del Toro), Charlie Day et Burn Gorman viennent par ailleurs compléter ce casting qui rompt avec les standards hollywoodiens.
Parce qu'il ne se cantonne pas à la culture américaine
Le caractère international et multiethnique du casting est d'ailleurs au coeur du projet de Del Toro. Si le cinéaste déclare qu'il ne s'est pas livré avec Pacific Rim au jeu de citation cinéphile directe, il est clair que son film s'appuie sur un genre cinématographique installé. On vous rassure, il n'est pas nécessaire d'être un fervent connaisseur du kaiju eiga (film de monstres japonais) ou du genre mecha (personnages utilisant ou incarnant des armures robotisées) pour apprécier le spectacle. Mais les amateurs prendront certainement plaisir à trouver là le sommet de tout un pan du cinéma, principalement venu du Japon et déjà "approprié" par les Américains avec le Godzilla de Roland Emmerich (1998). Au-delà de la question du genre, l'apport important de Pacific Rim dans le paysage du blockbuster américain est tout simplement une ouverture sur d'autres cultures, essentiellement asiatiques.
Tandis qu'un phénomène hong-kongais ou japonais ne peut espérer marcher aux Etats-Unis sans passer par la case remake, il y a quelque chose de réjouissant à voir enfin une superproduction nationale s'ouvrir à l'étranger au point de nommer ses monstres en japonais, de situer la majeure partie de son action à Hong-Kong et d'offrir son premier rôle féminin à une Japonaise.
Parce que la BO a le mérite de rafraîchir le genre
Certes on peut trouver dans l'excellente BO de Pacific Rim les grands bruits sourds qui sont quasiment devenu la norme de la musique de blockbuster depuis le thème d'Inception par Hans Zimmer, mais on sait aussi dès les premières notes que le compositeur Ramin Djawadi (a qui on doit notamment la musique de Game of Thrones) a abordé la question avec originalité et fraîcheur. Un thème signature à la guitare électrique, voilà qui va contre la nolanisation du cinéma de studio et remet un peu de fun dans l'esthétique du héros tourmenté.
A noter que plusieurs morceaux de la BO de Pacific Rim sont issus de la collaboration de Djawadi avec Tom Morello, le guitariste de Rage Against The Machine.
Parce qu'il place haut la barre de l'exigence technique
L'évolution qu'amène Pacific Rim au sein du genre kaiju eiga est évidente : les avancées en matière d'effets spéciaux dont profite le film sont colossales et viennent littéralement ridiculiser le vieux Godzilla, qui en était réduit à jouer principalement sur la suggestion de son énorme bête pour susciter la peur. Ici, on en prend tout simplement plein la vue. Non pas que Del Toro et son fidèle chef opérateur Guillermo Navarro n'aient pas joué eux aussi la carte du mystère et de la pénombre (moins on distingue les contours d'une menace, plus elle angoisse) : c'est là une question de pure mise en scène. Mais dès que les kaijus surgissent pour de bon le temps d'un affrontement avec les robots Jaegers, le travail de la mythique société d'effets spéciaux ILM (Industrial Light & Magic, fondée par George Lucas) est à couper le souffle.
Un succès de Pacific Rim serait salvateur : quatre ans après Avatar, les studios réaliseraient peut-être pleinement que s'assurer les services d'une belle équipe créative et passionnée est préférable à l'investissement de dizaines de millions en plus dans le cast d'un film aux scènes d'action visuellement bâclées (les exemples récents ne manquent pas).
Parce que c'est le plus beau film de l'ère 3D
La révolution esthétique lancée par James Cameron avec Avatar n'a pas donné lieu à beaucoup de réussites formelles. Le cinéaste s'est d'ailleurs lui-même montré assez virulent à l'égard de ceux qui, selon lui, ont récemment maltraité cette technologie. Pourtant le potentiel du relief reste entier. Dans la lignée de L'Odyssée de Pi qui proposait déjà une expérience d'immersion visuelle sidérante, Pacific Rim fait un usage particulièrement intéressant du relief.
Bénéficiant d'une direction artistique exceptionnelle, le film exploite d'abord à merveille les matières volatiles (eau, poussière, débris, flammes...) dans l'effet 3D. Les hangars gigantesques dans lesquels sont stockés les robots donnent également lieu à de très belles profondeurs de champ qui, on le sait, constituent un élément fondamental de la 3D. Mais le relief s'avère ici surtout très pertinent dans le dispositif de mise en scène consistant à figurer, dans la continuité du montage, deux échelles de plans très différentes. En un clignement d'oeil, le geste des pilotes est reproduit par un robot de 80 mètres dans une fluidité visuelle garantie par l'immersion 3D.
Parce qu'il est temps d'adouber Guillermo Del Toro
En 2008, au moment de la sortie d'Hellboy II, Del Toro déclarait n'avoir jamais pu projeter sur un écran tout ce qu'il avait en lui de créativité voire de folie. Il espérait alors que ses opus à venir le lui permettraient. Mais voilà : son faramineux projet du Hobbit lui file entre les doigts après de trop longues difficultés financières du studio qui le retiennent plus que de raison en Nouvelle-Zélande (il demeurera crédité comme scénariste). On l'a interrogé à ce sujet et il confirme : ce n'est qu'avec Pacific Rim, le film qu'il a pris le plus grand plaisir à tourner, qu'il s'est enfin senti pleinement libre. Son budget de près de 200 millions de dollars, doublement supérieur à son précédent record (85 millions pour Hellboy II), lui a permis de laisser libre cours à son imagination.
Un succès lui permettrait enfin de rejoindre la catégorie de cinéastes qui ont acquis selon lui une pleine liberté de création dans l'industrie : James Cameron, Peter Jackson, Steven Spielberg, Christopher Nolan et Michael Bay.
Parce qu'on aurait presque envie de voir la suite !
Comme l'explique le co-scénariste Travis Beacham, à l'origine du projet et que Del Toro a assez vite rejoint, le cinéaste et lui ont fourni un imposant travail d'écriture. En plus de l'intrigue du film à proprement parler, Beacham s'est lancé dans la rédaction d'un roman graphique, en vente depuis quelques semaines et situé dix ans avant le début du film, au moment de la première attaque des kaijus sur Terre. Mieux : c'est toute une "Bible" qui a servi de support au scénario du film : elle couvre le passé et le futur de ce présent fascinant que montre le film, où des attaques massives de monstres marins réorganisent la société mondiale à bien des niveaux. C'est donc bel et bien dans la création de tout un univers, foisonnant et cohérent, que se sont lancés les acolytes. Si l'on s'agaçait plus haut des reboots et des sequels dans ce qu'ils révèlent de l'affaiblissement créatif des studios, on ne serait bien sûr pas contre une nouvelle plongée dans cet imaginaire à la foi sombre et éclatant dont Pacific Rim fournit déjà un aperçu hautement impressionnant et - disons-le - immanquable.
Quant aux valeurs que tu évoques, tu sous-entends sans trop t'en rendre compte que les USA ont le monopole du courage, de la solidarité (pour cela, il faut être plusieurs, et c'est le cas dans le film : Américains, Anglais, Australiens et Japonais, bien qu'on ne laisse que peu de place aux Russes et aux Chinois, certes) et de l'abnégation. Sympa pour le reste du monde.
http://www.youtube.com/watch?v=fupWquPNoTc